Madagascar: quand un président change de discours…
Le président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina, a prononcé le 7 septembre 2019 un discours pour accueillir le pape François dans son pays. Problème: le chef d’Etat a changé son discours pour une allocution très politique, prononcée à quelques pas du pontife.
Comme souvent, le pape a débuté sa visite à Madagascar par un discours devant les autorités du pays. Accompagné d’Andry Rajoelina, le pape est entré dans la salle de conférence tandis qu’un orchestre jouait le Va, pensiero tiré de l’opéra Nabucco de Verdi. Un choix étonnant puisque ce morceau, aussi magnifique soit-il, est le chant des Hébreux en esclavage à Babylone, pleins de nostalgie de la Terre promise.
Toutefois, la symbolique de cette œuvre a pris un certain sens avec le discours du président malgache avant l’allocution du pape. Depuis l’indépendance, a déclaré l’homme politique, les Malgaches «ont sombré dans le désespoir, ont perdu leurs repères». «Je confirme ma volonté et mon engagement pour redresser et reconstruire Madagascar, (…) je serai à l’écoute et aux côtés de mes concitoyens, (…) je ressens et j’ai vu la souffrance de mes concitoyens, je les ai entendus, je les ai écoutés. Cela m’a fendu le cœur. Cela a secoué mon âme».
Récupération politique
Outre sa surprenante tonalité très politique, quasi-messianique, ce discours pose un autre problème. Il s’agit en effet d’une version différente de celui transmis par le Saint-Siège à la presse accréditée au bord de l’avion du pape. En d’autres termes, cela signifie que la Présidence malgache a transmis un autre discours au Vatican, dans la procédure habituelle d’échange des discours en amont de la visite. Ce discours prévu était, lui, bien moins centré sur Andry Rajoelina et correspondait plus aux standards habituels.
Probablement pris de court, le pape François a considéré – s’écartant lui aussi de son discours écrit – qu’Andry Rajoelina avait parlé «avec passion», «avec amour pour [son] peuple». «Je vous remercie pour votre témoignage de patriote», a-t-il ajouté. Toute empreinte de vérité cette allocution présidentielle puisse-t-elle être, elle n’en constitue pas moins une récupération politique de la visite apostolique par Andry Rajoelina. Si un tel danger existe toujours et que les hommes d’Etat ne résistent pas souvent à cette tentation, il est rare que la récupération soit aussi flagrante et aussi poussée. (cath.ch/imedia/xln/rz)