Liban: «L'espoir est notre pain quotidien»
Après les troubles socio-politiques et l’explosion du 4 août 2020, Beyrouth est une ville meurtrie. Le Père Jad Chlouk, prêtre de la communauté maronite de la capitale libanaise, évoque la reconstruction, les espoirs du peuple et la situation des chrétiens dans le pays.
Par Tobias Lehner, AED Allemagne/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Beyrouth a été secouée, le 4 août 2020, par l’une des pires explosions non nucléaires de l’histoire de l’humanité. La catastrophe, qui a fait environ 200 morts, a causé de gigantesques dégâts matériels. Cela n’a fait qu’ajouter à la crise dans laquelle est enferré le Liban, qui souffre plus que jamais de la mauvaise gestion des autorités, de la corruption, ainsi que de la crise bancaire et politique.
Le Liban a souvent été salué comme un modèle pour l’ensemble du Moyen-Orient, notamment en raison de la coexistence plutôt réussie de ses communautés religieuses. Mais cet équilibre est menacé, en particulier par l’émigration massive des chrétiens.
Le Père Chlouk, âgé de 38 ans, dirige la congrégation de la cathédrale maronite Saint-Georges. Le lieu de culte a également été gravement endommagé par l’explosion. L’œuvre d’entraide catholique Aide à l’Eglise en détresse (AED) finance la réparation de la cathédrale et de 16 autres structures ecclésiastiques à Beyrouth.
La vie à Beyrouth n’est plus la même depuis l’explosion. Comment était l’atmosphère en fin d’année?
Jad Chlouk: Nous sommes encore sous le choc de ce qui s’est passé en août. Les souvenirs de cette mauvaise journée reviennent constamment, surtout lorsque vous voyez des maisons, des églises, des écoles ou des hôpitaux détruits ou lorsque vous entendez le bruit du tonnerre. L’ambiance est toujours tendue et craintive. Malgré tout, nous avons essayé de renouveler notre vie spirituelle du mieux que nous pouvions pendant la période de Noël.
Votre quartier de Beyrouth, où vivent de nombreux chrétiens, a été particulièrement touché. Il n’est pas loin du port où l’explosion s’est produite. L’église paroissiale, la cathédrale maronite de Saint-Georges – à la reconstruction de laquelle AED contribue – a également été gravement endommagée. Où en sont les réparations?
La reconstruction de la cathédrale a commencé il y a un mois. Nous avons effectué quelques réparations temporaires pour éviter d’autres dégâts, comme l’intrusion d’eau de pluie. Nous espérons que le toit sera réparé dans quelques semaines. Les réparations des portes et des fenêtres endommagées sont également en cours.
Comment la pandémie de Covid-19 a-t-elle affecté la reconstruction et l’aide humanitaire?
Elle a notamment retardé la réhabilitation de la cathédrale. Nous avons dû demander une autorisation spéciale pour poursuivre le travail dans des conditions de sécurité et selon les normes en vigueur.
D’autre part, nous avons essayé de maintenir l’aide caritative en ce moment. De nombreux Libanais souffrent gravement de la crise économique. Nous devons donc être encore plus proches des personnes dans le besoin. C’est parfois difficile en raison des mesures d’hygiène en vigueur, mais nous avons tenu bon.
Immédiatement après la catastrophe du mois d’août, de nombreux jeunes ont annoncé qu’ils voulaient quitter le Liban parce qu’ils ne voyaient pas d’avenir pour eux dans le pays. Cela est-il devenu réalité? Qu’est-ce que cela signifie pour les communautés chrétiennes au Liban?
Les statistiques montrent que plus de 380’000 demandes d’entrée ont été reçues dans les pays de l’Union européenne et d’Amérique du Nord. La plupart d’entre elles venaient de chrétiens qui se sentent étrangers dans leur propre pays. Malheureusement, cela a un effet négatif sur les communautés chrétiennes. Ils perdent une élite, en particulier les jeunes, qui sont censés être l’avenir. Le nombre de chrétiens diminue chaque jour. Cela augmente la pression sur ceux qui restent dans le pays parce qu’ils pourraient bientôt subir des persécutions. Il ne s’agit pas d’une théorie de conspiration, mais d’une réalité que nous connaissons grâce à des pays voisins comme la Syrie, l’Irak, les Territoires palestiniens et la Jordanie.
Comment l’Eglise de Beyrouth aide-t-elle actuellement les personnes?
Tout d’abord, elle aide à la réhabilitation des maisons. Il s’agit de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour que les gens aient à nouveau un endroit où vivre. Dans les quartiers les plus pauvres, nous distribuons des colis alimentaires et organisons des soupes populaires. L’Église offre également une aide médicale sous la forme d’un dispensaire de médicaments, ainsi qu’une aide psychologique et spirituelle par l’intermédiaire de nombreux bénévoles et prêtres de la région.
Lorsque vous pensez à la nouvelle année, la regardez-vous avec plus d’inquiétude ou d’espoir?
L’espoir est notre pain quotidien, surtout ces jours-ci. Malgré tout, nous envisageons un avenir plein d’espérance, parce que nous savons: Notre Seigneur Jésus-Christ est le Seigneur de l’histoire. Dans ses mains se trouvent toute notre histoire et notre vie. Avec lui et par lui, nous sommes sûrs «que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu» (Rm 8, 28). (cath.ch/tl/aed/com/rz)