L'évangéliaire médiéval de Saint-Mihiel cherche un acquéreur
Un des chefs d’œuvre des manuscrits médiévaux, l’évangéliaire dit de Saint-Mihiel réalisé vers 1040 à l’abbaye de Reichenau, sur le lac de Constance, est en vente. Propriété de l’Université catholique de Lille, depuis 1881, ce trésor national cherche un nouvel acquéreur depuis plus d’un an.
C’est un trésor inestimable, inconnu du grand public, que recèle la bibliothèque de l’Institut catholique de Lille, rapporte le magazine La Vie. Réalisé vers 1040, l’évangéliaire dit de Saint-Mihiel, est un chef-d’œuvre de l’enluminure médiévale, explique Éric Palazzo, professeur d’histoire de l’art du Moyen Âge à l’université de Poitiers.
Crée sur le lac de Constance
L’histoire de ce manuscrit débute au scriptorium de l’abbaye bénédictine de Reichenau, située dans une île du lac de Constance, au XIe siècle. Cet atelier de moines copistes attire parmi les plus grands enlumineurs de l’époque, dont les luxueux manuscrits sont envoyés à la cour du Saint Empire romain germanique. Composé de 254 feuillets et de 15 peintures en pleine page, l’évangéliaire est un des fleurons de l’école de Reichenau.
De Reichenau à Lille
Après Reichenau, l’évangéliaire se déplace en Lorraine, dans deux autres monastères bénédictins. Sa présence est attestée en 1696 à l’abbaye Saint-Mansuy de Toul (Meurthe-et-Moselle). Il a ensuite transféré à l’abbaye Saint-Michel de Saint-Mihiel (Meuse), qui comptait au XVIIIe siècle une bibliothèque de 10’000 ouvrages. C’est dans cette ville que le curé, Charles Didiot, futur évêque de Bayeux et Lisieux, l’achète à un libraire, en 1830. Il le confie ensuite à son parent, le chanoine Jules Didiot, doyen de faculté de théologie de Lille, qui en fait don en 1881 à la bibliothèque de l’Institut catholique, fondé quelque années plus tôt.
«En France, il est très rare qu’un tel ouvrage soit conservé dans une institution religieuse», souligne Éric Palazzo, rappelant que l’essentiel des manuscrits enluminés de cette période se trouve à la Bibliothèque nationale de France (BNF), et appartiennent à l’État.
Dans un lieu secret
Pourtant, l’Institut catholique de Lille cherche à vendre le manuscrit depuis plus d’un an. «Le coût de ses conditions de préservation est prohibitif pour un établissement tel que le nôtre. C’est une décision mûrement réfléchie», justifie sa directrice de la communication, Anne-Marie Michel. La vente du manuscrit devrait financer, entre autres, les travaux de la chapelle universitaire Saint-Joseph, qui nécessitent sept millions d’euros.
En février 2019, la ‘Catho’ prévient donc la direction régionale des affaires culturelles de la mise en vente de l’évangéliaire, espérant que le ministère de la Culture se portera acquéreur. Devant l’absence de réaction de l’État, le manuscrit est confié à un intermédiaire, qui l’a placé dans un lieu secret, en attendant de trouver un acheteur.
Refus d’exportation
En octobre 2019, un certificat d’exportation a été demandé à l’État français, car l’évangéliaire aurait été vendu en Europe. Mais en mars 2020, la Commission consultative des trésors nationaux refuse cette exportation. Une décision qui classe de facto le manuscrit comme trésor national. Il peut toujours être vendu, mais à condition de demeurer sur le sol français. «Nous appelons de nos vœux une acquisition par l’État», souligne Anne-Marie Michel.
Une autre solution serait de faire de l’évangéliaire de Saint-Mihiel un objet d’exposition comme c’est le cas d’autres manuscrits médiévaux précieux. (cath.ch/lv/mp)