Chine: Présomptions de prélèvements d’organes sur des prisonniers vivants

Les prisons chinoises, des banques d’organes?

Pékin, 5 décembre 2012 (Apic) Un trafic d’organes provenant de prisonniers politiques encore vivants lors du prélèvement existerait en Chine. Face aux présomptions qui paraissent de plus en plus fortes, médecins, politiciens et défenseurs des droits humains ont demandé ces derniers mois à la communauté internationale de réagir. Ce «crime contre l’humanité» touche principalement les pratiquants du mouvement spirituel Falun Gong.

«Un restaurant monstrueux où vous choisissez votre homard dans un aquarium. Sauf qu’il s’agit d’un être humain». C’est ainsi que David Kilgour, ancien secrétaire d’Etat canadien pour l’Asie-Pacifique décrit l’ignoble système qui serait établi dans les prisons chinoises. Le politicien canadien a été, en 2006, l’un des premiers, avec son compatriote avocat David Matas, à alerter l’opinion publique sur la probabilité de prélèvements d’organes forcés en Chine. Les deux hommes ont mis en évidence 52 «preuves» circonstanciées.

Le fait est que la Chine ne dispose d’aucun programme officiel de dons d’organes. 60’000 greffes d’organes ont été réalisées en Chine de 2000 à 2005. Selon les autorités chinoises, 90% des organes utilisés venaient de prisonniers criminels exécutés après avoir été condamnés à mort. Or, selon une estimation d’Amnesty International, environ 2000 prisonniers sont exécutés en Chine chaque année. Selon l’ONG «Doctors Against Forced Organ Harvesting» (Médecins contre le prélèvement forcé d’organes/DAFOH), cela donne 40’000 opérations dont on ne peut pas expliquer les sources.

Les Falun Gong sacrifiés

Les statistiques montrent que «l’explosion» du nombre de greffes en Chine a coïncidé avec la répression du mouvement Falun Gong, à la fin des années 90, et l’envoi dans des camps de milliers de ses adeptes. Selon Kilgour et Matas, les Falun Gong seraient ainsi les principales victimes de ce macabre marché, dont aussi bien l’armée et les hôpitaux que les intermédiaires tireraient des millions de dollars.

Un autre élément très troublant est «l’efficacité» du système de transplantation d’organes en Chine. David Kilgour et David Matas ont relevé des sites internet d’hôpitaux chinois offrant des organes compatibles en moins d’une semaine. «Les médecins qui lisent cela comprennent immédiatement qu’il y a quelque chose qui cloche», remarque le docteur Torsten Trey, auteur du livre «State Organs. Transplant abuse in China» (Organes d’Etat. Abus de transplantation en Chine), paru en 2012. «Ces délais ne sont pas possibles, renchérit le docteur Damon Noto, porte-parole du DAFOH, à moins de posséder une source illimitée d’organes.»

Nombreux sont en outre les témoins qui disent avoir été soumis, dans les prisons chinoises, à des contrôles approfondis du bon fonctionnement de leurs organes, sans raison valable. Les enquêteurs canadiens ont aussi réussi à obtenir les aveux de médecins chinois en se faisant passer pour des «clients» potentiels.

Pékin soupçonné

L’intense faisceau de présomptions converge vers le régime de Pékin qui, de l’avis de la plupart des observateurs, ne peut qu’être impliqué dans le trafic.

Face à ce qui commence à apparaître comme une violation massive des droits humains, des acteurs civils et étatiques renforcent leur mobilisation. Des pétitions lancées par DAFOH ont été déposées ces derniers mois auprès des principales instances des Nations Unies et du gouvernement américain leur demandant de faire pression sur l’Etat chinois.

En octobre 2012, 106 membres du Congrès des Etats-Unis et 44 universités ont demandé à Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine, de divulguer les informations que son gouvernement détiendrait sur les transplantations d’organes en Chine. A cette occasion, le député Dana Rohrabacher a parlé d’un «crime contre l’humanité» demandant que ses auteurs soient traduits en justice.

Novartis et Roche interpellées

Le livre «State Organs» met aussi en lumière le manque de discernement de certaines entreprises occidentales, qui coopèrent avec les autorités médicales chinoises. L’ouvrage contient notamment l’exposé d’un spécialiste suisse de la transplantation, le docteur Arne Schwarz. Ce dernier accuse les firmes pharmaceutiques, notamment les suisses Roche et Novartis, de collaborer avec un système médical chinois à l’éthique plus que critiquable. Sans parler des soupçons de prélèvements forcés, la pratique chinoise officielle effectuée sur des prisonniers exécutés viole les normes éthiques internationalement admises dans le domaine.

Roche et Novartis ont, au cours de la dernière décennie, coopéré de manière étroite avec la Chine dans le secteur des greffes d’organes. Les multinationales ont, avec d’autres, promu, testé et vendu dans ce pays des médicaments immunosuppressifs, destinés à éviter le rejet par le corps des organes transplantés. En 2008, Roche a même travaillé avec le gouvernement chinois pour établir des bases de données médicales afin d’améliorer la logistique des greffes de foies et de reins. (apic/rz)

9 décembre 2012 | 11:04
par webmaster@kath.ch
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