Les évêques du Brésil dénoncent les «déprédations criminelles» en Amazonie

La Conférence nationale des évêques brésiliens (CNBB) a lancé un cri d’alarme devant la dévastation en cours de la forêt amazonienne, dénonçant les «incendies absurdes» et les «déprédations criminelles» qui détruisent une région «cruciale pour l’équilibre écologique de la planète».

«Il est urgent que les gouvernements des pays amazoniens, en particulier du Brésil, adoptent des mesures sérieuses pour sauver une région cruciale pour l’équilibre écologique de la planète», écrit la CNBB dans son appel «Elevez la voix pour l’Amazonie», publié dans la soirée du 23 août 2019.

Synode des évêques sur l’Amazonie

Dans leur appel urgent, les évêques brésiliens soulignent que le Synode des évêques sur l’Amazonie, convoqué par le pape François pour octobre prochain, est un signe d’espérance et une source d’indications importantes concernant le devoir de préserver la vie, à commencer par le respect de l’environnement.

Les évêques mettent le doigt sur l’intervention humaine «prolongée et erronée» dans cette région humainement et écologiquement sensible, dans laquelle prédominent la mentalité extractive (de matières premières) et la «culture du déchet», selon une expression chère au pape François.

Appel aux «gardiens de la création»

«L’Amazonie est une région riche en biodiversité, multiethnique, multiculturelle et multireligieuse, miroir de toute l’humanité qui, pour défendre la vie, exige des changements structurels et personnels de tous les êtres humains, des Etats et de l’Eglise», relèvent-ils.

En syntonie «avec l’appel prophétique du pape François, demandons à tous ceux qui occupent des postes de responsabilité dans le domaine économique, politique et social d’être les gardiens de la création», peut-on lire dans l’appel signé notamment par Dom Walmor Oliveira de Azevedo, archevêque de Belo Horizonte et président de la CNBB.

Les communautés indigènes d’Amazonie seront au centre du Synode d’octobre 2019 | © Jacques Berset

Pour une éthique écologique du développement

La région a été touchée par ce qui, selon les experts, est la plus grande vague d’incendies de forêt au Brésil en sept ans: les foyers ont augmenté de 82% entre janvier et août de cette année, par rapport à la même période de 2018. Cette situation dramatique, liée à une déforestation anarchique, doit mener à réfléchir au modèle de développement de l’Amérique latine, et en particulier du Brésil, note pour sa part Vatican News.

La répercussion internationale a conduit les chefs d’Etat et les évêques brésiliens à prendre position: une orientation éthique écologique est nécessaire en Amazonie, en plus d’une surveillance sérieuse par des organismes «qui ne peuvent en aucun cas être niés ni discrédités», a déclaré Dom Jaime Spengler, vice-président de la Conférence épiscopale brésilienne, en réaction à des déclarations agressives du président brésilien Jair Bolsonaro.

Les attaques de Jair Bolsonaro

Le président, un ancien militaire d’extrême-droite, visse les organismes en charge de la protection de l’environnement. La communauté internationale a également manifesté pour la défense de l’Amazonie, qui est actuellement soulignée dans la presse mondiale pour son urgence environnementale.

Le président français, Emmanuel Macron, a demandé une rencontre pendant la réunion du G7 qui se tient à Biarritz du 24 au 26 août 2019. L’augmentation du nombre d’incendies dans les forêts a suscité un fort écho médiatique ces dernières heures, y compris dans les médias sociaux, avec #PrayForAmazonia.

La déforestation en cause

Les informations diffusées par des internautes, mais aussi des chefs d’Etat, font référence aux images et données de l’Inpe (Institut national de recherche spatiale) qui montrent une augmentation de 82% du nombre d’incendies de forêt entre janvier et août 2019, par rapport à la même période en 2018. Le Mato Grosso est l’Etat où l’on trouve le plus grand nombre de départs de feu, liés essentiellement, selon les experts, à la déforestation.

Mgr Dimas Lara Barbosa, archevêque métropolitain de l’archidiocèse de Campo Grande, parle de la situation vécue localement, comme l’action constante des pompiers pour éteindre les incendies. La prise de conscience de ce «cercle vicieux de la pollution de l’environnement», a commenté Mgr Dimas, doit mobiliser les chrétiens dans une «véritable croisade pour la défense de la Maison commune».

Défense de la «Maison commune» et «écologie intégrale»

«C’est avec tristesse que la société brésilienne et le monde observent cet indice permanent et croissant de l’utilisation des feux comme alternative pour le nettoyage du terrain à des fins agricoles, partout au Brésil», explique l’archevêque de la capitale du Mato Grosso.

Au Brésil, les Indiens d’Amazonie sont dans le collimateur du gouvernement d’extrême-droite de Jair Bolsonaro | © Jacques Berset

Parlant à propos de la déforestation de l’Amazonie d’un cercle vicieux de pollution de l’environnement, Mgr Dimas Lara Barbosa déplore que ce drame soit encore loin de secouer la conscience même des chrétiens et des catholiques. Malgré le fait que le pape François ait dénoncé ce danger dans son encyclique Laudato si’, appelant chacun à une véritable croisade contre la pollution et pour la défense de la «Maison commune» et une «écologie intégrale».

Faire revivre Laudato si’

«Nous devons faire revivre Laudato si’ et également l’histoire de l’Eglise au Brésil, qui a déjà promu plusieurs Campagnes de Fraternité autour du thème de l’écologie. En 1979 déjà, la CNBB avait lancé une campagne intitulée «Préserver ce qui appartient à tous».

Archevêque de Porto Alegre, Dom Jaime Spengler – également signataire de l’appel des évêques brésiliens -, parle lui aussi de «crimes environnementaux». Il affirme qu’une inspection sérieuse est nécessaire, car selon les experts, le facteur qui explique le mieux l’augmentation du nombre de points chauds dans cette région est la déforestation.

«Il est vrai qu’il y a des voix qui défendent le développement de la région à travers l’exploitation du sous-sol, des forêts, l’avancement de l’agriculture… Tout cela peut certainement contribuer au développement de la région, mais à quel prix ? Il est nécessaire de trouver de nouveaux moyens de promouvoir une ‘écologie intégrale’, respectueuse de l’environnement, des peuples autochtones et de la terre elle-même !» (cath.ch/cnbb/vaticannews/be)

Les incendies de la forêt amazonienne sont des actes criminels © Daniel Beltrá / Greenpeace
25 août 2019 | 10:01
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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