Mgr Carlo Maria Vigano, nonce à Washington entre 2011 et 2016 | © flickr/bostoncatholic/cc
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Les «révélations» de l'archevêque Vigano contre le pape François remises en cause

Les «révélations» de l’archevêque conservateur Carlo Maria Vigano, ancien nonce apostolique à Washington, visant le pape François, sont catégoriquement réfutées par le cardinal Donald Wuerl, archevêque de Washington. D’autres évêques des Etats-Unis prennent leurs distances avec les déclarations de l’ancien nonce.

Carlo Maria Vigano, un prélat italien âgé de 77 ans, accuse le pontife actuel d’avoir sciemment ignoré des avertissements sur le comportement sexuel prédateur du cardinal Theodore McCarrick. Nommé évêque auxiliaire de New York en 1977, ce dernier devient évêque de Metuchen, dans le New Jersey, en 1981, avant d’être nommé archevêque de Newark, dans le même Etat, en 1986. En 2000, il est nommé archevêque de Washington, charge qu’il assume jusqu’au 16 mai 2006 lorsque Mgr Donald Wuerl, évêque de Pittsburgh, lui succède. Il est créé cardinal par Jean Paul II lors du consistoire du 21 février 2001.

L’archevêque Vigano, nonce à Washington entre 2011 et 2016, n’a jamais fourni au cardinal Wuerl des informations sur des sanctions ordonnées par le pape Benoît XVI, à savoir des directives concernant l’archevêque McCarrick, accusé d’abus sexuels sur des mineurs et sur des séminaristes, écrit l’archevêque de Washington sur le site de l’archidiocèse. Il met ainsi en doute le «témoignage» de l’archevêque italien, abondamment répercuté par les milieux conservateurs, comme le site étatsunien LifeSiteNews ou les sites traditionnalistes ou intégristes qui cherchent à saper l’autorité morale du pape François.

Aucune preuve vérifiable

L’archevêque Vigano déclare qu’il a «appris avec certitude» que le pape Benoît XVI avait imposé en 2009 ou 2010 au cardinal McCarrick des sanctions similaires à celles qui lui sont maintenant imposées par le pape François. L’ancien nonce prétend avoir parlé de ces sanctions au cardinal McCarrick lors de sa première rencontre avec lui à la nonciature.

L’archevêque Vigano n’a cependant produit dans son «témoignage» aucune preuve objectivement vérifiable des affirmations concernant le cardinal Wuerl. Soutenu par les médias opposés au pape, il prétend que le cardinal Wuerl n’a rien fait.

«Le cardinal McCarrick m’a abusé»

Le cardinal Wuerl souligne que, pendant toute la durée de son mandat d’archevêque de Washington, personne ne s’est présenté pour lui dire: «Le cardinal McCarrick m’a abusé» ou n’a fait aucune autre dénonciation de ce genre. Pour Donald Wuerl, la seule raison qui lui aurait permis de mettre en question le ministère de Mgr McCarrick aurait été des informations fournies par Mgr Vigano ou par le Saint-Siège. Or «de telles informations n’ont jamais été fournies», dit-il.

Evêque de Pittsburgh, en Pennsylvanie, durant 18 ans, de 1988 à 2006, le cardinal Donald Wuerl a été désigné dans l’enquête du Grand jury sur les abus sexuels comme étant un des évêques ayant couvert des comportements abusifs.

Tristesse et consternation

De son côté, Mgr Joseph Tobin, nommément mise en cause dans le «témoignage» de Mgr Vigano, a exprimé «sa tristesse et sa consternation» devant les allégations de l’ancien nonce apostolique . L’archevêque de Newark estime que de telles affirmations ne peuvent en aucun cas être comprises comme contribuant à la guérison des victimes d’abus sexuels. Il dénonce les «erreurs factuelles» énoncées par Mgr Vigano, ses insinuations et «l’idéologie effrayante» de ce «témoignage».

Mgr Tobin veut renforcer la conviction d’avancer résolument dans la protection des jeunes et des personnes vulnérables contre toute forme d’abus, tout en garantissant un environnement sûr et respectueux où tous sont les bienvenus et en brisant les structures et les cultures qui permettent les abus. «Avec le pape François, nous sommes confiants que l’examen minutieux des revendications de l’ancien nonce aidera à établir la vérité».

«Graves erreurs morales»

Le cardinal Daniel DiNardo se montre plus circonspect. L’archevêque de Galveston-Houston (Texas),  président de la conférence des évêques des Etats-Unis (USCCB), fait valoir que les accusations de Mgr Vigano renforçaient la nécessité d’un examen «rapide et complet» des raisons pour lesquelles «les graves erreurs morales d’un frère évêque», le cardinal McCarrick, avaient pu être tolérées pendant si longtemps et ne pas entraver son avancement». Dans un communiqué publié sur le site de l’USCCB le 27 août 2018, il a annoncé être «désireux» d’avoir une audience avec le pape François après les scandales d’abus sexuels qui secouent l’Eglise.

Le cardinal DiNardo se dit convaincu que le pape François partage «notre volonté d’une plus grande efficacité et transparence en matière de discipline des évêques». Une urgence d’autant plus grande suite aux accusations de Mgr Vigano. Les questions que ce dernier soulève «méritent des réponses concluantes» et basées sur des preuves. Sans quoi, estime le cardinal DiNardo, «des hommes innocents pourraient être entachés de fausses accusations et les coupables répéter les péchés du passé».

Après les révélations concernant les abus sexuels, les évêques américains souhaitent mettre en place un plan d’action inspiré par la récente ‘Lettre au peuple de Dieu’ et le Motu proprio du pape François «Comme une mère aimante» (2016). Ce plan comprend des propositions visant notamment à faciliter le signalement des abus et inconduites commis par des évêques et à améliorer les procédures pour traiter les plaintes contre des évêques.

«Vie de prière et de pénitence»

Dans un témoignage diffusé le 25 août 2018, Mgr Vigano affirme avoir prévenu l’actuel pontife dès 2013. Un avertissement que le pape François aurait ignoré De plus, selon le prélat italien, le Saint-Père aurait fait du cardinal McCarrick un «conseiller de confiance» notamment dans le cadre de la nomination d’évêques américains qu’il dénonce.

Accusé d’abus sexuels – notamment sur mineurs et sur des séminaristes – le cardinal McCarrick, finalement rattrapé par les affaires, a été interdit de célébrer publiquement. En outre, le pape François lui a demandé de se retirer dans une «vie de prière et de pénitence», avait annoncé le Saint-Siège le 28 juillet dernier. Il avait alors démissionné du Collège cardinalice. (cath.ch/com/imedia/ah/be)

Mgr Carlo Maria Vigano, nonce à Washington entre 2011 et 2016 | © flickr/bostoncatholic/cc
28 août 2018 | 17:32
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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