L’espérance pascale de l’Église d’Anatolie
Pour le Père jésuite turc Antuan Ilgit, l’unité de la «toute petite Église» de Turquie a été reconfirmée lors du tremblement de terre dévastateur qui a frappé la Syrie et son pays le 6 février 2023. «Nous avons fait l’expérience de la Providence» et de la solidarité, témoigne-t-il sur le site de la Curie des jésuites.
Le Père Antuan est le seul prêtre turc au service de l’Église latine de Turquie. Il est vicaire général et chancelier épiscopal du vicariat apostolique d’Anatolie, qui a son siège à Iskenderum, une ville de la province du Hatay. Il est aussi responsable de la pastorale des jeunes et des vocations de la Conférence épiscopale turque.
«Le séisme m’a surpris à Iskenderun. J’avais célébré la messe du dimanche soir dans la cathédrale avec la communauté chrétienne composée de catholiques latins, de maronites, de melkites, d’Arméniens, d’Arabes, de néophytes et de catéchumènes turcs, et je m’étais couché avec en tête tous les rendez-vous et les projets du lendemain. Le tremblement de terre de 4h17 a tout changé. Après deux minutes de secousse, la cathédrale avait disparu! Dans la cour de l’évêché, il n’y avait que destruction, mort et pleurs.»
Le centre-ville d’Iskenderun, appelée autrefois Alexandrette, a été ravagé. À la suite de la première secousse, de nombreux habitants ont cherché refuge auprès du vicariat catholique de la ville. Avec l’aide de trois religieuses récemment arrivées d’Argentine et de Nouvelle-Zélande, une Focolari hongroise et un volontaire de Gênes, le Père Antuan a aussitôt commencé à organiser les secours.
L’expérience de la Providence
«En contact permanent avec notre évêque, Paolo Bizetti, un jésuite, et le directeur de Caritas Anatolie, John Sadredin, nous avons ’par miracle’ accueilli des centaines de personnes, sans électricité, sans eau et sans gaz pendant les 15 jours suivant. Nous avons distribué des milliers de repas chauds aux victimes de différentes confessions, sans faire de distinction. Nous avons fait l’expérience de la Providence: nous distribuions immédiatement ce que nous avions reçu et, tout de suite, on nous apportait d’autres vivres! Dieu ne nous a jamais fait manquer de rien!»
Le Père Antuan fait partie de la communauté jésuite d’Ankara. De parents turcs immigrés en Allemagne, il est entré en contact avec les jésuites à Ankara dans le cadre de conférences sur le dialogue interreligieux. Il a été frappé à la fois par le haut niveau de préparation académique des jésuites et par leur grande simplicité. «J’ai vu là un modèle pour mieux vivre la foi chrétienne et pour annoncer la joie de l’Évangile à mes compatriotes», déclare-t-il sur le site de la Curie de la Compagnie de Jésus, à Rome
La présence de Dieu au milieu des décombres
Pour lui, le tremblement de terre a mis en lumière ce qui se vivait déjà là-bas: l’unité de l’Église de Turquie. Tous les diocèses latins de Turquie, les orthodoxes, les arméniens et les protestants se sont entraidés, «parce que nous sommes ›tous frères’» et que, comme nous l’enseigne le Saint-Père, personne n’est sauvé tout seul», affirme-t-il «Chacun a oublié sa propre douleur pour aider ceux qui en avaient le plus besoin. Cela m’a fait sentir la présence de Dieu au cœur de cette terrible tragédie.»
«Chaque jour, avec le reste de la communauté chrétienne, nous avons célébré l’eucharistie, qui a toujours été au centre de notre vie quotidienne et de notre force.» Ce fut un temps spirituel fort pour Antuan et pour tous ceux et celles qui ont participé aux secours.
Une communauté à rassembler à nouveau
De forces, sa petite communauté va en avoir grand besoin encore pour se reconstruire. Selon John Sadredin, responsable de Caritas en Anatolie interrogé le 13 février par le journal La Croix, quelque 400 familles catholiques, près de 600 orthodoxes plus quelques Arméniens, protestants et syriaques vivaient avant le séisme à Iskenderum. Combien sont-ils aujourd’hui ? Pour préserver la petite présence chrétienne dans la province du Hatay, «nous devrons rassembler nos fidèles dispersés dans toute la Turquie à la recherche d’un lieu sûr, panser leurs blessures et les garder unis dans l’espoir que le tremblement de terre n’ait pas le dernier mot, déclare le vicaire général. Nous savons que le Seigneur est ressuscité et que Pâques est tout proche!» (cath.ch/jcep/lb)