Les réfugiés incités à ne pas revenir, dénonce Mgr Komarica
Bosnie-Herzégovine: Une «stratégie bien élaborée» pour éliminer toute présence catholique
Königstein, 4 juin 2012 (Apic) Les catholiques d’origine croate en Bosnie-Herzégovine ne sont pas «des invités, mais le plus ancien des groupes ethniques du pays», affirme Mgr Franjo Komarica. Parlant de «stratégie bien élaborée», l’évêque catholique de Banja Luka déplore le manque de volonté politique du gouvernement bosniaque, mais également de la communauté internationale, de permettre aux catholiques réfugiés à l’étranger de revenir dans leur pays, 17 ans après la fin de la guerre.
Aux yeux de l’évêque de Banja Luka, capitale des Serbes de Bosnie, l’objectif est clairement d’éliminer toute présence catholique dans ce pays. Mgr Komarica l’a affirmé la semaine dernière aux responsables d’»Aide à l’Eglise en Détresse» (AED), une œuvre d’entraide catholique internationale basée à Königstein, près de Francfort-sur-le-Main.
Uniquement au cours des deux derniers mois, a souligné Mgr Komarica, 800 familles catholiques réfugiées à l’étranger lui ont demandé de l’aide afin qu’elles puissent rentrer au pays. Des milliers d’autres réfugiés sont prêts à revenir, a déclaré le président de la Conférence épiscopale de la Bosnie-Herzégovine.
Ces réfugiés attendent de l’Eglise qu’elle les aide à reconstruire leurs maisons et à rétablir les infrastructures détruites lors des affrontements des années 90. «En fait, cette tâche reviendrait au gouvernement», mais les communautés catholiques ne reçoivent qu’une fraction minimale de l’aide internationale, déplore-t-il.
Les catholiques «n’ont rien à faire en Bosnie»
Mgr Komarica dénonce le fait que, lors de certains entretiens, des personnalités politiques affirment ouvertement que les catholiques «n’ont rien à faire en Bosnie». L’évêque de Banja Luka, qui milite depuis de nombreuses années pour qu’existe un Etat de droit en Bosnie-Herzégovine, dit que l’Eglise catholique souhaiterait seulement que sa communauté soit mise sur un pied d’égalité avec les autres groupes de population. Il relève qu’exclure toute une ethnie nuit à la Bosnie. Il ne reste plus aujourd’hui que 450’000 des 835’000 catholiques qui vivaient en Bosnie-Herzégovine avant la guerre civile qui a fait rage entre 1992 et 1995.
Encadré
Depuis le commencement de la guerre en 1992 jusqu’à la cessation des hostilités suite aux Accords de Dayton de fin 1995, 2,68 millions de personnes, soit 59,6% de la population totale de la Bosnie-Herzégovine avait été ou déplacée à l’intérieur du pays (1,37 million de personnes, 31,2 % de la population), ou réfugiée hors du pays (1,25 million, 28,4% de la population), selon le rapport sur les droits humains de la Commission «Justice et Paix» de la Conférence des évêques de Bosnie-Herzégovine.
Les catholiques de Bosnie-Herzégovine sont à plus de 90% Croates, tandis qu’une petite proportion appartient à d’autres minorités comme les Tchèques, les Italiens, les Polonais, les Ukrainiens, les Slovaques, les Ruthènes, les Allemands, les Autrichiens, etc.
Installés en Bosnie depuis le Haut Moyen-Age, les Croates ne peuvent pas être considérés comme des immigrés, puisqu’ils sont une ancienne population de cette région. Ils ne sont donc pas une diaspora, mais bien une population autochtone. Ils sont l’un des trois peuples constituants de cet Etat, aux côtés des Bosniaques (musulmans) et des Serbes (orthodoxes) de Bosnie. Selon le recensement de 1991, 761’000 Croates (essentiellement des catholiques) vivaient en Bosnie-Herzégovine et représentaient 17,3 % de la population. Ils se concentraient principalement le long des vallées de la Bosna et de la Neretva, autour de trois régions: la Posavina, au nord; la Bosnie centrale, entre Travnik et Sarajevo; et l’Herzégovine occidentale, au sud, entre Livno et Mostar. Ils constituaient une forte minorité dans les deux premières régions, et représentaient plus de 80 % de la population de la troisième, laquelle abritait 40 % des Croates de Bosnie-Herzégovine. En Bosnie occidentale (aujourd’hui en République serbe de Bosnie, région de Banja Luka), sur les quelque 70’000 Croates chassés de chez eux et réfugiés en Croatie, seuls 10% ont pu regagner leurs foyers. Le nombre de Croates en Bosnie-Herzégovine a diminué de moitié par rapport à la période d’avant la guerre de 1992-1995. Ils sont principalement concentrés au sud, en Herzégovine. (apic/be)