Mgr Stanislaw Szyrokoradiuk est l'évêque catholique latin d'Odessa | wikimedia commons CC-BY-SA-4.0
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L'évêque d'Odessa: «Je pense que Dieu est avec nous»

L’évêque catholique latin d’Odessa, Mgr Stanislaw Szyrokoradiuk, considère comme un «miracle» la résistance de l’Ukraine à la guerre d’agression de la Russie, qui dure depuis deux ans. «Je pense que Dieu est avec nous, sinon nous n’aurions jamais pu tenir aussi longtemps. Nous continuons à nous battre parce que nous n’avons pas d’autre choix.«

Kathpress / traduction adaptation Maurice Page

Malgré de récentes difficultés sur le front, l’évêque d’Odessa considère que l’Ukraine «est devenue plus forte», mais sous une souffrance incommensurable. «Tant de gens sont morts au cours de ces deux années, huit millions ont fui vers d’autres pays européens, des dizaines de milliers ont été déportés en Russie», a fait remarquer Mgr Szyrokoradiuk dans un entretien avec l’agence de presse catholique autrichienne Kathpress.

Le pape est «un peu naïf»

«Le pape a raison de dire que la diplomatie serait naturellement le meilleur moyen de parvenir à la paix. Mais on peut se demander si une telle voie est possible avec Poutine», relève le franciscain.

Selon l’évêque, le monde entier a compris à travers la guerre «ce que représentent la Russie et son empereur». Le fait que le pape ne désigne pas de coupable dans la guerre, lui semble «un peu naïf» – même si François a sans doute les mains liées par sa fonction. Pour le prélat, la paix n’est «concevable qu’avec une Ukraine non divisée» et ne serait sinon pas durable.

Odessa fonctionne

A propos de la la situation actuelle, l’évêque a indiqué qu’Odessa avait retrouvé une  grande partie de sa «normalité», malgré les bombardements récurrents à la roquette et la terreur des drones. «Tout fonctionne – les chemins de fer, les transports, l’économie. La ville vit et est pleine de gens, comme le montrent les nombreux embouteillages».

Il n’y a plus de problèmes d’électricité et d’eau, le sentiment de sécurité est largement rétabli. Outre le bon fonctionnement de la défense antimissile de la ville, les générateurs électriques achetés l’année dernière – avec le soutien des voisins européens – y ont contribué.

Un port pour les réfugiés

Au vu de cette évolution positive pour Odessa, de nombreux réfugiés sont revenus dans la métropole de la mer Noire. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays a fortement augmenté ces derniers mois. «Alors qu’il y a un an, nous avions encore 100’000 personnes venant d’autres régions d’Ukraine, elles sont aujourd’hui 300’000.» Pour les déplacés la situation reste »terrible», malgré le soutien de l’État, la possibilité de logement et de travail ainsi que la grande solidarité de la population.

L’évêque explique cette augmentation par la situation beaucoup plus difficile dans les régions orientales de son diocèse, qui comprend une grande partie du sud de l’Ukraine. La situation reste très difficile à Mykolajiw et Kirowohrad, mais tout particulièrement dans l’oblast de Kherson, libéré après une longue occupation russe. «Les bombardements y sont quotidiens, causant d’énormes dégâts et de nombreux morts. De nombreux villages de cette région sont désormais en ruines.» Dans la ville de Kherson, les quartiers résidentiels le long du Dniepr sont exposés à des bombardements permanents, de sorte qu’il est impensable pour les habitants d’y rester.

Aides matérielles et spirituelles

Même si l’Église catholique romaine en Ukraine est très petite par rapport à l’orthodoxie et à l’Église gréco-catholique, elle fournit une aide importante par le biais de son œuvre d’entraide Caritas-Spes. Au moins un transport d’aide est envoyé chaque semaine d’Odessa à Kherson, souvent accompagné par des prêtres connaissant bien la région.

«Grâce à Dieu, nous avons toujours quelque chose à donner aux gens»

Mgr Szyrokoradiuk

Ce sont surtout des colis alimentaires et des biens de première nécessité qui sont acheminés, notamment par des diocèses et des donateurs privés d’Allemagne, de Pologne, d’Autriche et d’autres pays d’Europe. «Grâce à Dieu, nous avons toujours quelque chose à donner aux gens», a déclaré l’évêque. Rien qu’à Odessa, Caritas-Spes a déjà remis en état 400 maisons «en réparant les toits, les fenêtres et les portes», et ce grâce à l’aide d’autres pays européens.

La guerre comme «grande épreuve de foi»

Mais c’est surtout dans la dimension religieuse que l’Église est sollicitée. La persistance de la guerre est une «grande épreuve de foi». «Nous avons compris que c’est notre croix que nous devons porter. Nous devons faire le chemin de croix».

Face à la grande souffrance, de nombreuses personnes en Ukraine se sont mises à la recherche de Dieu, ce qui se voit à la forte fréquentation des messes. «Le dimanche, il y a six messes dans la cathédrale d’Odessa, toutes bien fréquentées – même souvent par des personnes qui ne venaient pas auparavant.»

Des prêtres fermes

Jusqu’à présent, les prêtres ont parfaitement tenus cette épreuve de la foi, car ils sont tous restés dans leurs paroisses malgré les combats, et même dans les régions aujourd’hui occupées. Leur volonté de servir les autres jusqu’au bout est un grand risque, comme le montre le cas des ecclésiastiques orthodoxes assassinés. Pour lui aussi, la pastorale en temps de guerre est un grand défi, «tout particulièrement les enterrements». (cath.ch/kap/mp)

Mgr Stanislaw Szyrokoradiuk est l'évêque catholique latin d'Odessa | wikimedia commons CC-BY-SA-4.0
28 février 2024 | 11:58
par Rédaction
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