Le Père Georges Finet co-fondateur avec Marthe Robin des Foyers de charité | DR
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Les révélations sur le Père Finet continuent de questionner

Après la révélation, au début mai 2020, par le Père Moïse Dione, modérateur des Foyers de Charité, ‘d’agissements gravement déviants’ commis par leur fondateur le Père Georges Finet (1898-1990), sur des adolescentes, de nouvelles voix remettent en question la légitimé, la méthode et le résultat de cette investigation.

La dernière en date des contestations émane d’un «Collectif des Anciennes élèves de Châteauneuf-de-Galaure» regroupant 110 pensionnaires de l’institut où le Père Finet aurait commis ces abus. Convaincu d’être face à une manipulation, ce groupement estime que l’enquête menée sur le Père Finet n’était ni licite ni recevable. Il réclame par la voie d’une sommation aux Foyers de Charité et à la Conférence des évêques de France la remise de l’intégralité du rapport de 80 pages de la commission de recherches et la publication d’un démenti indiquant que les travaux de la commission ne permettent pas de tirer une condamnation du Père Finet.

«Le Collectif n’est nullement dans le déni de quoi que ce soit. Et encore moins dans le déni du ressenti de qui que ce soit. Nous nous interrogeons sur le procédé de la Commission de recherches, son absence de précision et l’ignorance de la confrontation des faits au réel.»

Le travail de la commission contesté

Missionnée par les Foyers de Charité – en concertation avec le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, et conseillée par la Conférence des évêques de France -, la Commission de recherches indépendante et pluridisciplinaire présidée par Françoise Gaussen, a remis, le 16 mars 2020, un rapport de 80 pages au Père modérateur des Foyers de Charité, Moïse Ndione. De ce rapport, le Père Ndione a tiré des conclusions condamnant les ‘agissements gravement déviants’ attribués à l’abbé Georges Finet (1898-1990), cofondateur avec Marthe Robin, de l’Œuvre des Foyers de Charité.

Le collectif dénonce cette conclusion basée selon lui sur une simple ‘écoute de personnes’. «C’est-à-dire sans la rigueur requise pour aboutir à une quelconque vérité tout en condamnant d’emblée un mort.» Les anciennes élèves pointent une procédure peu fiable: témoignages sollicités et non pas spontanés, anonymat et absence de règles procédurales. «Les faits n’ont été ni étudiés, ni vérifiés, les personnes entendues n’ont pas été soumises à un contre interrogatoire.»

«Cette accumulation d’imprécisions et de manipulations dans cette affaire, loin d’être conforme à la justice, ne permet pas d’apporter de crédit à cette condamnation qui a pourtant été présentée à la presse française et internationale comme le résultat d’une ‘enquête’ dont la conclusion serait incontestable.»

Une synthèse lacunaire?

La synthèse de 24 pages, publiée le 7 mai 2020 est intitulée: Restitution des principales données et conclusions de la commission de recherches pluridisciplinaire sur l’abbé Georges Finet. Or son contenu ne correspond pas au titre puisque les éléments qui concernent l’abbé, tiennent uniquement sur trois pages et demie, note le collectif. Le reste du document traite de la réforme des Foyers en deux autres points:’évaluation’ et ‘préconisation’. Pour les plaignantes, les deux sujets sont tout autres.

Le Collectif s’interroge aussi sur le contenu de la synthèse: «On ne sait rien des témoins ni de la réalité des faits: qui? quoi? où? quand? comment? fréquence? durée ? etc. Il est question d’un boutonnage-déboutonnage de vêtement. De quoi parle-t-on? d’un manteau, d’une blouse scolaire ou d’un soutien-gorge? Certains touchers s’exerçaient directement sur la peau. Là encore, de quoi parle-t-on? De quel type de toucher? Un tapotement d’encouragement, une bourrade paternelle ou une main baladeuse? Sans parler clairement des choses on peut tout imaginer. Le témoin est appelé ‘victime’ et les actes présumés sont qualifiés d’agissements ne laissant aucune place à la présomption d’innocence du Père Finet qui ne peut plus s’exprimer.»

De fait concernant le Père Finet, les mots ‘abus sexuel’, ‘attouchement’, ‘accusation’, ‘plainte’, ni même le mot ‘enquête’ ne sont mentionnés dans la synthèse ni dans le communiqué de presse des Foyers, relève le Collectif.

Remise en cause de la totalité de l’œuvre des Foyers de charité

Le Collectif dénonce une «confusion aux conséquences dramatiques qui a conduit à la condamnation publique du Père Finet». «D’une ‘recherche’ qui n’est pas une ‘enquête’, de ‘sa conclusion’ qui de ce fait ne peut être une ‘condamnation’, la nouvelle gouvernance des Foyers de Charité s’autorise à remettre en cause, non seulement le cofondateur des Foyers de charité, mais aussi l’entièreté de l’Œuvre fondée en 1936 par la Vénérable Marthe Robin et le Père Finet.» (cath.ch/mp)

Une écoute des personnes

Face aux contestations remettant en question la légitimité de ce travail, le Père modérateur Moïse Ndione a précisé le 6 juin 2020 dans une lettre interne aux membres des Foyers de Charité:«J’affirme ici deux choses: II ne s’est agi pour le père Finet ni d’un procès canonique ni d’une enquête civile (à l’endroit d’un défunt). Le chemin emprunté a été soumis au discernement de l’Église avec son expérience et sa sagesse. – Il s’est agi d’une écoute de personnes membres de foyer ou non, dont l’identité a été vérifiée, et qui avaient quelque chose d’important à dire.» MP

Père Jean-René Fracheboud à la chapelle du Foyer de Charité de Bex, le 25 août 2015. (Photo: B. Hallet)

Trois questions Jean-René Fracheboud, Père du Foyer de charité des Dents du Midi à Bex.

Comment recevez les résultats des recherches de la Commission sur le Père Finet et les remous qu’ils suscitent?
Je vois cela à distance. J’ai de la peine à voir quelque chose de clair. Ce d’autant plus que nous n’avons pas pu tenir notre rencontre des Pères de Foyer ce printemps à cause des mesures liées au coronavirus. Je reste perplexe, même si je fais confiance au Père modérateur Moïse Ndione.
Selon les observateurs, ces révélations sur le Père Finet, cacheraient aussi les tensions sur la réforme de la gouvernance des Foyers de charité.
Je pense qu’il ne faut pas mélanger les deux choses. La réforme de la gouvernance a commencé il y a quatre ans. Rome nous avait rappelé que le Père d’un foyer, en tant que supérieur, ne pouvait pas être le confesseur de l’équipe du foyer  qui sont ses subordonnés. Nos statuts ont alors été modifiés dans ce sens. Certains Pères ont eu de la peine à l’admettre, estimant être privés ainsi d’une part de leur rôle.  De même il est question de la limitation du nombre de mandats qu’un Père peut exercer. Là aussi il y a des débats. Mais c’est une évolution logique et normale de notre institution.
Les accusations contre le Père Finet ont évidemment un impact sur la réputation des Foyers de Charité.
Oui beaucoup de gens ont été surpris et peinés et m’en ont fait part. Mais je crois qu’ils ont fait la distinction entre le Père Finet, les Foyers et les fruits spirituels qu’ils ont recueillis. Je n’ai eu aucun écho de personnes qui ont dit ne plus vouloir revenir au Foyer pour cette raison-là. MP   

Le Père Georges Finet co-fondateur avec Marthe Robin des Foyers de charité | DR
17 juillet 2020 | 15:36
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 5  min.
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