Mère Teresa, figure omniprésente dans les Balkans
La Macédoine va honorer Mère Teresa, née dans la capitale Skopje en 1910, le 11 septembre prochain au cours d’une «journée de remerciement». La fondatrice des Missionnaires de la Charité aura été canonisée à Rome une semaine plus tôt, le 4 septembre 2016.
Le pape François a nommé le cardinal Vinko Puljic, archevêque de Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, comme son envoyé spécial pour cette «journée de remerciement» en Macédoine. Mère Teresa est une figure vénérée non seulement en Inde, mais également dans les Balkans, dont elle est originaire. Son histoire personnelle s’inscrit dans l’histoire complexe de cette région européenne.
Une sainte vénérée en Macédoine, au Kosovo et en Albanie
Anjezë (Agnès) Gonxha Bojaxhiu, la future Mère Teresa, est en effet née à Skopje, dans une famille albanaise, le 26 août 1910. Cette ville faisait alors partie de l’Empire ottoman. Par la suite, c’est la Serbie puis la Yougoslavie qui prirent le contrôle de cette ville, au fil des bouleversements dus aux guerres balkaniques et à la Première guerre mondiale. Partie en Inde en 1928, Mère Teresa a ensuite pris la nationalité indienne dans les années 1950 et n’a redécouvert son pays d’origine qu’à la fin de sa vie, rappelle Radio Vatican. Depuis plusieurs années, elle est cependant vénérée en Macédoine, au Kosovo et en Albanie.
«Nous sommes le peuple de Mère Teresa !» Cette déclaration du président albanais, lors de la visite du pape François en 2014, est révélatrice de la popularité de la future sainte. L’aéroport international de Tirana porte son nom, tout comme la cathédrale de Pristina, au Kosovo voisin, qui fut construite dans les années 2000 avec le soutien du leader indépendantiste musulman Ibrahim Rugova. Il était alors tellement enthousiaste que certains de ses proches avaient cru qu’il s’était converti au catholicisme. La figure de Mère Teresa transcende les clivages ethniques, religieux et politiques qui ont fracturé les Balkans au long du XXe siècle.
La veuve du dictateur Enver Hodja élogieuse
L’histoire de l’Etat albanais traduit une évolution paradoxale. Marquée durant 40 ans par une dictature athée extrêmement sévère – le leader communiste Enver Hodja (Hoxha) ira jusqu’à proclamer en 1967 l’Albanie «premier Etat athée du monde» – le pays tient désormais Mère Teresa comme une héroïne nationale.
En 1989, pour sa première visite en Albanie, elle avait été reçue en grande pompe par les autorités encore communistes du pays. La religieuse catholique la plus célèbre du monde avait même rencontré la veuve de l’ancien président Enver Hoxha, qui s’était éteint quatre ans plus tôt.
Figure de miséricorde pour l’Europe
Toujours en vie actuellement, cette femme ne tarit pas d’éloges sur Mère Teresa qui avait alors déposé une fleur sur la tombe de son mari, en déclarant simplement vouloir montrer que, pour les chrétiens, «la mort n’est pas une fin définitive».
Cet hommage rendu à un chef d’Etat qui avait fait exécuter ses opposants et détruire tous les signes visibles de la religion avait beaucoup surpris.
Dans le même temps, les Missionnaires de la Charité ouvraient leurs premières maisons en URSS, avec le soutien personnel du président soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Face à l’aura de sainteté de la religieuse, toutes les fractures idéologiques semblaient s’effacer. «La grande sainte de l’Inde fut donc aussi une figure de miséricorde pour l’Europe, au même titre que saint Jean Paul II, son frère dans la foi et dans la sainteté», note encore Radio Vatican. (cath.ch-apic/radiovatican/be)