Chrétiens et musulmans en émoi dans la plaine de la Bekaa

Liban: Eglise profanée à Aïta Fokhar: incident isolé ou message politique?

Beyrouth, 16 avril 2001 (APIC) Il y a une quinzaine de jours, des inconnus ont saccagé l’une des trois églises de Aïta Fokhar, village perdu de la Bekaa-Ouest, dans un environnement sunnite et druze. Incident isolé ou message politique, à l’heure où la tourmente confessionnelle bat son plein, se demande le quotidien libanais L’Orient le Jour qui relate l’événement. Le curé du village souhaite minimiser l’impact de l’agression, mais chez les habitants chrétiens et musulmans qui se croyaient un modèle de coexistence le choc est terrible.

Un simple entrefilet dans l’une des pages les plus anonymes d’un quotidien local, c’est ainsi que la nouvelle a été publiée, comme s’il s’agissait d’un fait divers. Aïta Fokhar aurait préféré que l’on parle de lui pour des projets de développement. Il y a une quinzaine de jours, Aïta Fokhar a pourtant frôlé la catastrophe. Après avoir échappé à la tourmente confessionnelle et aux années de guerre, le village se croyait à l’abri de toutes les manœuvres visant à séparer les communautés islamique et chrétienne. Situé à 70 km de la capitale et à proximité de la région druze de Deir Aachaër, il est habité par la seule communauté chrétienne du coin. Regroupant près de 2’500 électeurs, sa population est formée de deux tiers de chrétiens (grecs-orthodoxes) et d’un tiers de musulmans (sunnites).

Il n’y a jamais eu de heurts entre les communautés

Les plus vieux sont formels, il n’y a jamais eu le moindre heurt entre les deux communautés, soudées comme les membres d’une seule famille. D’ailleurs, Aïta Fokhar, jadis célèbre pour ses poteries ne s’est jamais laissé tenter par les partis ou autres milices.

Aïta Fokhar est dotée de trois églises, deux au village et la troisième au sommet de la montagne, dédiée à saint Georges. Restaurée depuis trois ans, le sanctuaire sert de lieu de rencontre entre le curé et les jeunes qui viennent de Zahlé et parfois d’un peu plus loin.

Le curé a découvert le saccage de l’église il y deux semaines: portes et fenêtres éventrées, croix brisées, traces de balles et inscriptions insultantes sur les murs. Le curé a aussitôt alerté les autorités, qui ont ouvert une enquête. Les soldats syriens installés en contrebas ont aussitôt interdit l’accès à l’église, tout en affirmant n’avoir vu personne sur les lieux. Située au sommet de la colline, l’église est en effet accessible par plusieurs routes et les agresseurs ont pu arriver de nuit de l’autre côté du versant sur lequel sont installés les Syriens, précise le reportage de l’Orient – Le Jour.

Des agresseurs de Dieu

Le curé a alerté son évêque à Zahlé, Mgr Spiridon Khoury, et le mot d’ordre était clair: minimiser l’affaire et considérer que les «agresseurs n’appartiennent à aucune religion, puisqu’ils sont contre Dieu». Le moukhtar de Aïta, Abdel Halim Sobh, a été le premier à condamner l’agression et la communauté musulmane du village s’est solidarisée avec les chrétiens. Mais la secousse a été grave, d’autant que c’est la première fois qu’un tel événement se produit dans la région. Le curé refuse de faire des pronostics, attendant le résultat de l’enquête, qui risque de ne jamais aboutir, note le quotidien albanais.

Selon le prêtre, les habitants du village n’ont pas peur, ils sont simplement choqués et ne comprennent pas la raison de cet acte. «Nous avons insisté pour qu’il n’y ait pas de réaction violente et grâce à Dieu, l’affaire semble circonscrite». Selon lui, le directeur adjoint du service des renseignements, le colonel Ali Smaïli, originaire du village, s’occupe de l’enquête et les notables de tous les villages voisins ont condamné l’agression. Le curé ne croit pas que cet acte s’inscrit dans le cadre des violences contre les chrétiens des régions limitrophes proférées par certains ulémas du Akkar. «Le climat général du pays est actuellement perturbé. Mais ce qui compte, c’est de rester unis et d’affronter ensemble les dangers». Confirmant les paroles du curé, les cloches de l’église sonnent à toute volée, aussitôt suivies de l’appel du muezzin à la prière. (apic/olj/mjp)

16 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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