L'œcuménisme de la rencontre
Sur le plan de l’œcuménisme, le pape François opte pour une culture de la rencontre fondée sur des gestes de proximité et d’amitié personnelle avec les dirigeants des différentes confessions chrétiennes. Ses voyages et ses audiences le confirment.
Le pape François n’a pas laissé de documents majeurs sur l’œcuménisme, préférant se référer aux textes de ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI. En 2020, à l’occasion du 25 anniversaire de l’encyclique Ut unum sint de Jean Paul II, le pape François livre dans une lettre sa vision de l’œcuménisme : «Je rends grâce au Seigneur pour le chemin qu’il nous a permis de parcourir en tant que chrétiens dans la recherche de la pleine communion. Je partage moi aussi la saine impatience de ceux qui pensent parfois que nous pourrions et devrions nous engager davantage. Toutefois, nous ne devons pas manquer de foi et de reconnaissance: de nombreux pas ont été faits en ces décennies pour guérir les blessures séculaires et millénaires; la connaissance et l’estime réciproques se sont accrues, en aidant à surmonter les préjudices enracinés; le dialogue théologique et celui de la charité se sont développés, tout comme les diverses formes de collaboration dans le dialogue de la vie, sur le plan pastoral et culturel.»

Laissant au Dicastère pour l’unité des chrétiens, dirigé par le cardinal suisse Kurt Koch, les questions du dialogue théologique, le pape François a ainsi privilégié œcuménisme de la rencontre en recevant à Rome ou en visitant pratiquement tous les chefs des grandes Eglises chrétiennes, ne manquant jamais lors de ses voyages de participer à un rassemblement œcuménique.
Le patriarche Bartholomée de Constantinople, le primat de l’Eglise anglicane Justin Welby seront deux de ses interlocuteurs privilégiés, mais il rencontrera aussi plusieurs fois, le pape des coptes d’Égypte Tawadros II, le katholikos arménien Karékine II, le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE et encore bien d’autres.
Le pontificat du pape François a changé profondément le paysage œcuménique, notait un observateur protestant. «Non pas qu’il soit véritablement un réformateur, dans le sens protestant du terme, mais tout simplement parce qu’il prend vraiment au sérieux ses interlocuteurs, sans faire une hiérarchie entre partenaires de première et deuxième division.»

Voyages œcuméniques
Plusieurs des voyages du pape François auront un but explicitement œcuménique. En juin 2015, il visite l’église vaudoise du Piémont à Turin. En septembre, il se rend à l’église luthérienne de Rome. Sa rencontre avec le patriarche de l’Eglise orthodoxe russe Cyrille, à Cuba en février 2016, est la première entre les chefs de ces deux Églises depuis le schisme entre chrétiens d’Orient et d’Occident il y a près de mille ans. En octobre 2016, le pape François se rend à Lund, en Suède, pour le 500e anniversaire de la Réforme protestante. En 2018, il visite le Conseil œcuménique des Églises (COE) à Genève, après Paul VI en 1969 et Jean Paul II en 1984.
La plupart des nations que le pape François a visitées en Europe sont à majorité orthodoxe: en 2019, c’était la Bulgarie, la Macédoine du Nord et la Roumanie. En 2021, Chypre et la Grèce. En 2023, il se rend au Soudan du Sud avec le primat anglican Justin Welby.
L’oecuménisme du sang
L’oecuménisme des martyrs est encore un autre axe de la démarche du pape François. En 2016 il improvise en expliquant: «Quand les terroristes ou les puissances mondiales persécutent les minorités chrétiennes ou les chrétiens, ils ne demandent pas: «Mais es-tu luthérien? Es-tu orthodoxe? Es-tu catholique? Es-tu réformé? Es-tu pentecôtiste? Non. Mais ils lancent: ›Toi, tu es chrétien. L’ennemi ne se trompe pas, il sait bien reconnaître où est Jésus.».

L’une des images les plus frappantes sera celle des 21 martyrs coptes d’Égypte exécutés par Daesh en Lybie en 2015 et dont le martyr est reconnu par l’Eglise catholique en 2023.
L’oecuménisme des reliques
Fait moins souligné mais d’une haute importance symbolique, François pratique aussi un œcuménisme des reliques et des œuvres d’art. Des reliques sont offertes ou prêtées à d’autres Églises, comme celles de saint Nicolas qui attirent des millions de fidèles à Moscou et en Russie en 2017. En 2019 le pape François décide de faire don d’une relique de saint Pierre au patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée. En 2023, trois fragments de la frise du Parthénon conservés au Musée du Vatican sont restitués à la Grèce.
L’échec du rapprochement avec Moscou
Au début de sont pontificat, le pape François caresse l’idée d’un rapprochement significatif avec Moscou qui regroupe sous son égide une large majorité de l’orthodoxie mondiale. Ces efforts aboutissent à la rencontre historique en 2016 à la Havanne avec le patriarche Cyrille de Moscou.
Beaucoup entrevoient une possible visite du pape à Moscou. Mais la relation se tend rapidement autour de la situation en Ukraine. Sur le plan religieux d’abord, où Moscou tolère mal la concurrence des gréco-catholiques et condamne l’émergence d’une Église nationale autocéphale reconnue par le patriarche Bartholomée.

L’invasion russe en Ukraine en 2022 précipite une quasi rupture. Le soutien du patriarche Cyrille à la guerre et son discours conservateur face à un Occident dépravé agacent le pape François qui le traite ›d’enfant de chœur de Vladimir Poutine’. L’idée d’un rapprochement fait long feu, même si tous les contacts ne sont pas rompus.
Revers de la médaille
Cet œcuménisme de l’action a un revers aux yeux de nombreux observateurs, le manque de progrès significatifs dans le dialogue théologique après les avancées des années 1970-1980. De nombreuses commissions mixtes ou groupes travail ont continué leurs efforts sur les divergence doctrinales, mais ces organes peinent à dépasser le stade du constat.

Pour les catholiques, par exemple, la communion à la messe est très différente de la manière dont la voient les protestants. Mais le pape François, en répondant un jour à une luthérienne qui lui demandait si elle pouvait communier avec son mari catholique, l’a simplement renvoyée à sa conscience personnelle et au discernement de l’évêque.
Ainsi en Allemagne notamment, où les mariages interconfessionnels sont courants, la majorité des évêques consent à donner la communion aux deux conjoints. Mais en l’absence de réponse univoque, cela soulève un autre obstacle œcuménique, cette fois-ci avec les orthodoxes radicalement opposés à toute forme d’intercommunion.
L’unité est un don de l’Esprit-Saint
«Quel chemin nous reste-t-il à faire ?» s’interrogeait le pape François dans sa lettre de 2020. Une chose est certaine : l’unité n’est pas principalement le résultat de notre action, mais elle est un don de l’Esprit Saint. Cependant elle «ne viendra pas comme un miracle à la fin: l’unité vient dans le cheminement, c’est l’Esprit Saint qui la fait dans le cheminement.» (cath.ch/mp)
La nouvelle de la mort du pape François a été annoncée à 9h45, par le cardinal Kevin Farrell, Camerlingue de la Chambre apostolique, depuis la Maison Ste Marthe. Le pape François est décédé en ce lundi de Pâques, 21 avril 2025.