L’incendie de Notre-Dame enflamme les cinéastes
L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris passionne les réalisateurs. Entre une fiction grand spectacle signée Jean-Jacques Annaud, une série annoncée par Netflix et une mini-série adaptée d’une enquête du New York Times, les projets confirment tous l’impact de l’événement.
Le 15 avril 2019, l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris a été suivie en direct par des spectateurs du monde entier. Comme une atteinte à l’âme, l’événement a aussi impacté de nombreux réalisateurs. Il faut dire que cette nuit tragique réunissait tous les ingrédients du spectacle et du drame. L’hommage renforcerait sans doute aussi l’attachement de tous à la cathédrale, croyants ou non. Une kyrielle de projets pour petit et grand écran a ainsi émergé de ce dramatique incendie.
«L’incendie de Notre-Dame, c’est le sacré qui brûle et c’est ce que je vais montrer.»
Jean-Jacques Annaud, cinéaste
Attiré par les films à grand spectacle dont il s’est fait une spécialité, Jean-Jacques Annaud a tout de suite vu le potentiel de fiction que l’histoire contenait. Le réalisateur du Nom de la Rose (1986), qui a débuté le 9 mars 2021 le tournage de «Notre-Dame brûle», explique ainsi au quotidien La Croix, qu’«au-delà du symbole chrétien, c’est un lieu de prière, un lieu sacré depuis des temps très anciens qui menaçait de disparaître. Je pense que c’est ce qui a ému les gens dans une période où, au fond, notre société manque de spiritualité. L’incendie de Notre-Dame, c’est le sacré qui brûle et c’est ce que je vais montrer.»
Une reconstitution minutieuse
Pour cette fiction attendue sur les écrans en 2022, Jean-Jacques Annaud a reconstitué l’incendie en tournant dans différents lieux présentant une grande similitude avec ceux de l’édifice parisien, que ce soit la cathédrale d’Amiens ou celle de Sens. Un travail numérique va parfaire l’illusion, en reconstituant une partie des décors en studio, notamment pour les scènes d’incendie.
L’ambition de ce film choral, qui suit quelques personnages clés intervenus sur les lieux la nuit de l’incendie, est de montrer «une vérité souvent ignorée de la plupart des gens; ils ont vu l’incendie de l’extérieur, je vais leur montrer ce qui s’est passé à l’intérieur, faire vivre ce qui n’a pas été vu et parfois ce qui n’a pas été su», explique le cinéaste. C’est à partir de centaines de témoignages et de rencontres qu’il a ainsi bâti son scénario.
«Notre-Dame qui brûle, c’est le symbole de nos sociétés qui se divisent, elles aussi en danger de destruction»
Hervé Hadmar, réalisateur
Une série Netflix
Fin mars, Netflix annonçait à son tour «La Part du feu», une série en six épisodes réalisée par Hervé Hadmar. «Notre-Dame qui brûle, philosophe-t-il, c’est le symbole de nos sociétés qui se divisent, elles aussi en danger de destruction». Construit lui aussi sous la forme d’un récit choral, le film est conçu en collaboration avec la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et de Romain Gubert, coauteur de «La Nuit de Notre-Dame» (Éd. Grasset). Le long-métrage s’intéresse aussi à «l’impact plus intime et personnel de cet événement à travers la France», détaille au quotidien La Croix Damien Couvreur, directeur des séries originales chez Netflix. La série devrait arriver très prochainement sur la plateforme, selon le site aleteia.
L’incendie a encore inspiré «Notre-Dame de Paris», diffusé sur Telemontecarlo le 13 avril 2021, un documentaire de Gédéon et Jules Naudet qui raconte la nuit de l’incendie à travers les témoignages de ceux qui l’ont vécu. Enfin, une mini-série de quatre épisodes en anglais a été annoncée en 2019, adaptée d’une enquête du New York Times sur la catastrophe, un projet qui n’a pas encore abouti. (cath.ch/cx/ag/cr/cp)
Trois questions à… Charles-Antoine Courcoux
Historien du cinéma à l’Université de Lausanne, Charles-Antoine Courcoux se trouvait à Paris deux semaines après l’incendie de Notre-Dame. Il apporte son éclairage sur l’attrait que représente cette catastrophe pour le petit et grand écran.
Comprenez-vous l’engouement des réalisateurs autours de cet événement?
Il fait partie des événements qui, comme le 11 septembre, ont un tel pouvoir d’attraction qu’il permet à chacun d’investir ce spectacle en fonction de ses aspirations et des significations personnelles qu’il lui prête. C’est un événement de son temps, au sens où il correspond au type des spectacles «captivants» que nous consommons et à leurs modes de diffusion médiatique. L’attentat du 11 septembre a d’ailleurs été à la base de ces modèles de diffusion de l’information surdramatisée en boucle qui a fait la fortune de Fox News. C’est aussi un événement collectif à l’iconographie spectaculaire qui permet une arborescence de récits, avec un drame humain doublé d’une catastrophe matérielle qui en métaphorise l’intensité.
La plupart des projets de films développés à partir de cet incendie optent en effet pour un récit choral. Qu’en penser?
C’est le modèle du film «inclusif» qui s’est beaucoup développé à partir des années 2000. Il est destiné à un public mondial et intègre une grande diversité de personnages, d’origine ethnique, raciale et de genre différents, de sorte à ce que chacun.e puisse s’y retrouver.
Pour Jacques Annaud, l’incendie de Notre-Dame, c’est «le sacré qui brûle». Cette évocation vous surprend-elle de sa part?
Non, on connaît son intérêt pour ces questions, que l’on songe aux films «Le nom de la Rose» (1986) et «Sept ans au Tibet» (1997). Cela dit, je constate qu’il ne parle pas de catholicisme, mais de perte de sacré. On pourrait du coup y voir le signe d’une tentative «œcuménique» d’exploiter le filon du sentiment d’une période sécularisée, prétendument en perte de repères. CP