Une soixantaine de femmes ont manifesté pour une participation plus active au sein de l'institution. | © B. Hallet
Suisse

Les femmes en Eglise veulent être entendues

«Nous prions, nous marchons, nous agissons!», ont scandé une soixantaine de femmes engagées au sein du Réseau des femmes en Eglise (RFE). Manifestant en parallèle de la grève des femmes, elles ont été reçues le 14 juin 2019 par les membres de la Conférence des ordinaires romands (COR), auxquels elles ont adressé leurs revendications. Notamment une participation plus active dans les instances décisionnelles de l’Eglise.

«Nous souhaitons, dans le sens de ce qui a été déclaré par le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, offrir «une contribution à la réflexion ecclésiale sur l’identité et la mission des femmes dans l’Eglise et dans la société en favorisant leur participation».

Des pas importants

Après un accueil chaleureux, le silence est tombé dans la salle du vicariat de Lausanne. La COR y reçoit une délégation du RFE qui leur demande de «faire quelques pas importants».

Les vicaires épiscopaux, l’abbé Jean-Jacques Theurillat, président de la COR, en tête, écoutent attentivement les revendications des femmes qu’une délégation du RFE représente au vicariat de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud.

Cécile poursuit la lecture, la voix posée, douce, marquant des silences qui renforcent les demandes. Elle revendique, notamment sur une participation significative de femmes dans les instances décisionnelles et de formation. «Conseil épiscopal, conseil de vicariat, équipe et conseils pastoraux, conseil de paroisse et de communauté, Institut de formation aux ministères, séminaire…»

Rencontre avec les évêques

Le RFE souhaite également, «pour lutter contre le cléricalisme», la mise en place de commissions paritaires afin de repenser la diversité des ministères et des fonctions. Et, finalement, pour accompagner l’avancement des propositions, elle fait écho à la demande, d’une journée de rencontre des femmes engagées en Eglise, bénévoles et professionnelles, avec l’évêque et les vicaires épiscopaux organisée tous les deux ans.

Elle achève la lecture avec une citation du pape François: «Une Eglise vivante peut réagir en prêtant attention aux revendications légitimes des femmes qui demandent plus de justice et d’égalité» (Christus Vivit, § 42). Quelques secondes s’écoulent avant que l’abbé Theurillat ne reprenne la parole, salue l’oratrice et invite les membres de la COR à réagir.

Un silence suit. On remarque benoîtement que les femmes ont leur place en Eglise et qu’elles y sont nombreuses. «Il ne s’agit pas seulement de la place des femmes en Eglise. Quel poids donnez-vous à notre parole?» répond l’une d’elle. La conversation s’engage quelques instants.

Myriam Stocker, membre du Conseil épiscopal de LGF, remercie les membres de la COR pour leur accueil et leur écoute. Elle remet à chacun un exemplaire du texte qui vient d’être lu ainsi que le badge de la journée: «Egalité des chances. Amen». Elle les invite à venir prier et chanter avec les femmes restées devant l’entrée du vicariat.

Au terme d’une marche d’une vingtaine de minutes qui les a menées de la gare au vicariat, une soixantaine de femmes engagées en Eglise y ont été accueillies par l’abbé l’abbé Jean-Jacques Theurillat, vicaire épiscopal du diocèse de Bâle.

Au début timidement puis en cœur et en le scandant, elles ont repris leur slogan «Nous croyons, nous marchons, nous agissons!», inspiré de la lecture du jour (2 Co 4, 7-15). La pluie ne les a pas découragées et ne leur a pas enlevé la joie de se retrouver finalement plus nombreuses qu’elles ne le pensaient en préparant cette journée. «Je n’aurais imaginé cela!», lance Erica.

Par solidarité avec les femmes

«Nous manifestons le même jour que les femmes, par solidarité, mais sans reprendre toutes leurs revendications», assure Erica. Elle espère que leur mouvement leur dit quelque chose, «L’Eglise est dans le monde». Question salaire et conditions de travail par exemple, il n’y a rien à redire, elles en sont conscientes.

Nicole Andreetta, qui travaille à l’Agora à Genève, manifeste également contre toutes les violences faites aux femmes et le silence de l’Eglise face aux abus sexuels. «Il faut que cela change, l’Eglise a perdu sa crédibilité». Elle se dit solidaire des femmes du monde.

«En effet, reprend Cécile, l’Eglise est confrontée à de sacrés défis, elle a besoin de toutes ses ressources pour pouvoir avancer, notamment de sa partie féminine». Elle se demande comment se serait passées les affaires d’abus sexuels si des femmes avaient été en responsabilité. Sans doute, pense-t-elle comme d’autres, qu’il n’y aurait pas eu cette omerta sur ces abus sexuels et ces viols.

Etre entendues

Elles souhaitent vivement prendre la parole et être entendue. «Pas seulement que les hommes parlent des femmes mais avec les femmes», insiste une autre. «Ils ont dit qu’ils allaient réfléchir à notre demande, qu’ils y réfléchissent avec nous!».

«La société s’est construite autour du modèle masculin, reconnaît l’abbé Jean-Jacques Theurillat. Il faut du temps aux hommes pour comprendre l’évolution nécessaire en Eglise. Nous ne devons pas rester dans l’entre-soi entre hommes».

Les femmes reprennent volontiers la notion de synodalité émise par l’abbé Christophe Godel, vicaire épiscopal de l’Eglise dans le canton de Vaud. «Elle est nécessaire entre hommes et femmes pour faire avancer en Eglise».

L’une d’elle reconnaît que les choses commencent à bouger, «grâce au pape François qui dénonce le cléricalisme». Mais elle fustige la lenteur du processus. «Il n’est pas question de lâcher. Nous avons formulé des demandes claires et modestes. Nous suivrons l’évolution du mouvement». Les femmes aussi reçoivent l’Esprit-Saint, après tout. (cath.ch/bh)

Une soixantaine de femmes ont manifesté pour une participation plus active au sein de l'institution. | © B. Hallet
14 juin 2019 | 18:03
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!