Marie-Joëlle Andrey, un bénévolat nourri de prière et de rencontres
Dans le petit village de Cerniat (FR), l’engagement de Marie-Joëlle Andrey au service du Seigneur a de multiples visages. Elle s’efforce de partager sa foi aussi bien dans sa famille que dans sa paroisse, dans le journal local, la vie villageoise, ou encore dans son métier d’ergothérapeute.
En ce début mars, une pluie dense tombe sur la vallée gruérienne du Javroz. La brume couvre les sommets encore enneigés. Malgré cela, la vue sur les Préalpes est impressionnante depuis la maison de la famille Andrey. C’est dans son intérieur boisé simple et chaleureux que Marie-Joëlle reçoit cath.ch.
La demeure, un ancien entrepôt, a été construite en bonne partie par son mari Julien, menuisier de profession. La maison tire son énergie d’un chauffage à bois et de panneaux solaires. L’autonomie énergétique est importante pour ce couple attaché à la sauvegarde de la Création.
«Ensemble, on va plus loin»
Marie-Joëlle et Julien se sont installés à Cerniat en 2011, trois ans après leur mariage, à Siviriez (FR) (son village d’origine). Dans cette petite communauté, entourés de nature, ils ont trouvé un lieu privilégié pour élever leurs trois filles, aujourd’hui âgées de 13, 11 et 8 ans.
La petite famille tente de concrétiser au quotidien une phrase qui leur sert de leitmotiv: «Tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin». «C’est également comme cela que je vois l’engagement en paroisse», note Marie-Joëlle. Qu’on ne s’y trompe pas, la vocation principale de la Lausannoise de naissance est d’être épouse et mère. Mais au-delà, sa foi en Dieu et en l’humain l’amène à donner de sa personne dans de nombreuses autres activités.
«Nous ne sommes que les instruments de l’amour de Dieu»
Car le service aux autres fait depuis longtemps partie de sa vie. Durant leurs deux premières années de mariage, alors qu’ils vivaient au Pâquier, ce couple aujourd’hui dans la quarantaine faisait office de sacristains à l’église locale. Ils ont aussi accompagné spirituellement des confirmands. «Une très belle expérience, qui nous a donné envie de continuer dans la voie de l’engagement», assure Marie-Joëlle.
L’Esprit Saint qui agit
Après leur arrivée à Cerniat, Julien se retrouve trop occupé pour poursuivre un engagement. A partir de 2013, alors qu’elle est déjà jeune maman, Marie-Joëlle se lance dans l’éveil à la foi. Une activité qu’elle arrêtera en 2018. «Il y a un temps pour tout, c’était l’occasion de passer le relais à une autre maman». Suite à cela, ses engagements dans la paroisse sont plus ponctuels. Elle donne des petits coups de main, notamment pour les soupes de Carême, se rend disponible en tant que ministre de la communion.
A la rentrée scolaire 2021, ses enfants sont devenus plus autonomes et elle dispose de davantage de temps. Elle assiste alors la mise en place de l’adoration pour les enfants. Il s’agit d’un mardi par mois, après l’école. Un goûter est partagé sur le parvis de l’église, avant un temps de prière devant le Saint-Sacrement. «Il s’agit d’ouvrir le coeur de l’enfant à ce grand et beau mystère qu’est la présence de Jésus dans cette hostie. En fait, il ne se passe pas grand chose durant ce temps, qui est plutôt dans le calme et la douceur. On met un peu de musique, on confie quelques intentions…C’est quelque chose de simple, mais je pense de beau».
Marie-Joëlle Andrey est consciente que beaucoup de familles au village sont éloignées de l’Eglise. Malgré le désintérêt répandu pour la foi, des signes lui montrent pourtant l’action discrète et intime de l’Esprit Saint. «Un enfant du village, qui veut tout le temps venir avec moi à l’adoration, a des parents qui ne s’intéressent pas à la religion. Je trouve ça très beau, parce que ça prouve qu’à travers ce que nous faisons, le Seigneur arrive tout de même à rejoindre les coeurs, nous ne sommes que des instruments de son amour, c’est lui qui agit».
Vierge pèlerine
Des impulsions que la mère de famille s’efforce également de transmettre dans le journal du village, dénommé Les reflets de Cerniat , dont elle est depuis quelques années la rédactrice en chef. Dans sa publication, qui existe depuis plus de cent ans, elle s’occupe en particulier de la rubrique «paroisse». «C’est une opportunité pour moi de dire les belles choses du monde, les rencontres, les personnes, la joie d’être ensemble, dans notre vallée». Le journal présente ainsi régulièrement des portraits d’habitants de ce coin de Gruyère. Un aspect essentiel pour Marie-Joëlle, passionnée par la découverte de l’autre, des vies, de la richesse des intériorités. «Parce que chaque personne est une merveille de Dieu».
«Le monde n’est pas tendre. Notamment avec les personnes et les familles qui vivent leur foi»
La bénévole évoque plusieurs «pôles» qui nourrissent son engagement. Il y a en premier lieu l’Eucharistie et l’oraison. Mais également l’accueil de la Vierge pèlerine, une démarche réalisée dans le cadre du «Mouvement de Schönstatt», une communauté catholique fondée en 1914 qui regroupe des laïcs et des personnes consacrées.
Une icône de Marie voyage ainsi de foyer en foyer. Dans la vallée de Javroz, onze familles l’accueillent à tours de rôle, chacune environ trois jours par mois. «Ces trois jours ont vraiment une couleur différente. Nous mettons d’habitude l’icône sur la table à manger, parce que c’est le lieu du repas et du partage. Mais elle voyage avec nous dans la maison. Le soir, les enfants la prennent à tour de rôle dans leur chambre. Les filles aiment bien dormir avec».
Prière de mères
Une autre source de nourriture spirituelle est «la Prière des mères«. Il s’agit d’un mouvement mondial lancé en Angleterre en 1995, maintenant répandu dans plus de 120 pays. Marie-Joëlle se réunit avec cinq autres mamans, un vendredi matin sur deux environ. Elles prient pour leurs enfants et ceux du monde entier. Un temps qui lui permet notamment de confier à la Vierge les souffrances qu’elle peut rencontrer en tant que mère.
«Parce que le monde n’est pas tendre. Notamment avec les personnes et les familles qui vivent leur foi. Mes deux aînées sont à un âge où elles se questionnent. Elles se sentent parfois aussi isolées parmi leurs camarades. Elles ont déjà essuyé des moqueries, du genre: ‘Ta maman c’est celle qui fait l’adoration, c’est vraiment trop nul!’ Pour moi c’est une grande douleur de savoir que mon engagement, le feu qui m’anime, peut être une pierre d’achoppement, socialement parlant, pour mes enfants».
Pour une Eglise ouverte
Le jugement des autres n’arrête cependant pas l’énergique mère de famille. C’est ainsi qu’elle organise, depuis trois ans, avec son mari et ses enfants, un spectacle théâtral devant leur maison. Une démarche qui a connu dès le début un joli succès. «C’était très beau parce que les gens du village sont venus». Si bien que les années suivantes, la troupe théâtrale s’est élargie à d’autres foyers. La troisième représentation aura ainsi lieu en juillet 2023, avec des membres de cinq familles.
«Chaque personne a quelque chose à apporter au monde»
Les répétitions et les spectacles sont des occasions de rencontre, de joie et de partage entre les habitants. «L’engagement en paroisse, c’est très bien, mais je crois qu’il faut rejoindre les personnes où elles sont. J’ai été très touchée par l’appel du pape François d’aller vers les périphéries. C’est quelque chose qui semble presque un peu ‘bateau’ aujourd’hui, mais qui pourtant ne va pas de soi. L’Eglise, pour moi, ce n’est pas rester seulement entre nous, c’est s’ouvrir au monde. Les apôtres sont-ils restés où ils étaient?»
Voir la beauté en chacun
La conviction selon laquelle la vérité de l’Evangile doit se refléter dans la vie quotidienne et profane est fortement ancrée en Marie-Joëlle. C’est ainsi toujours en ayant le Christ au coeur, qu’elle pratique son métier d’ergothérapeute. Elle exerce deux jours par semaine cette profession qui consiste à accompagner des personnes en situation de handicap, en améliorant notamment leur autonomie. «Bien sûr, je n’arrive pas vers les gens en parlant de Dieu, précise-t-elle. Mais si on me demande, je ne cache pas mes croyances et je parle volontiers de mon espérance. Il n’y a pas une Marie-Joëlle dans l’Eglise et une autre à l’extérieur, je porte ma foi partout avec moi».
Un métier qui la comble, en particulier parce qu’elle y rencontre régulièrement la beauté qui existe en chacun, même en ceux que la vie a durement malmenés. «Chaque personne a quelque chose à apporter au monde, nous avons tous reçus des talents, et nous sommes responsables de les faire fructifier là où nous sommes». (cath.ch/rz)
Les saints du quotidien
Elles ne donnent pas de conférences, n’ont écrit aucun livre, sont rarement connues au-delà de leur paroisse…ce sont toutes ces personnes qui s’efforcent tous les jours de vivre leur foi et de se donner pour le Christ et pour les autres dans leur communauté, sans tambours ni trompettes. Hommes, femmes, laïcs, bénévoles, agents pastoraux…cath.ch a tenu à mettre en lumière l’engagement de ces «saints», qui ne seront probablement jamais reconnus comme tel…en tout cas sur la terre.