L’histoire méconnue de l’arrivée de la Réforme à la Vallée de Joux
Claude Pollens, dernier abbé de l’Abbaye des Prémontrés du Lac de Joux, remit aux Bernois, qui avaient conquis le pays de Vaud en 1536, les clefs du monastère en 1542. Dans son ouvrage intitulé «Le dernier abbé du Lac», le journaliste Joël Reymond raconte l’histoire méconnue de l’arrivée de la Réforme à la Vallée de Joux.
L’abbé Claude Pollens embrassa finalement la nouvelle doctrine imposée par les Bernois et se maria avec une religieuse. Certains moines se firent protestants, tandis que ceux qui voulurent rester catholiques se retirèrent dans les couvents de Franche-Comté et du canton de Fribourg, à l’Abbaye des Prémontrés d’Humilimont, à Marsens (supprimée en 1580).
La conquête du pays de Vaud par les Bernois allait rapidement bouleverser le paysage religieux de ces territoires catholiques. Au départ, les Bernois publièrent une déclaration promettant qu’ils ne forceraient personne en matière de religion, mais rapidement les monastères ont été la première cible de leur volonté de déraciner l’ancienne foi.
«Le dernier abbé du Lac»
C’est à cette réalité historique que le journaliste et spécialiste du fait religieux Joël Reymond, du village du Sentier, dans la Vallée de Joux, consacre son récit historique portant sur les années 1535-1545. L’intrigue se déroule au cœur de ce qui est aujourd’hui le Parc naturel régional du Jura vaudois. Intitulé Le dernier abbé du Lac, son ouvrage paraît aux éditions Favre en septembre prochain.
Son auteur, licencié en histoire, journaliste à la Feuille d’Avis de la Vallée de Joux et rédacteur de livres pour des tiers, retracera cette tranche d’histoire le 13 septembre dans le village de L’Abbaye. Cette commune doit précisément son nom à l’Abbaye Sainte-Marie-Madeleine fondée en 1126 par les moines prémontrés au bord du lac de Joux, à 1000 m d’altitude.
Une histoire complètement oubliée
Joël Reymond évoque dans son ouvrage la sécularisation forcée de l’Abbaye du Lac. «Les gens de la Vallée ignorent complètement ce pan de l’histoire régionale. Quand l’éditeur Favre m’a contacté, je n’en savais moi-même pas plus. L’histoire que j’ai écrite part de faits historiques et les personnages que l’on découvre au long des près de 200 pages du livre sont bien réels. Le récit se base sur des documents», confie-t-il à cath.ch.
«J’ai fait en sorte que l’histoire soit fidèle aux faits qui nous sont connus», précise l’auteur. Qui regrette que la période de l’introduction de la Réforme dans le canton de Vaud soit «sous-documentée». «Peut-être que durant cette période charnière, il y eu trop de bouleversements pour que l’on ait eu le temps de les raconter à l’époque».
Ce récit n’aurait pu voir le jour sans le soutien financier de la fondation Paul-Edouard Piguet, du canton de Vaud, des trois communes de la Vallée de Joux – L’Abbaye, Le Chenit et Le Lieu – ainsi que de l’apport de la paroisse protestante. (cath.ch/be)
L’histoire
Terre reculée et inhospitalière, la Vallée de Joux a été défrichée par des communautés monastiques avec le concours d’une main-d’œuvre laïque. Elle est soumise à l’Abbaye du Lac, qui vit avec ses moines d’un côté, alors que les habitants sont massés sur l’autre rive. A la nouvelle de l’arrivée des Bernois, Dom Claude Pollens, le 34e abbé, finit par jurer fidélité aux nouveaux maîtres, pensant ainsi préserver ses privilèges et sa religion.
Plus tard dans l’année 1536, la dispute de Lausanne animée par les réformateurs Calvin, Farel et Viret voit cependant la religion réformée triompher et être officiellement imposée partout. Les moines sont alors tous sommés d’accepter la Réforme ou de s’en aller. Les vieux seront pensionnés, les jeunes sont invités à descendre à Lausanne se recycler comme ministres de l’Evangile.
Trois passages successifs des commissaires bernois voient chaque fois de nouveaux moines s’en aller, alors que l’abbé essaie de gagner du temps. Il se retrouve bientôt dans une abbaye vide, avec des anciens sujets qui s’empressent d’enlever les croix des sommets et de renouer avec les anciens rites païens. En même temps, Dom Claude renoue avec une religieuse connue dans sa jeunesse. L’obligation d’abjurer publiquement après avoir tant tergiversé l’incitera à aller l’enlever directement en son couvent. Le voilà bientôt flanqué d’un pasteur résidant quasiment sous son nez et qui veut ouvrir une école pour y enseigner la lecture aux enfants. Ce sera le signal du départ définitif du dernier abbé du Lac. JB
Le dernier abbé du lac, Joël Reymond, 196 p. Ed. Favre.