Genève se veut une "République laïque" | © Pierre Pistoletti
Suisse

Les Genevois voteront sur la laïcité

À l’approche du vote sur la loi sur la laïcité à Genève, le 10 février 2019, les référendaires et les principales Églises ont tour à tour convoqué la presse. Pour les uns, cette loi est inutile alors que pour les autres, elle est imparfaite, mais nécessaire.

Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain!, prévient Béatrix Leroy-Jeandin, présidente de l’Église catholique romaine (ECR) de Genève. Les citoyens du bout du lac votent le 10 février sur la loi sur la laïcité de l’État, adoptée fin mars par le Grand conseil puis attaquée par un référendum. L’ECR, l’Église protestante de Genève (EPG) et l’Église catholique chrétienne (ECC) à Genève font front commun pour inviter les fidèles à glisser un ‘oui’ dans les urnes. Leur appel qui sera principalement relayé au travers des moyens de communication internes des institutions.

Une interprétation différente du texte

L’article 3 de la loi qui prévoit l’interdiction de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs, faite aux employés de l’État en contact du public, aux magistrats et aux élus, y compris ceux des organes délibérants lorsqu’ils siègent en séance plénière, cristallise une large partie des insatisfactions. Pour les représentants des Églises historiques, «cet article est un point qui méritera notre attention lors de l’élaboration du règlement d’application», explique Béatrix Leroy-Jeandin.

Du côté des référendaires, par contre, on perçoit cette formulation comme extrêmement stricte et selon eux, elle ne laissera aucune place à l’interprétation. «Je serai obligée de licencier des employées voilées, alors qu’elles avaient été engagées en pleine connaissance de cause pour leur compétence», dénonce la socialiste Carole-Anne Kast conseillère administrative de la commune d’Onex. Elle prévenu qu’elle refuserait de le faire. «Les référendaires dressent des épouvantails», rétorque Blaise Menu, modérateur de la Compagnie des pasteurs et des diacres de l’EPG, quand on évoque les différentes conséquences de la loi que dénoncent les référendaires.

«Cette loi fait du vent en voulant combattre des moulins qui n’existent pas!», plaide pour sa part le député Ensemble à gauche Pierre Vanek. Si quelques lois méritent d’être toilettées, notamment pour permettre aux Églises de vendre les monuments dont elles n’ont plus besoin et qui pèsent lourd sur leurs finances, le député estime que «cette loi tend à régler de manière autoritaire des problèmes qui en fait ne se posent pas», ce faisant elle réduirait les libertés individuelles, sans que cela ne soit justifié.

Une loi inutile et liberticide

Il n’y a pas lieu de créer une «loi d’exception uniquement pour les questions religieuses», abonde Pierre-Yves Bosshard, au nom des juristes progressistes, également opposés à la loi. Un État laïc devrait défendre les atteintes à l’ordre public, quels que soient les motifs de ces atteintes. De son côté, le président de la coordination Stop exclusion, considère que l’on ne peut pas promouvoir l’intégration en diminuant les droits des gens. Pour lui, cette loi provoquerait une diminution de la diversité dans la société, on passerait de l’intégration à l’assimilation. Cela reviendrait à dire «vous êtes les bienvenus, mais seulement si vous êtes comme nous!»

Un projet de communauté plus ambitieux

«Le religieux demeure un objet particulier. C’est fondamental et les opposants à la loi semblent l’ignorer ou feindre de l’ignorer. Peut-être parient-ils aussi sur son extinction, mais nous savons que ce n’est pas le cas», dénonce pour sa part Blaise Menu. Le modèle défendu par la loi favorise une communauté de destin moderne au sein de la communauté. «Au contraire, le modèle défendu par les opposants se contente d’un vivre ensemble un peu mou», explique-t-il.

Projet commun ou individualismes qui se contentent de se côtoyer, Emmanuel Fuchs se dit également favorable au premier: «Comme citoyen, je demande à l’État de s’intéresser à la question religieuse, car elle fait partie de nos vies.»

Le ‘oui mais’ des évangéliques

Pour le Réseau évangélique genevois, la nouvelle loi propose des avancées remarquables Dans un canton qui compte plus de 370 communautés religieuses, dont plus de 100 liés au protestantisme évangélique, le fait que la nouvelle loi reconnaisse leur existence et leur contribution à la société genevoise est à saluer, explique le REG dans un communiqué, le 21 janvier.

La loi amènerait une égalité de traitement pour toutes les communautés, notamment en matière de coopération dans le domaine de l’aumônerie ou de contribution religieuse volontaire. Elle ouvre la voie à un dialogue plus fort entre l’Etat et les communautés religieuses. Elle abroge les lois désuètes datant du Kulturkampf, telle que la loi sur le culte extérieur de 1875. Le REG se réjouit également de ce que l’enseignement du fait religieux dans les établissements scolaires publics soit établi.

Mais pour les évangéliques, derrière ces points positifs, se cache une atteinte inacceptable à la liberté religieuse contenue dans l’article 3 sur l’interdiction faite aux fonctionnaires, aux magistrats et aux élus de «signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs».

Le REG avait décidé de faire recours pour vérifier la constitutionnalité des articles 3.3, 3.4 et 3.5 et 6 de la loi. Dans l’attente du résultat du référendum, la Cour constitutionnelle du canton de Genève a suspendu la procédure. Si la loi était adoptée, le REG indique qu’il poursuivrait son recours. (cath.ch/protestinfo/mp)

Genève se veut une «République laïque» | © Pierre Pistoletti
21 janvier 2019 | 10:07
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 4  min.
ECR (66), EPG (7), Laïcité (103)
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