Le Zougois Martin Iten est apparenté à Nicolas de Flüe (Photo:©Vera Rüttimann)
Suisse

Martin Iten, fier descendant de Frère Nicolas

Martin Iten est un descendant de Nicolas de Flüe. Depuis son enfance, le jeune Zougois trouve auprès de son aïeul force et courage. Rencontre près du Ranft avec une personnalité engagée dans les médias chrétiens.

Comme attirés par un aimant, les pèlerins affluent vers le vallon du Ranft. Martin Iten se tient, ce matin-là, devant le panneau d’information qui oriente vers la maison natale, la maison d’habitation et la chapelle du Ranft. Un paysage familier, que le Zougois connaît depuis son enfance. Et il aime cette perspective par-delà le Melchtal, qui se termine par trois pointes montagneuses. Car le jeune polygraphe vient aussi à cause de lui: Nicolas de Flue, le saint patron de la Suisse.

17e génération

Déjà comme enfant, Martin connaissait son lien de filiation avec «Bruder Klaus». Il représente la 17e génération remontant à ce glorieux aïeul. Précisément par Dorothée Scheuber, la fille aînée de Nicolas de Flue et Dorothée Wyss. Mais il sait aussi que beaucoup mettent en avant leur lien de parenté avec l’ermite du Ranft. Tous les deux ans, les descendants qui vont de la 17e génération actuelle à la 19e se retrouvent à Sachseln (OW).

«Quand nous devions prendre des décisions importantes, mes parents partaient en pèlerinage chez Nicolas»

Pour le jeune homme de 31 ans, qui a grandi avec sept frères et sœurs dans une famille d’agriculteurs, Nicolas de Flue a toujours représenté plus qu’une figure en bois sculptée, mais un ami proche auprès duquel il prenait conseil. «Quand nous devions prendre des décisions importantes dans ma famille, mes parents partaient en pèlerinage chez Nicolas». En grandissant, Martin Iten a voulu en savoir davantage: qui est donc cet homme, qui fut un bâtisseur de paix et un conseiller pour les responsables religieux et politiques de son temps?

Un saint qui fascine encore

Mais Martin n’est pas le seul à s’être mis en route, ce matin-là. En cette Année jubilaire des 600 ans de la naissance de l’ermite, il conduit des groupes de randonneurs dans le vallon du Ranft. La descente est raide. Sur le chemin, le spécialiste des médias énumère tout ce que fut son ancêtre: paysan, juge, époux et père de famille, mais aussi ermite, conseiller et pacificateur. Et même un saint, qui fascine encore de nous jours. Pourtant comme jeune, il a de la peine à comprendre comment un homme de 50 ans a pu quitter sa femme et ses dix enfants pour consacrer ensuite vingt ans de son existence à Dieu dans la pauvreté et la solitude.

Un aventurier radical

Martin Iten reconnaît pourtant que Nicolas de Flüe est un saint tout à fait moderne. Sa manière de vivre et son orientation radicale vers Dieu inspirent beaucoup de gens, jusqu’à aujourd’hui. «La radicalité des aventuriers a toujours fasciné. Que ce soit Christopher McCandless, qui a quitté la civilisation en 1992 [une histoire reprise par le film Into the Wild (2007) de Sean Penn, ndlr] ou Bruder Klaus qui a franchi un pas radical et a suivi l’appel de Dieu». Ils ont eu le courage de faire ce qui habite intérieurement un grand nombre de personnes: suivre leur aspiration primordiale, rechercher le silence et se concentrer sur l’essentiel.

«Beaucoup ne supportent pas le silence»

Dans nombre de conversations avec les visiteurs du Ranft, Martin Iten perçoit une aspiration à prendre de la distance avec ce monde agité et à retrouver sa source intérieure. «De plus en plus de personnes remarquent que la tension vers plus de succès, de consommation et d’apparence mondaine ne nourrissent pas en profondeur». Mais le silence – il en a fait l’expérience – n’est pas toujours confortable. «Beaucoup ne le supportent pas, car ils sont alors confrontés à eux-mêmes». Même pour lui, le silence reste un défi.

Dans sa cellule d’ermite du Ranft, Bruder Klaus aurait vécu sans se nourrir, fortifié par la seule eucharistie. Au rez-de-chaussée, il avait une chambre avec un poêle pour l’hiver. Le plafond est trop bas pour Martin Iten, qui doit se baisser. Un escalier étroit conduit à la pièce supérieure de trois mètres sur trois. Deux fenêtres laissent passer un petit filet de lumière.

Nicolas, un phare dans l’obscurité

Le jeune Zougois s’assied sur un banc de bois. C’est ici déjà que Nicolas de Flüe posait sa tête. «Cette pièce dégage une incroyable ambiance de prière». C’est comme si l’ermite, qui recevait des visites de toute la Suisse et des pays environnants, venait juste d’avoir quitté sa cellule.

Tout en parcourant le petit ermitage de son ancêtre, Martin Iten repense à l’épouse de Nicolas, Dorothée. Le seul vêtement que portait l’homme filiforme était la tunique que lui avait cousu sa femme. «C’est le signe évident qu’elle avait porté cette vocation particulière avec lui et y avait consenti». Le jeune trentenaire aussi ne pourrait pas s’être lancé sur les projets de la radio chrétienne Fischerman.FM, du magazine Melchior et des JMJ alémaniques sans le soutien de sa femme.

Durant ses jeunes années, il a lui aussi connu son chemin de solitude. Comme graphiste indépendant, il a connu une grave crise émotionnelle. Il a fait, vers 16 ans, une expérience extrême, avec un coma éthylique dû à une surdose d’alcool qui l’a mené au seuil de la mort. «A l’époque, je n’avais pas de lien à Dieu et à l’Eglise, mais à ce moment-là j’ai commencé à me confronter aux questions existentielles», raconte-t-il.

«Les vrais déserts de nos jours sont les grandes villes»

Il commence donc une recherche personnelle de sens et saint Nicolas prend alors une importance croissante dans sa vie. A l’âge de 22 ans, Martin Iten gagne l’ancien ermitage de Wiesenberg dans le canton de Nidwald, vivant et travaillant là en prenant le temps d’ordonner sa vie. L’aventurier reste présent en Martin, mais il n’était pas fait pour la vie en solitaire. Son aspiration l’a clairement conduit vers la famille. Cet été naîtra le premier enfant de son couple.

Pour «plus de Ranft»

Tout au fond du vallon du Ranft, la chapelle. Un dépliant posé là plaide pour «Plus de Ranft» (Mehr Ranft). Le motif officiel de cette Année jubilaire plait à Martin. «Plus de Ranft», cela signifie pour les chrétiens engagés que les gens doivent chercher et trouver leur propre Ranft. Leur lieu, où ils peuvent trouver Dieu dans la prière et venir à lui pour trouver la paix.

Pour cela, pas besoin de venir dans le vallon du saint ermite, car la ville peut aussi être un lieu de combat spirituel. «Les vrais déserts de nos jours sont les grandes villes. Là où les gens se trouvent souvent dans une grande détresse spirituelle et rêvent d’oasis de silence. Ce qui me console, c’est de penser que Dieu, qui a nourri intérieurement Bruder Klaus, est resté le même. Il se laisse encore trouver aujourd’hui, si on le cherche vraiment». (cath.ch/vr/bl)

Le Zougois Martin Iten est apparenté à Nicolas de Flüe
28 juillet 2017 | 09:31
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 5  min.
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