Mgr de Raemy: «Parler des abus aide à prendre conscience du problème»
Dix personnes ont dénoncé des cas d’abus à l’évêché de Lugano depuis le 12 septembre 2023, a rapporté l’agence ATS-Keystone le 6 mars 2024. Mgr Alain de Raemy, administrateur apostolique du diocèse italophone, rappelle l’importance de la sensibilisation en la matière, et détaille les mesures de prévention déjà prises.
Cristina Vonzun, catt.ch/ traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Parmi les dix cas dénoncés à l’évêché depuis le 12 septembre, certains étaient connus, d’autres non. Si la plupart s’apparentent à du harcèlement sexuel (attouchements inappropriés), quelques-uns concernent des actes sexuels avec des enfants et des contraintes sexuelles (»abus sexuels»). Tous les nouveaux cas annoncés sont prescrits.
Avez-vous le sentiment que quelque chose a changé au Tessin depuis la publication du projet pilote de l’Université de Zurich sur les abus dans l’Eglise en Suisse, le 12 septembre 2023? Avez-vous visité les vicariats, rencontré les personnes?
Alain de Raemy: Le fait d’en discuter, de sensibiliser, d’échanger sur le sujet des abus, aide les gens à prendre conscience du problème, à avoir le courage d’en parler. Bien sûr, c’est une expérience très douloureuse. C’est le rôle de l’Eglise de demander pardon, d’écouter, d’accueillir et de soutenir ceux qui ont été blessés.
«Depuis 15 ans, les séminaristes du diocèse de Lugano sont suivis sur leur chemin de discernement»
Le 12 septembre représente un tournant, et il est significatif que même au Tessin, où pendant si longtemps des personnes ont souffert en silence, et pas seulement au sein de l’Église catholique, il y ait maintenant des personnes qui choisissent la voie de la dénonciation. Un chemin qui n’est pas facile et pas nécessairement libérateur. Pour ma part, je continue à encourager les personnes à ne pas avoir peur de me contacter ou de contacter les entités compétentes disponibles pour dénoncer des cas. Nous avons une Commission d’experts sur les abus sexuels dans l’Eglise, avec deux personnes de contact (un psychiatre et un psychothérapeute). Et il y a le Service d’aide aux victimes d’infractions (LAVI) du canton, qui est totalement indépendant de l’Eglise.
Au niveau de la formation des prêtres et des agents pastoraux, des initiatives ou des collaborations en matière de formation sont-elles prévues?
Des choses sont en train d’être mises en place, à différents niveaux. Nous considérons maintenant la nécessité d’aborder ces questions dans des moments déterminés et avec l’aide et l’accompagnement de personnes qualifiées. Pour citer un exemple récent, l’Action catholique du Tessin a présenté il y a quelques jours le programme d’une série de rencontres de formation sur la prévention, ouvertes aux éducateurs, aux agents pastoraux, aux prêtres et aux animateurs. Mais d’autres mouvements et associations, ainsi que le clergé lui-même, réclament et s’engagent à former les personnes à adopter les bons comportements dans chaque situation et relation.
Existe-t-il des réunions ou des collaborations spécifiques pour les prêtres?
Le diocèse collabore activement avec la Fondation Aide, Soutien et Protection de l’Enfance (ASPI) depuis 2017. Ces dernières années, plusieurs rencontres et sensibilisations sur le thème de la protection de l’enfance ont déjà été proposées, à destination notamment des prêtres. Un exemple concret sont les cours de formation et de sensibilisation promus par l’ASPI et l’Office de l’éducation religieuse scolaire et de la catéchèse (UIRS) destinés aux enseignants de religion et de catéchisme. Des prêtres et des laïcs participent à ces rencontres.
Y a-t-il quelque chose de nouveau pour les séminaristes, sur le modèle des démarches de sensibilisation qui se font dans le reste de la Suisse?
Il est certain que certaines des décisions prises au niveau suisse par les trois principales institutions ecclésiastiques nationales depuis la publication de l’étude de Zurich le 12 septembre dernier seront également mises en œuvre dans les séminaires. Mais il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici que, depuis 15 ans, les séminaristes de notre diocèse sont suivis sur leur chemin de discernement, qui explore aussi les questions de prévention, grâce à la collaboration avec les diocèses de Lombardie, à travers le centre d’accompagnement vocationnel du diocèse de Milan. (cath.ch/catt/cvz/rz)