Les sorties d’Eglise restent à un niveau élevé en 2022
1,3 catholique sur 100 a quitté l’Eglise en Suisse en 2022, révèlent les dernières statistiques de l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI). Un taux qui a légèrement augmenté par rapport aux années précédentes. Les experts alertent sur la perte continue de confiance dans l’Eglise.
En 2022, 34’561 personnes sont sorties de l’Église catholique en Suisse, soit à peu près le même nombre qu’en 2021, mais sensiblement plus que les années précédentes (en 2021: 34’182; 2020: 31’410; 2019: 31’772), note le SPI dans un rapport publié le 30 octobre 2023. Fin 2022, le nombre de membres de l’Eglise s’élevait à environ 2,89 millions (en 2021: 2,96 millions).
Le SPI, fondé en 1968 et basé à Saint-Gall, a pour objectif d’examiner et de clarifier les interdépendances entre le contexte sociétal et la vie religieuse et ecclésiale, ainsi que de tirer profit des connaissances scientifiques pour développer la pratique pastorale.
«Ainsi, le nombre de sorties d’Église se maintient à un niveau très élevé avec un taux de sortie moyen de 1,3% pour l’ensemble de la Suisse en 2022», relève Urs Winter-Pfändler, qui signe le rapport. Toutefois, les différences cantonales sont frappantes, explique-t-il. Ainsi, les cantons de Genève, du Valais, de Neuchâtel et de Vaud n’enregistrent pratiquement pas de sorties d’Église. Ce constat s’explique par une autre forme d’organisation ecclésiale dans ces cantons qui n’ont pas de structure institutionnelle dont on pourrait tout simplement sortir.
Moins de sorties qu’en Allemagne
Si l’on exclut de la statistique ces cantons (NE, GE, VS, VD) ainsi que ceux de Bâle- Campagne et du Tessin, pour lesquels on ne dispose pas de chiffres, on obtient un taux de sortie moyen de 1,6% (2021: 1,5%; 2020: 1,4%). Le SPI remarque que ce taux est inférieur à celui des pays voisins (Allemagne: 2,4% ; Autriche: 1,9%). Les cantons qui ont enregistré les pertes les plus importantes sont Bâle-Ville (3 sur 100), Argovie (2,7 sur 100) et Soleure (2,2 sur 100).
Contrairement aux sorties d’Église, les entrées stagnent à bas niveau depuis des années, remarque le SPI. En 2022, 1’080 personnes sont entrées dans l’Église catholique (en 2021: 910; 2020: 735; 2019: 885). Le rapport entre les entrées et les sorties d’Église est donc d’environ 1 sur 32.
Sombres prévisions pour 2023
Alors que ces chiffres concernent l’année 2022, «il faut s’attendre à ce que le nombre de sorties d’Église continue d’augmenter», en 2023, prévient Urs Winter-Pfändler. La réputation de l’Église catholique a en effet subi plusieurs coups durs dans les derniers mois de l’année, suite à la publication du projet pilote de l’Université de Zurich sur les abus sexuels dans un contexte ecclésial, le 12 septembre. L’enquête commanditée par l’Eglise en Suisse faisait état d’un peu plus d’un millier de cas depuis les années 1950. La crise a été accentuée par la révélation, quelques jours plus tôt, de l’existence d’une enquête préliminaire menée par Rome contre plusieurs membres de la Conférence des évêques suisses (CES).
«Tout cela mine la crédibilité de l’Église», commente le chercheur du SPI. Il met en évidence, graphiques à l’appui, une érosion de la confiance des Suisses dans les institutions religieuses et les Eglises, alors que celle-ci a globalement augmenté pour les autres institutions. Une distanciation qui touche également l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), pourtant épargnée par les scandales d’abus.
«Il apparaît clairement que la perte de confiance dans l’Église se situe d’abord sur le plan personnel, analyse ainsi Urs Winter-Pfändler: les catholiques comme les réformés trouvent que les Églises sont moins importantes pour eux personnellement qu’il y a quelques années encore. Cette perte de confiance s’accompagne donc d’une prise de distance et la tendance à sortir de l’Église progresse graduellement.»
Encore du crédit pour la diaconie
Le SPI nuance cependant le tableau en relevant que les Eglises jouissent encore d’un crédit élevé concernant leur engagement social. Ceci même de la part de personnes sans confession. «Il faut absolument prendre le plus grand soin de la confiance qui subsiste encore dans les Églises et les organisations religieuses, en particulier dans le domaine socio-diaconal», souligne ainsi Urs Winter-Pfändler.
Pour le SPI, il est «impératif de continuer à tirer les leçons des erreurs commises, d’introduire des mesures d’amélioration et de les mettre en œuvre rapidement. (…) la confiance ne se crée pas simplement à l’aide d’une campagne professionnelle de relations publiques mais par une succession de petites tâches, constantes et continues».
L’Église doit prendre soin des personnes travaillant pour elle, affirme encore l’Institut. «Il faut absolument éviter que ces personnes engagées se sentent durablement déçues par leur Église et prennent intérieurement leurs distances, pour ne pas compliquer encore le rétablissement de la confiance.» (cath.ch/com/arch/rz)