Les mouvements sociaux et d’Eglise dénoncent «un verdict scandaleux»

Brésil: Jugement du meurtre des militants de la Commission Pastorale de la Terre

Maraba, 5 avril 2013 (Apic) Après un procès qui aura duré moins de 48 heures, le tribunal de Maraba, en Amazonie brésilienne, a rendu son verdict pour le double assassinat des deux militants de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), le 24 mai 2011. Les deux auteurs du meurtre ont chacun été condamné à plus de quarante années d’emprisonnement. En revanche, le mandataire présumé a été innocenté, provoquant la stupeur et la colère des membres de la société civile présents en nombre.

Des jets de pierres sur la façade du Palais de Justice de Maraba. La gare routière et des avenues bloquées. Des injures à l’attention des magistrats… Le tout sous les yeux d’une Police militaire lourdement armée, mais qui n’a, à aucun moment, cherché à faire cesser ces manifestations de mécontentement… Voilà comment a été accueilli le verdict du tribunal de la capitale administrative du sud de l’état du Para, au cœur de l’Amazonie brésilienne, chargé de juger les auteurs et le mandataire présumé du double du double meurtre perpétré, le 24 mai 2011, sur Maria et Jose Claudio do Espirito Santo, deux militants de la CPT.

Le mandataire présumé relaxé

Tombé en fin de journée et à l’issue de moins de deux heures de délibération d’un jury populaire composé de sept personnes, le verdict a donc a reconnu Lindonjonson Silva Rocha et Alberto Lopes do Nascimento coupables de ce double meurtre. Pour ces faits, le premier a été condamné à 42 ans d’emprisonnement. Quand au second, il a écopé de 45 années de prison. Contre toute attente, en revanche, Jose Rodrigues Moreira, le mandataire présumé de ce double crime, soupçonné de l’avoir planifié, organisé et financé, a été reconnu innocent et relaxé.

Pour les nombreux représentants des mouvements sociaux qui ont suivi le procès, le verdict a été reçu comme un véritable choc. «Ce jugement est inacceptable! s’est indigné le Père José Amaro, prêtre d’Anapu et membre de la Commission Pastorale de la Terre (CPT). Nous avions déjà vécu quelque chose de similaire, il y a huit ans, avec la relaxe des mandataires de l’assassinat de Sœur Dorothy, (n.d.l.r. religieuse américaine assassinée le 12 février 2005). C’est terrible de voir que les deux hommes de mains ont été condamnés, mais que celui qui est derrière ce drame a été libéré!»

«Une porte ouverte à l’impunité»

Pour Frère Henri Burin des Roziers, dominicain français et ancien avocat de la CT, qui a suivi le procès, «la relaxe du mandataire présumé est un scandale.» Le religieux y voit surtout «une nouvelle porte ouverte à l’impunité dans la région et constitue un grave coup porté à tous ceux et toutes celles qui se battent pour la défense de la nature.» Le dominicain craint également que cette décision d’innocenter le mandataire présumé représente «une menace très grave pour la vie de Laisa Santos Sampaio», la sœur de Maria do Espirito Santo, elle-même menacée de mort dans la réserve extractiviste de Praia Alta Pinheira, près de la commune de Nova Ipixuna, où elle réside avec son compagnon et ses enfants … tout près de la propriété du mandataire présumé.

«C’est comme si on les avait tué une 2ème fois»

La principale intéressée s’avoue d’ailleurs anéantie par le verdict. «Je ne sais pas vraiment ce que je ressens, dit-elle, la voix pleine de sanglots. C’est comme si on n’avait assassiné ma sœur et mon beau-frère une deuxième fois! Sauf que la première fois, je ne savais pas qui avait tué et qui en avait donné l’ordre. Là, pendant deux jours, j’ai vu ceux qui ont tué Maria et Jose Claudio.» A propos des menaces qui pèsent sur elle et ses proches, la militante de la CPT se dit effectivement très inquiète. «Des rumeurs circulaient avant le jugement, assurant que si l’un des deux membres de la famille (Jose Rodrigues Moreira et son frère cadet, Lindonjonson Silva Rocha) étaient condamnés, je devrais mourir. Aujourd’hui cette menace est plus que jamais présente», souffle Laisa Santos Sampaio, qui ne bénéficie toujours d’aucune protection policière à ce jour.

A l’issue de procès, les parties civiles et les représentants du Ministère Public ont cependant annoncé leur décision de faire appel du jugement. D’autant que pour beaucoup d’observateurs, le jury populaire n’a pas été à la hauteur des enjeux. «La présence de deux membres de l’Eglise évangélique, tout comme le mandataire présumé, Jose Rodrigues Moreira, le mandataire présumé et l’un des ses avocats, a pu avoir une influence sur les délibérations», estime Frère Henri Burin des Roziers. «Il était mal préparé», estime quant à elle Laisa Santos Sampaio, qui espère que le double meurtre sera rejugé. Quitte à affronter une nouvelle fois les bourreaux de sa sœur et son beau-frère. (apic/jcg/bb)

5 avril 2013 | 18:20
par webmaster@kath.ch
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