Maroc: La philosophie, «matière diabolique» contraire à l'islam ?
Les manuels d’éducation islamique au Maroc, qui qualifient la philosophie de «matière diabolique», continuent à susciter la polémique. Ils sont accusés de véhiculer une idéologie «salafiste».
L’Association marocaine des enseignants de philosophie (AMEP) réclame depuis des jours leur retrait, affirmant que leur contenu porte gravement atteinte à la philosophie, aux sciences, aux droits de l’homme et de l’enfant ainsi qu’aux acquis de la culture humaniste contemporaine.
Des manuels véhiculant une idéologie «salafiste»
L’AMEP proteste contre un chapitre d’un des manuels de la collection Al Manar qui, selon elle, incrimine la philosophie et véhicule une idéologie «salafiste». «C’est une chose qu’on ne peut pas accepter dans un climat marocain tolérant», affirme Abdelkarim Safir, secrétaire général de l’AMEP.
L’association estime que le manuel d’éducation islamique de la première année du baccalauréat – «Al Manar de l’Education islamique» – contredit non seulement les «Hautes Directives Royales en matière de réforme de l’Education religieuse», mais également le curriculum de cette matière. C’est la citation, dans le chapitre intitulé «Philosophie et foi», d’un texte d’Ibn Salah al-Chahrazouri, qui a mis le feu aux poudres à la fin de l’année dernière. Le texte de ce clerc musulman du XIIIe siècle accuse la philosophie d’être «l’essence de la dégénérescence» et d’être «contraire à l’islam».
Protéger l’école de l’extrémisme
Pour l’AMEP, le texte incriminé ne s’inscrit «nullement dans une démarche pédagogique de discussion, mais plutôt dans une visée idéologique affirmant un point de vue délétère contre la philosophie et contre la raison». L’association réclame la mise de ce manuel «hors du domaine scolaire, afin de protéger notre école de l’extrémisme».
L’Association invite les universitaires, intellectuels, chercheurs, artistes, professionnels de l’information, à participer aux Journées d’études que l’AMEP organise à Rabat, sur le thème de «La philosophie et la question des valeurs dans l’éducation», les 24 et 25 février 2017 à la Bibliothèque Nationale. Ces Journées se clôtureront par une «Déclaration de Rabat pour la philosophie» qui sera portée à la connaissance des institutions nationales et internationales «attentives à la valeur de la philosophie».
Faisant suite au congrès sur les droits des minorités religieuses, tenu en janvier 2016, le roi Mohammed VI avait réclamé une réforme des programmes scolaires du Maroc, dans une volonté de mettre l’accent sur l’islam tolérant pratiqué par la monarchie marocaine et de contrer ainsi la montée de l’extrémisme religieux. (cath.ch/com/be)