Le pape François serre la main de la gouverneure-générale Mary Simon, à la Citadelle de Québec, le 27 juillet 2022 | © AP Photo/Gregorio Borgia/Keystone
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Les représentants autochtones saluent les gestes de guérison du pape

Guérir «la relation fracturée» entre l’Église catholique et les populations autochtones est l’objectif principal de la visite du pape François au Canada. Vivement applaudis le 25 juillet sur le site de l’ancien pensionnat de Maskwacis, les mots du pape ont posé un jalon essentiel sur le chemin de la guérison, expliquent les représentants des communautés autochtones.

En renouvelant «avec honte et clarté» sa demande de pardon «pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones», le pape François a accompli sa promesse de réaliser cette démarche sur le sol canadien. Il avait déjà présenté des excuses aux délégations autochtones reçues au Vatican le 1er avril 2022. Pour sa première prise de parole au cours de son voyage au Canada, le pape a reconnu que l’implication de l’Église dans l’administration des écoles résidentielles a été une «erreur dévastatrice, incompatible avec l’Évangile».

Les autochtones optimistes sur la réconciliation

Interrogé par Radio Vatican, le chef cri Wilton Littlechild, ancien commissaire de la Commission pour la vérité et la réconciliation, a réagi avec émotion et enthousiasme. «Il s’agit d’une étape très, très importante de notre voyage qui a commencé il y a de nombreuses années et qui nous a mis sur la voie de la réconciliation», a-t-il souligné.

«Nous pensons maintenant aux jeunes qui veulent un avenir plein d’espérance», a-t-il souligné au micro de la radio du pape. Il a mentionné un sondage publié à l’occasion de cette visite selon lequel 70% des jeunes autochtones pensent qu’ils «verront et vivront la réconciliation au cours de leur vie».

«La visite du pape est une bénédiction, une vraie bénédiction, surtout le fait qu’il soit venu dans ma patrie, je ne m’y attendais pas et je suis vraiment très honoré. Ses mots ont été une guérison pour nous tous», a insisté Wilton Littlechild. Le représentant de la nation crie est aussi un avocat réputé, connu pour son plaidoyer en faveur des droits des autochtones, jusqu’aux instances onusiennes.

Une demande de pardon au nom de l’Église

L’un des enjeux de ce discours était une prise de parole impliquant toute l’Église de façon publique et officielle, a expliqué Phil Fontaine, l’ancien chef de l’Assemblée des Premières Nations, dans la revue jésuite America.

«C’est ce que nos gens recherchent. Ils veulent entendre le Saint-Père dire que c’est l’Église catholique qui est en définitive responsable de ce qui s’est abattu sur les peuples de notre pays, les premiers peuples», a-t-il ajouté. Il a expliqué qu’à travers sa démarche, l’Église doit prendre «l’entière responsabilité de ces expériences terribles, de ces moments tragiques».

«Avec ces mots, je pense que nous allons entamer un processus de retournement de situation, et commencer le travail de reconstruction de la relation fracturée entre l’Église catholique et notre peuple», a déclaré Phil Fontaine, qui espère maintenant que cette démarche se prolongera par des mesures concrètes. «Ce n’est pas la fin de l’histoire. C’est le début. Un long et difficile voyage nous attend», avertit-il.

Sœur Priscilla Solomon, de la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Sault-Ste-Marie, est elle-même autochtone, de la nation Ojibwé. Elle consacre son ministère à la recherche de la réconciliation entre l’Eglise et son peuple blessé et humilié. Les excuses «ne constituent pas un point d’arrivée. Elles ne sont qu’une étape sur le chemin et elles appellent une réponse de notre part en tant que catholiques pour donner corps à ces excuses», a-t-elle insisté dans America.

Une «instigation» à la destruction des cultures autochtones?

Pour sa part, avec une tonalité beaucoup plus sévère, l’ancien sénateur Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et de réconciliation, reconnaît dans un communiqué «l’importance des excuses du pape pour les survivants, leurs familles et leurs communautés». Il estime cependant que «la déclaration du Saint-Père a laissé un trou profond dans la reconnaissance du rôle complet de l’Église dans le système des pensionnats, en plaçant le blâme sur des membres individuels de l’Église».

L’ancien parlementaire est issu de la nation Peguis, qui compte environ 10’000 membres résidant pour la plupart dans la province du Manitoba. Il considère que «les dirigeants catholiques ont non seulement permis au gouvernement du Canada d’agir, mais ils l’ont poussé encore plus loin dans son travail de génocide culturel des peuples autochtones». Il dénonce «un effort institutionnel concerté pour retirer les enfants de leurs familles et de leurs cultures, tout cela au nom de la suprématie chrétienne».

Il considère que l’Église ne s’est pas simplement située dans la «collaboration» avec l’État mais dans une «instigation» à la destruction des cultures autochtones. Murray Sinclair appelle donc le pape, dans la suite de son voyage, à «assumer la responsabilité des actions passées et s’engager à faire mieux sur ce chemin de la réconciliation». (cath.ch/imedia/cv/rz)

Le pape François serre la main de la gouverneure-générale Mary Simon, à la Citadelle de Québec, le 27 juillet 2022 | © AP Photo/Gregorio Borgia/Keystone
28 juillet 2022 | 09:44
par I.MEDIA
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