«Les laïcs dans l’Eglise cinquante ans après Vatican II»
Saint-Maurice: Assemblée thématique de la CRAL
Saint-Maurice, 19 janvier 2012 (Apic) Quel avenir pour l’Eglise? Et quelle place fait-elle aux laïcs un demi-siècle après Vatican II? Ces questions ont traversé l’assemblée thématique de la Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL) des 14 et 15 janvier derniers. Peter Annegarn, président du Forum européen des laïcs, et Anne Soupa, à l’origine avec Christine Pedotti de la Conférence des baptisé-e-s francophones, ont partagé leurs convictions.
L’avenir de l’Eglise? Il repose sur des communautés à taille humaine ouvertes sur le monde qui se prennent en charge «sans attendre ou suivre aveuglément des consignes venues d’en haut», affirme le Conseil interdiocésain des laïcs de Belgique, le CIL, dans ses «10 propositions pour espérer et progresser en Eglise». Ces propositions, élaborées après discussion avec des experts et des membres d’associations et de mouvements, ont été présentées aux délégués de la CRAL par le président du CIL, Peter Annegarn. Avec la «Lettre ouverte à nos frères chrétiens laïcs, clercs et évêques», elles ont lancé un processus de concertation avec les évêques pour une responsabilité partagée dans l’Eglise de Belgique.
Une Eglise de la parole partagée
Les dix propositions dessinent une Eglise qui promeut la coresponsabilité entre laïcs et prêtres, pratique la fraternité et la convivialité, donne la parole à chacun et la priorité aux pauvres. Elle se laisse interpeller par l’Evangile et vit des partages dans lesquels «chacun peut proposer sa propre parole», car «Dieu et la vérité n’appartiennent à personne».
Selon le projet du CIL, l’Eglise pratique la démocratie, encourage la parité homme-femme, fait confiance aux femmes. Elle promeut le dialogue et «adopte en conscience des règles de vie adaptées au temps présent en s’inspirant de l’exemple donné par le Christ plutôt que d’adopter une doctrine toute faite considérée comme immuable». Comme les premiers chrétiens, ses membres sont assidus à l’enseignement, partagent leurs biens, rompent le pain et prient ensemble.
Les délégués ont réfléchi à deux questions: «Comment concilier mon désir de vivre l’Evangile et mon appartenance à l’Eglise?» et «Un chrétien isolé est un chrétien en danger! : comment cette phrase résonne-t-elle en vous?». La discussion a débouché sur un constat: il reste encore, en Eglise, à élaguer: il faut simplifier les structures, partir de petites communautés de partage de la Parole où chacun peut s’exprimer en toute liberté; et laisser du temps au temps.
Des laïcs adultes et responsables
Anne Soupa, bibliste, rédactrice en chef du magazine Biblia, a souligné l’importance du baptême, sa place dans la vie chrétienne et à quoi il engage. C’est en son nom que les membres de la CCBF abordent sans crainte les sujets qui fâchent dans l’Eglise: l’ordination d’hommes mariés, la place de la femme, la gouvernance et la situation des divorcés remariés, sujets sur lesquels, a affirmé Anne Soupa, «certains courants restaurateurs ont verrouillé les décisions».
«Nous, baptisés, ne demandons plus, a-t-elle poursuivi, et pour plusieurs raisons: les évêques ont une marge de manœuvre étroite et les laïcs ont trop longtemps été maintenus dans une posture adolescente. Ne pas demander, c’est être plus libre.» La conférencière a rejoint Mgr Albert Rouet, évêque émérite de Poitiers, qui s’interrogeait: «Comment notre Eglise a-t-elle fait pour rendre son peuple impuissant?».
Un baptême qui engage
Pour Anne Soupa, il faut retourner à l’Eglise des premiers siècles, où la distinction entre laïcs et prêtres n’existait pas et où les communautés avaient voix au chapitre dans le choix de leurs responsables. Sont venues la réforme grégorienne, puis le concile de Trente: «Ce système a bien vécu, mais il a fait son temps, a-t-elle relevé. Mais la hiérarchie n’est pas pérenne, et pas conforme aux origines. L’Eglise est d’abord un peuple. Un peuple de prêtres, de prophètes et de rois, que les laïcs en prennent conscience! Et dans le baptême, il y a tout».
«Etre baptisé, c’est être plongé dans la mort et la résurrection du Christ. C’est un avenir, une mission, celle d’annoncer Jésus-Christ, a ajouté Anne Soupa. C’est être prophète: annoncer une Parole, ne pas se séparer de ses frères en humanité.»
Pour elle, comme pour le CIL, l’avenir de l’Eglise passe par de petites communautés de foi animées du goût de la Parole: «Le modèle de l’Eglise, patriarcal, n’a plus de succès dans nos sociétés. Redécouvrons la fraternité subversive de Jésus! Et prenons la parole!». Et de plaider pour une culture du débat dans l’Eglise: «Plus je parle, plus je me sens au cœur de l’Eglise. La parole inclut, le silence exclut. Nous avons tout à gagner à prendre la parole».
Pour toucher les nouvelles générations, «il faut porter la parole haut et fort, avec conviction. Chercher où est la foi de l’autre, rejoindre sa quête spirituelle, cheminer avec lui». Seule une Eglise de proximité aura chance de parler aux femmes et aux hommes de ce temps et de demain. (apic/gdsc/bb)
Encadré:
Empoigner les grands défis de l’Eglise d’aujourd’hui
Le Conseil interdiocésain des laïcs de Belgique (CIL) est composé de délégués de diocèses, de mouvements, de groupes de spiritualité et de réseaux de chrétiens alternatifs. Il affirme ne pas craindre d’empoigner les grands défis de l’Eglise d’aujourd’hui, notamment la diversité, le renouvellement du langage religieux, la place de la femme dans l’Eglise et la société et l’accompagnement des chrétiens dans un monde éclaté. Fidèle aux intuitions de Vatican II, le CIL se dit à l’écoute de l’Eglise et du monde et travaille à instaurer une culture de débat dans l’Eglise.
Encadré:
Le Comité de la jupe à l’origine de la CCBF
Anne Soupa et de Christine Pedotti ont lancé en 2009 le Comité de la jupe, qui tire son nom des propos prononcés en 2008 par l’archevêque de Paris: «Le tout n’est pas d’avoir une jupe, encore faut-il avoir quelque chose dans la tête!», qui a fait sortir de leur réserve les deux femmes. Elles ont ensuite fondé en 2011 la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones (CCBF), qui rassemble actuellement quelque 2’500 sympathisants et 40 groupes et est reconnue comme association.
(apic/bb)