L'Université catholique de Georgetown vendait des esclaves au XIXe siècle
L’Université américaine de Georgetown, à Washington, qui disposait d’esclaves noirs au XIXe siècle, a débuté un processus d’analyse de son rôle dans l’institution de l’esclavage et de son héritage dans la société américaine contemporaine.
Fondé en 1789, l’établissement jésuite est la plus ancienne université catholique des Etats-Unis.
Aujourd’hui, Georgetown jouit d’une grande réputation internationale. L’Université jésuite affirme incarner ses principes fondateurs dans la diversité de ses étudiants, de ses professeurs et de son personnel, avec un engagement reconnu pour la justice et le bien commun. Raison pour laquelle elle revisite un passé pas toujours glorieux en fouillant dans ses archives.
Des «nègres» vendus pour sauver l’Université de la faillite
Pour ce faire, elle a mis en place un «groupe de travail sur l’esclavage, la mémoire et la réconciliation». Il a mis à jour la vente en 1838 de 272 esclaves qui travaillaient dans les plantations jésuites du sud du Maryland. Le produit de la vente est allé à la Province jésuite du Maryland et a été utilisé pour payer des dettes de l’Université, qui était menacée de faillite.
La copie du document de vente des esclaves – on y parle de «nègres» – a été mise en ligne sur le site internet http://slaveryarchive.georgetown.edu/. On y lit que le 19 juin 1838, le Père Thomas Mulledy, de Georgetown, a accepté de vendre 272 hommes, femmes et enfants à Henry Johnson et Jesse Beatty, de l’Etat de Louisiane.
Arbitrage prévu en cas de «valeur altérée» de la «marchandise»
On y apprend, dans ce contrat qui fixe les honoraires de la transaction, qu’il s’agit de la vente de familles entières, du vieillard au petit enfant… Le texte précise même qu’il y aura «une déduction équitable» en cas de «valeur altérée», par exemple de mauvaise santé ou de «défauts» lors de la livraison de ces «nègres». Si les parties ne sont pas d’accord sur le montant à déduire, «la question sera soumise à la décision de deux arbitres choisis par les parties». En valeur d’aujourd’hui, la vente d’alors est estimée à 3,3 millions de dollars. Des voix se font entendre pour que cette somme soit mise à disposition par l’Université en faveur des descendants de ces esclaves.
En 1765, avant la fondation de l’Université, le Père jésuite George Hunter, compilant une enquête sur les missions jésuites dans le Maryland, y mentionnait la présence de 192 esclaves. Le Père Hunter enregistrait le revenu annuel que chaque mission gagnait sur le travail des esclaves et des fermiers. Il remarquait que dans chaque cas, les esclaves généraient plus de revenus que les locataires des terres.
Priorité aux descendants des esclaves
Les descendants de ces esclaves bénéficieront d’une priorité d’admission dans la prestigieuse institution, a annoncé le 1er septembre John J. DeGioia, président de l’Université. Georgetown entend s’engager en faveur des descendants à la fois sur le campus et dans les villes et les collectivités où ils vivent.
En septembre 2015, le président de l’Université avait mis en place le «groupe de travail sur l’esclavage, la mémoire et la réconciliation», présidé par le jésuite David Collins et comprenant des professeurs, des étudiants, des anciens et le personnel. Il est chargé de faire des recommandations sur la meilleure façon de prendre conscience et de reconnaître l’histoire de l’Université en ce qui concerne l’esclavage. Il s’agit d’organiser des événements et d’examiner les possibilités de dialogue à ce propos.
Deux bâtiments du campus de l’Université portant les noms de présidents impliqués dans la vente d’esclaves vont être rebaptisés. D’autres grandes universités américaines ont bénéficié du commerce d’esclaves. (cath.ch-apic/slavery.georgetown/be)