Lourdes: Pierre Jovanovic reçoit le prix «Père Jacques Hamel»
Pierre Jovanovic a reçu le prix «Père Jacques Hamel» lors des 24e Journées internationales Saint François de Sales, à Lourdes le 23 janvier 2020. Le journaliste est l’auteur du portrait touchant d’une Américaine de 26 ans, enlevée puis exécutée par des djihadistes de l’organisation Etat islamique en 2015. Rencontre avec un journaliste qui place l’humain au cœur de son métier.
Bernard Hallet à Lourdes
«Le parcours de Kayla Mueller me touche. Elle s’est retrouvée dans l’enfer sur terre et elle a reçu la grâce donnée à certains martyrs de formuler leur foi», lance Pierre Jovanovic la voix claire. A peine sollicité pour quelques questions sur l’article qui lui a valu de recevoir le prix «Père Jacques Hamel», le presque trentenaire jette son sac à dos sur une chaise et s’assoit de travers sur une autre. Il se lance, sans même ouvrir sa veste, dans le récit de la vie de cette jeune Américaine.
La liberté en prison
Kayla Jean Mueller a été enlevée par les djihadistes de l’Etat islamique en Syrie et est morte en captivité en 2015, à l’âge de 26 ans. Il entend parler de l’assassinat de la jeune femme dans la presse américaine lors de la nouvelle de son exécution et alors qu’une opération militaire aérienne ciblant l’Etat islamique porte son nom. L’info traverse l’Atlantique. Le journaliste, nouvellement engagé à l’hebdomadaire catholique La Vie, s’intéresse à son histoire.
En épluchant la presse d’outre Atlantique, il découvre qu’elle est chrétienne, évangélique, et qu’elle a pu faire passer une lettre à sa famille, publiée ensuite dans la presse. Elle dit avoir trouvé, grâce à sa foi, la liberté en prison et «Dieu dans le yeux des personnes qui souffrent». Le contenu de la lettre le bouleverse. Il décide de faire son portrait posthume. «Kayla Jean Muller, Martyre du bien» est paru le 7 novembre dernier dans La Vie.
Donner la parole aux témoins de la foi
Grâce à des recherches sur internet, il retrouve et recueille le témoignage de la pasteure qui fut l’aumônière de Kayla Mueller à l’université et celui de Nicolas Hénin, journaliste enlevé – retenu captif entre 2013 et 2014 – et codétenu de l’Américaine. «Ces témoignages l’ont rendue vivante! En tant que journaliste chrétien, j’estime qu’il est important de donner la parole aux témoins de la foi».
«La richesse de notre métier, c’est l’humain!», s’enthousiasme le journaliste. Fils de militaire, il a déménagé plusieurs fois au gré des affectations de son père. «Cela m’a aidé à comprendre la complexité du monde», explique celui qui souhaitait s’orienter vers la carrière diplomatique. Il est passé par Sciences Po Paris, de 2009 à 2014 et a effectué, durant son cursus, un stage d’un an à l’ambassade de France en Israël. Le virus de la plume prend finalement le dessus.
Petit-fils d’immigré
A l’issue de ses études, un stage, dégoté «au culot» à La Vie, le lance dans le journalisme. Il enchaîne ensuite les piges, entre autres, à l’hebdomadaire Famille chrétienne, au Figaro, à Pèlerin Magazine. Il reste marqué par un reportage au cours duquel il a suivi les réfugiés syriens arrivant en Europe. Un périple qui le mène en Serbie, aux racines de sa famille.
«Je suis le petit-fils d’un immigré serbe, arrivé dans les années 1950 à Paris. Suivre ces immigrés syriens a été très fort pour moi. Un vrai retour aux sources!». Il se pose, ralentit le débit, le ton passe à la confidence. Lui qui avait une idée vague de ces immigrés se trouve face à des visages. «J’ai été très touché par ce que c’était réellement qu’immigrer». Il pense à son grand-père.
La petite histoire dans la grande Histoire
Il creuse le sujet et l’angle sur la manière dont les chrétiens français voient l’immigration. «Ce sont eux qui se sont le plus investis dans l’accueil des migrants et qui en ont fait le plus à un moment où la thématique agitait l’opinion et trouvait un écho assez négatif». Il en sortira un livre, Les chrétiens face aux migrants, aux Editions Tallandier.
Il revient à «l’humain» plusieurs fois au cours de l’entretien. Son credo. Au-delà de la grande actualité et des histoires telles que celle de Kayla, cela vaut aussi pour tout ce qui se passe dans la vie des paroisses, de ces campagnes où se vit la foi et des communautés chrétiennes urbaines. «C’est la petite histoire de ces témoins de la foi embarqués dans la grande Histoire». (cath.ch/bh)
Le Prix Jacques Hamel
Le Prix Jacques Hamel a été créé en 2017 et doté de 1’500 euros par la Fédération des Médias Catholiques après l’assassinat du Père Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, en Seine-Maritime. BH