Les évêques de France disent non à la Procréation Médicalement Assistée (PMA)
A l’approche de l’ouverture du débat parlementaire en vue de la révision de la loi bioéthique, l’Eglise de France dit non à la Procréation Médicalement Assistée (PMA).
Dans son document intitulé «La dignité de la procréation !», la Conférence des évêques de France (CEF) rappelle la valeur de la procréation, qui est «un acte profondément humain dont la manipulation entamerait gravement la valeur de fraternité qui fonde le pacte social en notre société».
Débat parlementaire en vue
Alors que le débat parlementaire en vue de la révision de la loi bioéthique va bientôt s’ouvrir, que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques va publier son rapport et que le Comité Consultatif National d’Ethique va donner son avis, l’Eglise de France explique son refus de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP). (*)
A l’occasion de la révision des lois relatives à la bioéthique, des projets d’accès aux techniques d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) pour des couples de femmes ou pour des femmes seules ont été formulés et mis en débat. «En tant qu’évêques de France, à l’écoute respectueuse des personnes et de leurs situations de vie, nous souhaitons apporter notre contribution à ces débats en proposant un discernement éthique», écrivent les évêques de France unanimes.
La valeur de la procréation
Dans une déclaration signée par tous les évêques de France, intitulée «La dignité de la procréation» (coédition Cerf, Bayard, Mame), l’Eglise catholique rappelle la haute valeur de la procréation.
La Conférence des évêques s’inquiète non seulement de l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes célibataires et aux couples de lesbiennes, mais réaffirme aussi que les «pratiques actuelles de l’AMP» (Assistance Médicale à la Procréation) présentent des «problèmes éthiques».
Contre la fabrication de l’être humain
Dans ce document de plus d’une centaine de pages, les évêques de France évoquent les inquiétudes de l’Eglise catholique face au projet d’extension de la PMA à toutes les femmes, que les parlementaires français examineront à partir du mois de janvier prochain dans le cadre de la révision des lois de bioéthique. L’épiscopat soulève un certain nombre de questions et dénonce un danger de marchandisation.
Donner la vie est la plus belle expérience et la plus grande responsabilité, tiennent d’abord à souligner les évêques de France. C’est, rappellent-ils, «un don et une bénédiction de Dieu». Ils reconnaissent évidemment toute la souffrance des couples en situation d’infertilité, mais en aucun cas, cette souffrance ne peut légitimer des procédés qui s’apparenteraient à «une fabrication, une marchandisation ou une instrumentalisation» d’un être humain.
L’ouverture de la PMA à toutes les femmes introduirait, selon eux, à augmenter la demande de sperme et ouvrirait la voie à la rémunération des donneurs ou à l’importation de sperme. Or la personne humaine n’est pas un produit commercialisable.
Absence de référence paternelle
Les évêques dressent une liste d’obstacles qu’ils opposent au projet du législateur. Par exemple, le double don, de spermatozoïdes et d’ovocytes, ôterait tout lien biologique entre l’enfant et ses parents. Le principe de l’anonymat du tiers donneur, garanti dans le droit français, empêcherait l’enfant d’accéder à ses origines. Les évêques soulignent la nécessité d’une «référence paternelle» et bien sûr maternelle, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Pour les évêques français, le projet de loi priorise la volonté individuelle au détriment de «la dignité de la procréation», d’où le titre de ce long document qui pose de nombreuses questions et ouvre le débat. Le document insiste sur l’accueil et le respect bienveillants dus aux enfants, «quels que soient les moyens utilisés pour leur venue au monde».
Traditions bibliques
«Donner la vie à un enfant est une expérience des plus fortes, une source d’émerveillement des plus profondes, une responsabilité des plus grandes. Les traditions bibliques les considèrent comme un don et une bénédiction de Dieu». Aussi, l’Eglise catholique se veut-elle attentive au désir d’enfant et à la souffrance due à l’infertilité. Elle encourage les recherches qui visent à prévenir cette infertilité ou à la guérir.
Mais la procréation «ne doit s’apparenter ni à une fabrication, ni à une marchandisation, ni à une instrumentalisation», puisque toute personne, quelle qu’elle soit, a une dignité, et qu’elle doit être traitée comme une fin et jamais comme un simple moyen.
La souffrance liée au désir d’enfant doit être accompagnée
«Aucune souffrance relative au désir d’enfant ne peut donc légitimer des procédés de fécondation et des modalités de grossesse qui s’apparenteraient à une fabrication, une marchandisation ou une instrumentalisation d’un être humain au service d’autres êtres humains, ou encore au service de la science ou de la société».
La souffrance liée au désir d’enfant ne peut être ni minimisée ni abordée par le seul remède de la technique, estiment les évêques. «Nous souhaitons le développement d’un accompagnement qui soit respectueux des personnes concernées, qui sache les informer loyalement pour que leurs décisions soient prises en conscience, de façon éclairée, et qui porte le souci de la dignité de la procréation».
Principaux problèmes éthiques
La loi actuelle encadre les techniques d’AMP en cherchant à calquer les structures fondamentales de la procréation naturelle, en particulier la double lignée paternelle et maternelle. «C’est tout l’intérêt du modèle bioéthique français. Cependant, la mise en œuvre de ces techniques pose des problèmes éthiques dont la gravité diffère en fonction des types de dissociation qu’elles opèrent: corporelle (fécondation hors corps), temporelle (congélation des embryons) et personnelle (intervention d’un tiers-donneur)».
Les trois principaux problèmes éthiques sont le devenir des embryons humains «surnuméraires», le recours à un tiers-donneur et le développement de l’eugénisme libéral, résultant de la conjonction de décisions individuelles et non pas d’une décision d’Etat. Ainsi le devenir des embryons humains «surnuméraires» est soumis à l’appréciation des conjoints: selon leur projet parental, ils sont implantés pour devenir des enfants, ou détruits, ou remis à la recherche, ou encore donnés pour être accueillis par un autre couple. «Pouvant tous conduire à une naissance, ces embryons sont pourtant dignes du même respect», insistent les évêques.
L’enfant privé de l’accès à ses origines
Par le recours, dans certains cas, à un tiers-donneur de gamètes, l’enfant n’est plus le fruit du lien conjugal et de la donation conjugale. Cela porte également atteinte à la filiation puisque l’enfant est référé à un tiers dont le droit institutionnalise l’absence par la règle de l’anonymat et prive ainsi l’enfant de l’accès à ses origines.
Le projet d’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules écarte dès le principe la référence biologique et sociale à un père. Pour les évêques, l’intérêt supérieur de l’enfant exige une référence paternelle. «Puisque l’enfant doit être voulu pour lui-même, le bien de l’enfant devrait prévaloir sur celui des adultes».
Droit à connaître ses origines
«La suppression juridique de la généalogie paternelle porterait atteinte au bien de l’enfant qui serait privé de sa référence à une double filiation, quelles que soient ses capacités psychiques d’adaptation (…) Le maintien du principe de l’anonymat du tiers-donneur empêcherait les enfants et les adultes en souffrance d’accéder à leur ‘origine masculine’», alors même que la légitimité d’un droit à connaître ses origines progresse dans la société. En minimisant ainsi l’intérêt des enfants, voire en l’occultant, un pouvoir injuste serait exercé sur eux».
Enfin, l’ouverture de l’AMP aux femmes seules impliquerait, selon le principe de non-discrimination, l’autorisation de l’AMP post-mortem au profit d’une femme seule en raison du décès de son conjoint. «Est-ce l’intérêt de l’enfant d’être engendré orphelin de père et dans un tel contexte de deuil ?»
Transformation de la mission de la médecine
La légalisation de l’»AMP pour toutes les femmes» contribuerait, de l’avis des évêques, à transformer le rôle de la médecine en y intégrant la prise en compte des demandes sociétales. «Comment établir les priorités de soin et de son financement si le critère n’est plus celui de la pathologie médicale ? Sans ce critère objectif, comment fonder la justice relative à la solidarité et à l’égalité de tous devant le soin ? Comment réguler les désirs insatisfaits qui convoqueront la médecine ? Comment évoluera la relation au médecin qui risquera de devenir un prestataire de service ?», se demandent-ils.
L’impossible justification par le seul argument de l’égalité
Le seul argument de l’égalité pour justifier la légalisation de l’»AMP pour toutes les femmes» est utilisé à tort, car l’égalité juridique ne se justifie que pour des situations semblables. «Or l’infertilité du couple homme-femme est une situation non identique à celle d’un couple de femmes dont la relation ne peut être féconde». Si l’argument d’égalité est brandi au bénéfice des femmes, alors l’ouverture de l’»AMP pour toutes les femmes» conduira à la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), même si celle-ci fait l’objet, pour l’instant, d’une large réprobation éthique, constatent-ils.
Par égard pour la dignité des personnes et de la procréation, concluent les évêques, «le droit ne peut pas contribuer à la marchandisation et à l’instrumentalisation de la procréation. Cela serait gravement contraire aux valeurs essentielles pour la vie de l’humanité et pour les relations tissées entre les êtres humains: la dignité, la liberté, l’égalité, l’hospitalité et la fraternité». (cath.ch/cef/be)
(*) L’AMP a légalement pour objet de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple. Elle est ouverte aux couples hétérosexuels si et seulement si l’homme et la femme formant le couple sont en âge de procréer (article L2141-2 du Code de la santé publique). http://www.ipolitique.fr/archive/2013/02/02/amp-pma-gpa.html