Brésil: La favela Manguinhos à la veille d’accueillir le pape
Les habitants espèrent que leur vie sera meilleure … après
Rio de Janeiro, 24 juillet 2013 (Apic) A la veille de la visite du pape dans la favela Manguinhos, les habitants de ce bidonville de Rio de Janeiro sont enthousiastes à l’idée d’approcher le Saint Père. Mais ils ne croient guère que cette visite changera leur quotidien difficile.
«Je n’ai rien contre le pape. Au contraire. Mais j’espère que sa visite ici, dans la favela de Manguinhos, va améliorer notre vie durablement. Et pas uniquement à travers les travaux qui ont été faits depuis quelques mois, juste pour nettoyer les lieux où il va se rendre.» En remplissant des seaux d’eau à l’aide d’un tuyau, appuyé contre le grillage qui le sépare d’un terrain de football bosselé, Ayrton, un jeune homme au physique râblais, n’a visiblement pas le cœur à répondre aux questions. «Des familles vivent ici depuis plusieurs générations, poursuit-il, et il a fallu attendre ces deux derniers mois pour que la route principale qui rentre dans notre quartier de Varguinha soit enfin goudronnée! En attendant, soupire t-il, ça fait trois jours que nous n’avons pas d’électricité et deux jours que je suis obligé de venir prendre de l’eau ici.»
Favela sécurisée
La visite du pape François, jeudi 25 juillet, dans la favela de Manguinhos, constituera l’un des moments importants des Journées Mondiales de la Jeunesse de Rio de Janeiro. «La décision d’une telle visite remonte à une année, explique le Père Luiz Antonio, coordinateur de la Pastorale des Favelas de Rio de Janeiro, un organisme lié à la Conférence Episcopale du Brésil (CNBB) et dont la mission est de défendre les droits des habitants des quelques 1’300 bidonvilles que compte la ville. Via l’archevêché de Rio de Janeiro, nous avons proposé une liste de cinq favelas à visiter. Manguinhos a été choisie par les conseillers du pape, en tenant compte de plusieurs facteurs, en particulier la sécurité».
«Je n’ai jamais vu autant de policiers!»
Pacifiée depuis huit mois, le quartier de Varguinhas, l’un des onze que compte la favela de Manguinhos, est donc, en théorie du moins, à l’abri d’actes de violence commis généralement à cause du trafic de drogue, désormais largement endigué. Globalement donc, cette présence policière rassure la population, même si certains ont la dent dure. «Je suis né ici et depuis que le pape a décidé de venir faire cette visite dans notre communauté, je n’ai jamais vu autant de policiers!», ironise Jakson, la quarantaine, vendeur de fruits à l’entrée de la favela, gardée par une escouade de policiers lourdement armés. «Le problème, c’est que, depuis qu’ils sont arrivés, nous pouvons à peine circuler librement dans notre propre quartier.»
30 ans après Jean Paul II
Le Père Luiz Antonio est conscient des conséquences de la présence du Saint-Père. Mais pour ce prêtre impliqué depuis trente ans dans la lutte pour le respect les droits des habitants des favelas, cette visite constitue une opportunité de protéger l’ensemble des habitants des favelas de Rio contre les dangers de la spéculation immobilière qui les menace. «Avec les grands évènements comme la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques, des milliers d’habitants de ces quartiers pauvres de Rio ont été expulsés de chez eux ou risquent de l’être, explique ce prêtre de 56 ans, dont 31 au sein de la Pastorale des favelas. Alors, nous comptons profiter de la présence du Saint Père pour mettre la pression sur le maire pour qu’il respecte les droits de ces personnes dans toutes les favelas de la ville. C’est ce que nous avions fait déjà en 1980, lors de la visite de Jean Paul II, avec les habitants de la favela Vindigal, près de la plage de Leblon, qui étaient alors menacés d’expulsion».
Un évanglique «ravi»
Rafaël, 30 ans, nourrit les mêmes espoirs que le prêtre. Ce membre de l’Eglise Universelle du Règne de Dieu, l’une des plus importantes églises évangéliques du Brésil, assure en effet qu’il est «ravi» de la visite du pape. Invité par la Pastorale des favelas, il va même, comme plusieurs habitants du quartier, écrire une lettre que le Père Luiz Antonio s’est engagé à remettre personnellement au souverain pontife. «Nous adorons le même Dieu et nous avons en commun de vouloir un toit pour y vivre dignement avec nos familles, explique ce membre de l’association des habitants du quartier. Donc si la visite du pape peut nous permettre de vivre mieux, nous ne pouvons qu’être enthousiastes.» Et tenter même d’approcher le souverain pontife qui viendra s’adresser à la population de Manguinhos sur le terrain de football, entretenu pour l’occasion par une horde d’employés de la voirie.
Le jour d’après …
«Tout sera prêt le jour J!», assure un habitant de la favela en étendant devant la façade de sa maison une banderole «Bienvenue au pape François», les habitants ne se font guère d’illusions sur les conséquences d’une telle visite. «C’est vrai que nous sommes préoccupés de savoir ce qui va se passer concrètement pour ces habitants après le passage du pape, admet le Père Luiz Antonio. Nous espérons que, grâce à lui, les habitants de Manguinhos pourront bénéficier rapidement de services publics basiques, comme une école et un poste de santé de qualité.» Un souhait que partage totalement Ayrton. Avec en plus un souci à court terme. «Si l’eau ne revient pas dans ma maison d’ici demain, comment je vais faire, avec le pape au milieu, pour remplir mes bidons d’eau?» (apic/jcg/bb)