Mgr Czerny et FAO: il faut légiférer pour protéger les petits pêcheurs
Le bouleversement des équilibres séculaires entre l’homme et les ressources de la pêche met en péril la vie de millions d’êtres humains, souligne le cardinal Michael Czerny, dans son message pour la Journée mondiale de la pêche du 21 novembre 2024. Les législations doivent y remédier. Un regard partagé par le Père Guy Pasquier, de la Mission de la mer, et par la FAO.
Depuis 1997, la Journée mondiale de la pêche met en valeur les pêcheurs, et notamment les regroupements et coopératives de pêcheurs. Pour l’édition 2024, dans un message publié le 12 novembre, Mgr Michael Czerny, préfet du Dicastère pour le Service du développement humain intégral, insiste pour que les législateurs protègent les petits producteurs victimes de «méthodes prédatrices» en vigueur,«dans une perspective d’écologie intégrale généralisée et populaire».
Le «métier de pêcheur, l’un des plus anciens de l’humanité, a profondément changé», remarque-t-il. Le modèle économique «agressif et diviseur» qui prédomine aujourd’hui met en péril la vie de millions d’êtres humains qui vivent de la pêche, «au bénéfice d’une minorité de plus en plus influente et puissante qui ne s’intéresse pas aux effets à moyen et long terme de cette économie meurtrière».
Un appel à l’engagement de chacun
Pour le cardinal Michael Czerny, l’Église engage les fidèles à ne pas négliger ce danger qui vise les plus petits producteurs. «Les chrétiens ne peuvent pas se détourner lorsque des écosystèmes entiers sont menacés par des modes de travail qui les dévastent et qui appauvrissent jusqu’à la famine des populations déjà éprouvées par des inégalités et des conflits.»
Le cardinal, dans son message, met aussi en lumière la vocation de protecteurs de la mer des petits pêcheurs, «qui doit être soutenue, dans une perspective d’écologie intégrale généralisée et populaire», par les législateurs, avant les intérêts des grandes multinationales.
Cette nécessité de légiférer au niveau national et international, pour protéger les ressources, non inépuisables, des océans et autres eaux, mais aussi les pêcheurs et les populations, est défendue par le Père français Guy Pasquier. Marin du Havre, prêtre naviguant et ancien aumônier national de la Mission de la mer en France, l’homme sait de quoi il parle. Il a sillonné durant plus de 15 ans les océans sur des cargos marchands, avant de poursuivre sa mission à terre. Il témoigne régulièrement des défis actuels du métier de pêcheur, comme en septembre 2024 dans La Vie.
L’exemple de la législation européenne
«Pour lutter contre la diminution des stocks, l’Union européenne s’est dotée d’une politique commune de la pêche dès janvier 1983, régulièrement révisée», écrivait-il en décembre 2018 pour la revue choisir. Des totaux admissibles de capture (TAC), basés sur des travaux scientifiques, fixent les quantités annuelles de poissons capturables par espèce et par zone de pêche.
«Les premiers résultats de cette politique se font sentir, Depuis 2009, l’état des stocks de poissons dans les eaux Atlantiques européennes et les eaux adjacentes s’est amélioré et certaines espèces se sont reconstituées», estimait-il.
Les eaux, un bien commun de l’humanité
Et de s’alarmer de l’urgence de la question. «Avec 10 milliards d’habitants à l’horizon 2050, la Terre ne suffira probablement plus à nourrir l’humanité. Avons-nous seulement conscience de l’importance des mers et des océans qui occupent 70% de la surface du globe? Grands régulateurs du climat, ils sont aussi notre avenir en termes de nourriture et même d’eau potable, de médicaments, d’énergies, de métaux rares. Mais résisteront-ils à la convoitise de ceux qui y voient une source de profit considérable? Resteront-ils ce bien commun de l’humanité, charge pour elle de le gérer pour le préserver?»
La pêche industrielle est problématique, échappe aux contrôles et est souvent illégale, poursuivait-il. «À la Mission de la Mer, nous disons qu’une pêche raisonnable et raisonnée, qui permet aux pêcheurs des populations côtières de vivre dignement de leur travail, est possible.»
La pêche artisanale, un secteur vulnérable mais vital
À noter que l’Organisation des nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a édité en 2022 un guide intitulé Légiférer pour une pêche artisanale durable, qui vise à assurer la durabilité de la pêche artisanale, en vue d’une plus grande sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté. «Le secteur de la pêche artisanale s’exerce à la fois dans les eaux marines et continentales, et contribue à plus de la moitié des captures de poissons dans les pays en développement», indique-t-il.
Entre 90 et 95% du total des produits de la pêche artisanale sont destinés à la consommation locale. Le secteur emploie, au niveau mondial, plus de 90% des pêcheurs et autres travailleurs du secteur de la pêche (estimés à 120 millions de personnes en 2012), dont beaucoup sont des travailleurs indépendants et dont la moitié des femmes. Plus de 90% des artisans pêcheurs vivent dans les pays en développement.
«Ceci démontre l’importance mais aussi la vulnérabilité du secteur et la nécessité au niveau mondial de renforcer la législation afin de garantir aux pêcheurs une meilleure protection et une plus grande participation en matière de gestion des ressources et de prise de décisions », écrit la FAO. (cath.ch/vatican news/choisir/fao/lb)