Desmond Doss a été blessé lors de la bataille d'Okinawa (Capture d'écran: YouTube.com)
Suisse

Mel Gibson en chantre de la non-violence

Il a sauvé des dizaines de ses camarades au cœur d’une des pires boucheries de l’histoire, avec pour toute arme sa Bible et sa foi. Telle est l’incroyable histoire de l’adventiste américain Desmond Doss, racontée dans le dernier film de Mel Gibson, Tu ne tueras point.

Peut-on servir son pays et sa société tout en refusant de les défendre par les armes? Telle est la délicate et essentielle question posée par Tu ne tueras point, qui sortira sur les écrans romands le 1er février. Les médias chrétiens romands Christianisme Aujourd’hui, cath.ch et Protestinfo se sont unis pour présenter, le 24 janvier 2017, le film en avant-première. La séance a été suivie d’un débat sur l’objection de conscience. Une quarantaine de personnes ont assisté à la projection du film au cinéma Odéon de Morges, à laquelle étaient conviés les ministres des confessions catholiques, réformés et évangéliques de Suisse romande.

Les deux combats de Desmond Doss

Desmond Doss est un frêle jeune homme que son sergent surnomme «soldat tige de maïs» et qui subit les brimades voire les coups de ses camarades. Il fera pourtant preuve d’une telle force de caractère et de conviction, qu’il gagnera l’estime, voire l’admiration de toute sa compagnie, dont il deviendra une sorte de «guide spirituel». Le film narre les deux combats de ce jeune adventiste du septième jour. Sa première lutte consiste à se faire accepter dans les rangs de l’armée en tant que sanitaire non armé. Il parvient à résister à l’intense pression que lui soumet la hiérarchie militaire pour le faire renoncer à son option non violente ou à quitter l’armée. A force de persévérance et de ténacité, il parvient cependant à obtenir sa pleine intégration dans la compagnie, sans avoir touché une seule arme de toute sa période de formation militaire.

Alors que la guerre dans le Pacifique touche à sa fin, en mai 1945, il est envoyé sur l’île d’Okinawa. Les Japonais y défendent âprement leur territoire et les combats sont parmi les plus féroces de la Seconde guerre mondiale. Au sein de cet enfer sur terre, Desmond Doss parviendra à faire preuve d’une bravoure exceptionnelle, sans déroger à ses principes de non-violence.

Il sera le premier objecteur de conscience à recevoir la Médaille d’honneur des mains du président Truman.


«Le sacrifice sans amour est vain»

Tu ne tueras point a été unanimement apprécié par les trois participants au débat qui a suivi la séance, animé par Bernard Litzler, directeur de Cath-Info. Le capitaine aumônier protestant Jean-Marc Savary, John Graz qui dirige le Département des affaires publiques et de la liberté religieuse au sein de l’Eglise adventiste mondiale ainsi que Michael Mützner, secrétaire général adjoint du Réseau évangélique suisse, ont été touchés par le personnage de Desmond Doss. Ils ont également salué le fait que le film présente la guerre comme «la pire des saloperies», ne cherchant pas à embellir cette réalité.

Les adventistes au-delà du jugement

Les intervenants ont bien accueilli la présentation, par Mel Gibson, dans toute sa complexité, de la question éthique de la non-violence. «Dire que l’on va sur le front pour sauver des vies n’est pas aussi simple», a souligné John Graz. Certaines séquences du film montrent ainsi comment Desmond Doss réussit à survivre grâce à des camarades qui tuent les ennemis. John Graz, tout en soulignant que l’Eglise adventiste recommande à ses membres de ne pas porter les armes, rappelle que «nous sommes reconnaissants, aujourd’hui que des soldats aient donné leur vie pour défendre les valeurs qui sont les nôtres». Il précise que son Eglise ne juge pas non plus ceux qui choisissent la violence pour protéger leur vie, leur proche ou leur pays.

Jean-Marc Savary a particulièrement apprécié le message selon lequel personne ne devrait s’opposer à la croyance d’autrui. Car le film est aussi un plaidoyer en faveur de la liberté religieuse. L’aumônier militaire rappelle qu’en Suisse, l’objection de conscience est un problème qui se pose beaucoup moins depuis l’introduction du service civil.

Bible contre sabre

Les intervenants ont attiré l’attention sur la confrontation, dans le film, des visions culturelles et religieuses de la mort et du sacrifice entre les Japonais et les Américains. Une des scènes finales présente en effet le suicide rituel d’un officier japonais, en parallèle avec un Desmond Doss qui, se croyant sur le point de mourir, exige d’avoir une Bible près de lui. Le même sens du sacrifice pour le collectif, la même radicalité dans la foi. Mais pour le sanitaire américain, «avec une espérance que le Japonais n’avait pas», a affirmé John Graz. Le responsable adventiste a relevé que cette notion du sacrifice méritait d’être mise en avant, dans une société actuelle «où on nous apprend à prendre pour soi».

Jean-Marc Savary s’est dit persuadé, de son côté, que le sacrifice avait encore du sens aujourd’hui et qu’il était utile, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un acte «d’idéologie». Michael Mützner a finalement rappelé que Desmond Doss était, comme le montre bien le film, motivé dans son action par l’amour qu’il portait à ses camarades et à tous les êtres humains (il soigne également des soldats japonais). Ce qui fait dire au responsable évangélique: «Le sacrifice est vain sans amour».

Un dossier pédagogique a été réalisé afin d’aider les groupes, notamment de jeunes, à développer une réflexion à ce sujet.

(cath.ch/rz)

Desmond Doss a été blessé lors de la bataille d'Okinawa (Capture d'écran: YouTube.com)
26 janvier 2017 | 14:40
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
Adventistes (3), cinéma (131)
Partagez!

Desmond Doss, les valeurs chrétiennes à l’épreuve du feu

Corps carbonisés, déchiquetés, éviscérés….le dernier opus de Mel Gibson donne une image de la guerre particulièrement atroce. Le réalisateur australo-américain est comme d’habitude généreux avec les scènes «gore». Sa propension à répandre l’hémoglobine dans ses précédents films, tels que Braveheart ou La Passion du Christ, lui ont valu de la part de certains critiques d’être qualifié de cinéaste «assoiffé de sang». Force est pourtant de constater qu’ici, ces longues scènes de massacres particulièrement éprouvantes viennent complètement servir le message du film. Ce réalisme de la violence permet de se rendre compte de ce que signifie vraiment la guerre. Il met également en perspective le courage et la force de la foi de Desmond Doss.

Ce déchaînement d’horreurs presque insoutenable et le fait que Mel Gibson affiche clairement ses convictions religieuses déplairont certainement à nombre de critiques cinématographiques. L’on peut cependant saluer le courage d’un réalisateur qui assume ses croyances, face à tant d’autres qui préfèrent se réfugier dans un consensus mou de laïcité.

Quelles que soient les qualités ou défauts du film, tout le monde sera forcé d’admettre qu’il pose de façon subtile des questions fondamentales pour la société, telles que la tension entre la liberté individuelle et la responsabilité collective, la légitimité de la violence, ou encore le sens du sacrifice.

Et même si l’œuvre de Mel Gibson était mal réalisée, ce qui n’est certainement pas le cas, elle aurait le mérite considérable de faire connaître au grand public l’histoire de Desmond Doss, celle de la possibilité du triomphe en l’homme, envers et contre tout, de ses valeurs profondes. RZ