Médor en route vers le paradis
«Je fais le plus beau métier du monde», estime Micaela Gsponer, créatrice d’une entreprise de pompes funèbres pour animaux à Pampigny, dans le district de Morges. «Les animaux le méritent, leurs maîtres le méritent aussi. En quelque sorte, je travaille pour le respect de la vie». Pour elle, la perte d’un animal est un véritable deuil.
En 2010, après la mort de son labrador Rouck, Micaela a été décontenancée de constater qu’il n’existait, hormis les crématoires, aucune structure en Suisse romande pour la prise en charge des animaux de compagnie après leur décès. «Rouck faisait partie de la famille, je trouvais anormal de ne pas pouvoir choisir que faire de son corps», explique-t-elle en se tournant vers la photo de son chien posée sur la commode, alors que son nouveau chien Filou se blottit contre ses jambes. En aucun cas elle n’aurait accepté qu’il termine aux déchets carnés pour être transformé en farine animale.
«Rouck faisait partie de la famille, je trouvais anormal de ne pas pouvoir choisir que faire de son corps»
La jeune femme fait quelques recherches, découvre que des entreprises de pompes funèbres pour animaux existent dans divers pays. «J’ai contacté le vétérinaire cantonal qui a constaté qu’aucune loi n’interdisait d’exercer cette profession. La seule condition était l’obtention d’une autorisation de transport pour les animaux morts.» Pressentant qu’il y avait un réel besoin, Micaela crée Funeradog. Depuis 2011, la petite entreprise a pris en charge les corps de milliers d’animaux de compagnie. «J’en vis et je salarie une auxiliaire à 20%», explique la quadragénaire mariée sans enfants. Dès le début le bouche-à-oreille fonctionne très bien. Elle reçoit aussi un coup de pouce des médias très intéressés par sa démarche à la fois nouvelle et originale.
Une prise en charge complète
Lorsque qu’une personne appelle Funeradog, Micaela se rend sur place. Elle explique les différentes options possibles, crémation simple, crémation individuelle avec ou sans récupération des cendres, dépôt des cendres dans un cimetière pour animaux, dans une tombe collective ou une concession individuelle. Lorsque la procédure a été déterminée avec le maître de l’animal, elle prend en charge le corps dans un sac cinéraire et le transporte dans son véhicule spécialement équipé, au crématoire animalier de Lausanne, où elle ira récupérer les cendres le cas échéant avant de les restituer à la famille.
Les pompes funèbres sont réduites au strict fonctionnel. Singer les comportements humains n’est pas la démarche de l’entreprise qui ne possède pas d’autre vitrine que son site internet. Le véhicule de Funeradog n’est pas un corbillard. Il n’y a ni cercueil, ni fleurs, ni couronnes, ni chambre funéraire où les animaux seraient temporairement déposés. A part le téléphone, le principal et quasi unique outil de travail est la voiture frappée du logo de Funeradog. «Je parcours quelque 5’000 km par mois pour récupérer des animaux aux quatre coins du canton et de la Suisse romande chez des particuliers ou des vétérinaires.»
Dans l’expérience de Micaela, les demandes de rites funéraires sont plutôt rares. «Je suis bien consciente qu’il ne faut pas confondre la mort d’un animal avec celle d’une personne. Mais j’évite de juger. Chaque personne doit savoir au fond d’elle-même ce qui lui convient». Certaines vont mettre dans le sac cinéraire une fleur, un doudou, une lettre, un dessin d’enfant. Mais cela n’ira pas au-delà. Dans une petite moitié des cas, les personnes souhaitent récupérer les cendres, soit pour les déposer au jardin du souvenir pour animaux de Lausanne, soit pour les répandre dans la nature ou encore les mettre dans une tombe au pied d’un arbre de leur jardin.
«L’amour des animaux ne dépend ni de l’âge ni de la fortune»
La clientèle de Funeradog est très variée: personnes seules, familles avec ou sans enfants, jeunes ou personnes âgées. «L’amour des animaux ne dépend ni de l’âge, ni de la fortune». Si les chats et les chiens sont majoritaires, Micaela a pris en charge des lapins, des hamsters, des lézards, des tortues ou des serpents. Outre les animaux de compagnie proprement dits, il arrive qu’on lui confie des compagnons de travail, comme des chiens de chasse ou des chiens policiers et même quelques chiens de ferme.
«99% de mon travail consiste à écouter les gens en deuil»
Le prix de base de la prise en charge par Funeradog est de 92 francs. Auquel s’ajouteront les frais annexes: incinération, urne cinéraire, concession, etc. Au final, la fourchette de prix se situe entre 150 et 600 francs, selon la taille de l’animal et le choix des services. «Je tiens à ce que ces prix restent abordables.»
Un vrai travail de deuil
L’aspect social de son travail n’échappe pas à Micaela. C’est d’ailleurs peut-être ce qui la motive le plus. «99% de mon travail consiste à écouter les gens en deuil. Ils aimaient leur animal, ils sont authentiques. Il n’est pas rare que la perte d’un animal réveille d’autres deuils, celui d’une femme, d’un mari, d’un enfant, mais aussi d’un travail ou d’une maison. Pour certaines personnes, leur animal était un des seuls liens avec la société. La personne et l’animal ont eu un chemin de vie commun, la perte peut donc être douloureuse. Pour Micaela, un chien ou un chat ne se remplace pas. On peut certes reprendre un nouvel animal, mais la relation ne sera jamais la même. Comme pour les humains, chacun a sa personnalité et son caractère .
Même s’il faut éviter la confusion, la problématique du deuil est la même que pour une personne. Ce qui a poussé d’ailleurs Micaela à entreprendre une formation pour l’accompagnement du deuil. Il lui arrive aussi parfois de conseiller aux personnes désemparées par la mort de leur compagnon d’aller voir un psy.
Elle affirme, avec un peu d’étonnement, n’avoir jamais reçu de critiques ou de remarques négatives a propos de son engagement. Au contraire, les remerciements et les encouragements affluent, y compris dans le petit immeuble du village rural vaudois qu’elle habite.
A ce jour, Funeradog est la seule entreprise de ce type en Suisse romande. «Mais il y aurait sans doute de la place pour d’autres», conclut Micaela Gsponer.
La question du paradis des animaux reste ouverte
L’abbé Claude Pauli, vicaire du secteur d’Hérens, en Valais, est bien connu pour son attachement aux animaux. Il est notamment propriétaire d’un solide berger des Pyrénées qui le suit dans tous ses déplacements. Il livre à cath.ch quelques réflexions d’un pasteur.
Depuis quelques années, des crématoires pour animaux de compagnie et des services de pompes funèbres pour animaux ont ouvert leurs portes en Suisse. Qu’en pensez-vous?
Je comprends que le propriétaire d’un animal souhaite à la mort de son compagnon éviter de devoir éliminer son cadavre comme un simple déchet carné. Il me semble donc admissible qu’il puisse avoir recours à une crémation individuelle. Je pense qu’un animal de compagnie peut avoir une certaine noblesse, mais je n’utilise pas le terme de dignité qui doit être réservé à l’humain.
Nous devons du respect aux animaux en tant que créatures de Dieu. Nous pouvons même avoir de la reconnaissance pour leur fidélité et leur attachement. C’est une relation entre deux êtres vivants. Par analogie on pourrait reprendre ce que l’on dit du mariage «jusqu’à ce que la mort vous sépare», mais cela ne va pas au-delà.
Les animaux ont-ils une âme?
Un chien, un chat a une âme au sens de «principe de vie». Mais je ne crois pas que l’on puisse la comparer à l’âme humaine immortelle. Je laisse la question du paradis des animaux ouverte. Mais je refuserais de faire une cérémonie pour un animal ou de lui donner une sépulture dans un cimetière. Par contre, je peux prier avec une personne pour l’aider à faire le deuil de son animal de compagnie, à se détacher de lui. Mais il s’agit bien de sa foi à elle et pas de celle de son chien ou de son chat. Un ami m’a téléphoné à la mort de son chat. Je l’ai écouté, mais à un moment donné je lui ai dit: «Attention ne va pas trop loin. Garde un bon souvenir de ton animal. C’est suffisant».
Nous vivons dans une société où les animaux de compagnie prennent une place toujours plus grande.
Lorsque l’animal passe avant les gens, cela démontre la grande solitude de certaines personnes dans notre société. Cela indique aussi une perte de repères. Non, un animal n’a pas la même valeur qu’un être humain. Si on met un chien, un chat ou un cheval sur un piédestal, c’est que les hommes sont tombés au 3e sous-sol. Cela dit, il est vrai qu’un chien peut avoir une attitude plus ‘juste’ car il est ce qu’il est. Alors que l’homme qui devient une ‘bête’ est capable de descendre en-dessous de l’animal.
Le poids et le volume du commerce lié aux animaux de compagnie n’est-il pas choquant?
Je déplore l’exploitation de la sensibilité humaine envers les animaux, notamment par la débauche de publicité pour les aliments, les soins ou les objets les plus divers. Je crois que ces moyens pourraient être utilisés pour des œuvres vraiment charitables. (cath.ch/mp)
Francis Jammes (1868 1938) est un poète, romancier, dramaturge et critique français. Il passa la majeure partie de son existence dans le Béarn et le Pays basque, principales sources de son inspiration. Il a laissé notamment sa
PRIERE POUR ALLER AU PARADIS AVEC LES ANES
Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j’irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n’y a pas d’enfer au pays du Bon Dieu.
Je leur dirai : ” Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d’un brusque mouvement d’oreille,
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles.»
Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j’aime tant parce qu’elles baissent la tête
doucement, et s’arrêtent en joignant leurs petits pieds
d’une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J’arriverai suivi de leurs milliers d’oreilles,
suivi de ceux qui portent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l’on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s’y groupent en ronds.
Mon Dieu, faites qu’avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l’amour éternel.