L'extension de la norme antiraciste divise les chrétiens
La votation populaire du 9 février 2020 sur une extension de la norme antiraciste à l’orientation sexuelle divise les chrétiens de Suisse. Le clivage traverse les diverses confessions du pays.
Regula Pfeifer, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Si le projet de loi du 9 février est accepté par le peuple, la discrimination et la haine fondées sur l’orientation sexuelle seront punissables, au même titre que «la discrimination et la haine fondées sur la race, l’ethnie ou la religion». Cette extension de la loi est soumise au vote populaire après avoir fait l’objet d’un référendum.
Pas de recommandation de la CES
Avant le scrutin, les discussions mobilisent la sphère chrétienne. Au sein de l’Eglise catholique romaine, la confession qui regroupe le plus de membres en Suisse, les positions divergent.
La Conférence des évêques suisses (CES) a choisi de rester en dehors du débat. Lors de leur assemblée plénière, début décembre 2019 à Lugano, les prélats catholiques ont décidé de ne donner aucune recommandation de vote. Erwin Tanner, secrétaire général de la CES, a clairement expliqué pourquoi: «Si l’Eglise se prononce en faveur de l’extension de la norme juridique, on l’interrogera sur son attitude dans son propre milieu. Si elle s’y oppose, elle sera présentée comme homophobe».
Sur la question, les évêques se baseront sur la doctrine sociale de l’Eglise, a indiqué Erwin Tanner. Cette dernière exclut clairement toute discrimination contre les personnes sur la base de leur orientation sexuelle. Elle n’interdit cependant pas d’émettre des opinions sur les relations homosexuelles en tant que telles.
Des opinions catholiques se sont tout de même exprimées de manière individuelle. Mgr Marian Eleganti, évêque auxiliaire de Coire, a ainsi fait entendre ses idées sur la question dans une contribution sur le site internet Futur CH. «A cause des lois anti-discrimination, nous allons être réduits au silence – et punis – par des décisions de justice», a notamment déclaré le prélat grison.
Protéger les transsexuels?
«Adamim», l’association des assistants pastoraux homosexuels de Suisse (Schwule Seelsorger Schweiz), qui regroupe des activistes de plusieurs confessions chrétiennes, s’est, elle, prononcée en faveur d’une extension de la norme antiraciste. «Nous nous considérons comme poursuivant la pratique de Jésus, qui a défendu les minorités opprimées», a notamment déclaré l’association. Ses membres soulignent avoir, dans le cadre de leur expérience pastorale, rencontré à maintes reprises des homosexuels victimes d’agressions verbales ou physiques et de discrimination. Le groupe d’assistants pastoraux homosexuels regrette que la loi ne prévoie pas l’extension à l’identité de genre. Pour eux, cela revient à refuser de protéger les personnes transsexuelles.
Les orientations sexuelles comme «expression de l’abondance de la Création»
Le camp protestant est aussi divisé que le camp catholique. L’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), qui rassemble une grande part des Eglises protestantes, a résolument pris parti pour l’extension de la norme. «Oui à une protection élargie contre la discrimination», titrait dans un communiqué du 7 janvier la communion d’Eglises, qui a récemment remplacé la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). ” Lorsqu’une personne est rabaissée et discriminée de façon ciblée, sa dignité en tant que Créature de Dieu est atteinte», a ainsi rappelé l’EERS. Selon sa Constitution, elle doit veiller elle-même à ce que personne ne soit discriminé en paroles ou en actes. L’assemblée de ses délégués avait déclaré en outre en été 2019 que les différentes orientations sexuelles devaient être perçues comme «une expression de l’abondance de la Création».
Les évangéliques privilégient le mariage traditionnel
L’Alliance évangélique suisse (SEA-RES) s’est en revanche placée dans le camp du «non». Dans un communiqué du 9 janvier, elle a fait valoir que l’extension était «problématique et superflue». Pour la coalition d’Eglises évangéliques, la loi actuelle offre des possibilités suffisantes pour lutter contre la haine et la discrimination. Elle redoute en outre, tout comme les auteurs du référendum, une atteinte à la liberté d’opinion. Si la SEA-RES condamne toute forme de haine et de violence à l’égard des personnes de toute orientation sexuelle, «il doit cependant rester possible d’adopter sans hésitation une attitude critique à l’égard de certains modes de vie, conformément à la compréhension de la Bible, et de préconiser le traitement privilégié du mariage entre hommes et femmes par rapport à d’autres formes de partenariat».
Interpellées par kath.ch, l’Eglise catholique chrétienne de Suisse et les Eglises orthodoxes ont refusé de prendre position. (cath.ch/kath/rp/rz)