Mali: La Laïcité au cœur du Dialogue national inclusif
La préservation du caractère laïc de Mali a été au centre des travaux d’un Dialogue national inclusif (DNI) qui a rassemblée pendant une semaine, du 14 au 22 décembre 2019 à Bamako, plus de 3’000 participants des différentes couches socio-économiques du pays.
Les partis politiques de l’opposition ont boycotté ces assises, organisées par le pouvoir. Depuis 2012, le Mali est confronté à des violences répétées de groupes d’extrémistes musulmans dans les régions nord de Gao, Tombouctou et Kidal. Ils avaient réussi à conquérir ces régions et y installer un Etat islamique, entre avril 2012 et janvier 2013, en gouvernant par la charia ou loi islamique.
Une partie du pays sous la coupe des islamistes
C’est dans ce cadre, qu’ils ont ordonné de tuer par lapidation, un couple non marié qui vivait ensemble. D’autres personnes avaient été amputées, d’autres encore flagellées en public pour des délits, considérées comme non conformes à l’Islam, tels que le vol ou l’adultère. Les écoles ont été fermées, un nouveau code vestimentaire a été imposé aux femmes, contraintes de porter le voile intégral, et interdites de serrer la main aux hommes. La cigarette avait interdite, tout comme la consommation d’alcool. Les tombeaux de plusieurs saints musulmans datant de plus de cinq siècles avaient été démolis, et des manuscrits détruits.
Chassés par les militaires français, les groupes extrémistes se sont dispersés dans les vastes montagnes du désert sahélien, harcelant les troupes maliennes, les militaires français, les forces internationales déployées sous l’égide de l’ONU. Les populations civiles sont régulièrement la cible des groupes terroristes religieux.
L’Eglise a été inquiétée par ces groupes d’extrémistes religieux, avec l’enlèvement en février 2017, dans le diocèse de San, au sud du pays, d’une religieuse Colombienne, Sœur Cécila Gloria dont on est toujours sans nouvelle.
La laïcité, un principe de base
Dès l’ouverture des travaux, le président Ibrahim Boubacar Keïta a cité le Coran et fait . ainsi allusion au souhait de chefs religieux musulmans d’introduire la Charia dans le pays. Des propos immédiatement déplorés par Daniel Coulibaly, représentant des catholiques et protestants. «Le président de la République habite la fonction présidentielle. Il a une religion, mais lorsqu’il agit en tant que président de la République, il n’a pas de religion, parce que la fonction n’a pas de religion», a-t-il rappelé». Il a aussi rejeté la proposition du représentant du Haut Conseil islamique (HCI). Celui-ci avait suggéré que le président de la République prête serment sur le livre saint de sa confession, le Coran, s’il est musulman et la Bible, s’il est chrétien.
Comme ses voisins, le Mali aussi est un pays à large majorité musulmane. Les problèmes interreligieux restent cependant rares. La cohabitation entre adeptes des diverses religions s’est toujours bien passée.
Pas de retour au Moyen-Age
«Ne touchez pas à ma laïcité !», a souligné Traoré Lalia Ba, membre d’une association de la société civile:»On ne peut pas mettre la charia dans notre éducation.» «Il faut éviter des pratiques rétrogrades», a renchéri Djadja Traoré, membre d’une coalition citoyenne pour qui, amener le pays vers la charia, «le ramènerait au Moyen-Age».
A la fin des assises, les participants ont souhaité que «le champ d’action des légitimités traditionnelles et autorités religieuses» soit redéfinis. Ils ont aussi appelé les acteurs politiques, candidats à des fonctions électives ou à la gestion politique du pays, de prendre leurs distances avec les «formations religieuses et autres groupes organisés sur des bases religieuses», soulignant que c’est la diversité de pensée qui renforce un pays. (cath.ch/ibc/rfi/mp)