Liban: dévastation de Beyrouth et séisme politique
«La terre a tremblé, c’est un véritable séisme: la Croix-Rouge libanaise parle de plus de 100 morts et de 4’000 blessés, des hôpitaux ne sont plus en état de fonctionner, alors qu’ils étaient déjà saturés par les malades du Covid-19», lance le Père Samih Raad, en contact minute par minute avec sa famille qui vit à Beyrouth à moins d’un kilomètre du lieu des explosions du 4 août 2020 qui ont dévasté des quartiers entiers.
Le Premier ministre libanais Hassane Diab a affirmé que cette catastrophe était due à l’explosion de quelque 2’750 tonnes de nitrate d’ammonium entreposés illégalement dans le port de Beyrouth, désormais hors service. Les vitres de nombreux immeubles, églises et magasins ont volé en éclats à des kilomètres à la ronde. En fin de journée, mardi 4 août, d’épais nuages de fumée orange s’élevaient au-dessus de la capitale libanaise. Aux abords du quartier du port, les destructions sont massives.
Le Conseil supérieur de la défense a déclaré Beyrouth «ville sinistrée». A la première page d’An Nahar, le premier quotidien de langue arabe au Liban, on peut lire: «Le gouvernement défaillant se suicide… Catastrophe». D’autres journaux titrent: «Beyrouthoshima».
Les couvents et communautés religieuses ouvrent leurs portes
«Et tout cela survient alors que près de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté depuis la ‘révolution’ qui a commencé le 17 octobre 2019», confie à cath.ch le Père Samih Raad, professeur au séminaire interdiocésain de Metz, où il enseigne le dogme et le dialogue interreligieux (*). Toute sa famille a quitté les lieux dévastés et le mari de sa cousine, blessé, se trouve dans un hôpital à Jbeil (l’ancienne Byblos).
Les quartiers d’Achrafieh, quartier chrétien de l’est de Beyrouth, Bourj Hammoud, fief de la communauté arménienne du Liban, Dora, autre quartier à majorité chrétienne, de même Antélias, au nord de Beyrouth, sont durement frappés, ainsi que la Corniche.
«L’hôpital Saint-Georges, également connu sous le nom d’hôpital Al Roum, qui n’avait jamais fermé ses portes durant la guerre civile, n’est plus opérationnel. C’est l’un des trois principaux centres médicaux libanais, situé à Rmeil, Beyrouth. Un appel a été lancé et tous les couvents et communautés catholiques ont ouvert leurs portes pour accueillir les familles dont les foyers ont été dévastés et celles qui fuient les lieux, craignant les émanations toxiques. Les communautés religieuses leur fournissent des vivres et de l’eau. Dans ces circonstances, les Libanais font preuve d’entraide et montrent leur solidarité», poursuit le Père Samih Raad.
La population est en colère
Face à ce désastre, qui s’ajoute à la grave crise sociale et sanitaire, la population est en colère et réclame des comptes à la classe politique. «Le député Marwan Hamadé a présenté sa lettre de démission au secrétariat général du Parlement, appelant à la création d’une commission d’enquête internationale et à l’activation du Conseil supérieur pour le jugement des présidents et des ministres. Un journaliste chrétien, Marcel Ghanem, qui travaille à la MTV, a demandé la démission du président Michel Aoun et de tout le gouvernement: c’est une première dans notre histoire! Mais la population est à bout: la livre libanaise a perdu huit fois sa valeur depuis le début de la crise en octobre dernier. Les gens ont faim et comparent leur situation à celle de 1916, au départ des Turcs, quand la Grande famine régnait dans le pays… Le peuple en a marre de l’incapacité de toute la classe politique !»
Le pape François prie pour les victimes et leurs familles
A l’issue de sa catéchèse de l’audience générale, le pape François a tenu à faire part de sa prière pour le Liban après les explosions qui ont ravagé le centre de Beyrouth mardi 4 août. «Hier, à Beyrouth, dans la zone portuaire, d’énormes explosions ont fait des dizaines de morts et des milliers de blessés, ainsi que de nombreuses destructions graves. Nous prions pour les victimes et leurs familles; et nous prions pour le Liban, afin qu’avec l’engagement de toutes ses composantes sociales, politiques et religieuses, il puisse faire face à ce moment tragique et douloureux et, avec l’aide de la communauté internationale, surmonter la grave crise qu’il traverse», a déclaré le pape François. (cath.ch/be)
(*) Le Père Samih Raad
Prêtre du diocèse de Metz en France d’origine grec-catholique melkite, est aussi curé de Hombourg-Haut, une paroisse de l’agglomération de Forbach, dans le département de la Moselle. Samih Raad est né le 5 mars 1968 dans une famille de six enfants – deux frères et quatre sœurs – à Kfarnabrakh, qui signifie, en assyrien, «terre bénie pour sa richesse agricole et ses sources d’eau». C’est un village mixte chrétien-druze du district du Chouf. Une bourgade située à 1000 m d’altitude, dans le sud du Mont-Liban, qui fut durement touchée lors de la « guerre de la Montagne » (Harb al-jabal) de 1982-1983. JB