L’initiative «Pour une alimentation sûre» et la justice climatique
L’initiative «Pour une alimentation sûre» sera officiellement déposée à la Chancellerie fédérale à Berne le 16 août 2024. A quelques jours du lancement de la Saison pour la création, elle offre une nouvelle occasion de réfléchir aux moyens de promouvoir en Suisse une économie agricole durable et aux questions de justice climatique.
Lancée le 13 juin 2023, l’initiative populaire fédérale «Pour une alimentation sûre – grâce au renforcement de la production indigène durable, à davantage de denrées alimentaires végétales et à une eau potable propre» a récolté 113’103 signatures authentifiées.
Son objectif est d’encourager la production de denrées alimentaires végétales plutôt qu’animales, en garantissant suffisamment d’eau potable propre ainsi que la biodiversité et la fertilité des sols, et de créer ainsi les bases d’une économie agricole et alimentaire durable.
Cela passe, pour les initiants, par une augmentation du taux d’autosuffisance en denrées alimentaires et en eau potable de la Suisse. Bien que la sécurité alimentaire soit ancrée dans la Constitution suisse depuis 2017, le taux d’autosuffisance n’est aujourd’hui que de 50%, l’autre moitié des aliments devant être importée. L’initiative demande que soit inscrit dans la Constitution le fait que «la Confédération vise un taux d’auto-approvisionnement net d’au moins 70%».
La production de viande et de lait trop favorisée
Les initiants font encore remarquer que les deux tiers de la surface agricole suisse sont des prairies et des pâturages qui conviennent à la production de viande et de lait à partir d’herbages. En outre, le gouvernement fédéral subventionne cinq fois plus les aliments d’origine animale que ceux d’origine végétale, avec 2,3 milliards de francs pour les premiers contre 0,5 milliard, explique le comité d’initiative. La culture de fourrage pour animaux de rente est encouragée sur 60% de nos terres arables, alors que la culture d’aliments végétaux (des légumineuses par exemple) pour les humains sur ces mêmes terres permettrait de produire de dix fois plus de calories, détaille-t-il.
Des importations nuisibles sur le plan international
La moitié du fourrage nécessaire aux 16 millions d’animaux de rente doit en sus être importé. Sa production et son transport pèsent lourdement sur la planète. L’Union suisse des paysans elle-même estime que «la protection de nos surfaces de production et de l’agriculture indigène est importante non seulement pour la sécurité alimentaire, mais aussi pour des raisons environnementales globales», indiquent les initiants.
En Suisse, le fourrage importé entraîne d’énormes excédents de lisier et de fumier, lésant aux passages les pays étrangers exportateurs qui doivent les remplacer par des engrais chimiques. «Nous n’hésitons pas à importer du fourrage de pays où des forêts vierges ont été défrichées afin d’en faire des terres cultivables, même si nous savons que nous nuisons ainsi au climat.» Or ces forêts sont d’importants réservoirs de CO2 et d’eau et des «coffres-forts» de la biodiversité mondiale.
Notre rapport à la biodiversité, ce «don de Dieu»
A noter que les Suisses sont invités à voter le 22 septembre sur une autre initiative intitulée «Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage». Centrée sur la biodiversité, celle-ci demande que le devoir de sauvegarder notre «source de vie» soit inscrite dans la Constitution. Comme le souligne œco Églises pour l’environnement, qui parraine la Saison de la Création, la biodiversité, ce «don de Dieu» diminue à une vitesse alarmante dans le monde et en Suisse. Rien que dans notre pays, «pas moins de la moitié de toutes les espèces animales et végétales sont menacées». Pour l’association œcuménique, il est temps de modifier notre style de vie, et notamment notre mode de consommation et nos habitudes alimentaires. (cath.ch/com/lb)