Romandie: La presse n’est pas qu’une affaire de professionnels!
Les équipes de Paroisses Vivantes sont composées à plus de 90% de bénévoles
St-Maurice, 13 mai 2011 (Apic) La presse, une affaire de professionnels? Pourtant, dans l’Eglise catholique, une entreprise médiatique tourne avec des équipes locales composées à plus de 90% de bénévoles: les bulletins paroissiaux. A l’occasion de l’Année du bénévolat et du Dimanche des médias, fixé au 5 juin, l’Apic s’est penchée sur ces centaines de milliers de bulletins qui sont édités chaque année dans les paroisses de Suisse.
Dominique-Anne Puenzieux, directrice générale de St-Augustin SA, exerce également la fonction de rédactrice en chef de Paroisses Vivantes. Journaliste de formation, elle a travaillé chez Edipresse au journal Le Matin avant de rejoindre St-Augustin à St-Maurice, en 1997.
Un de ses principales activités consiste à accompagner et former ces centaines de bénévoles qui oeuvrent dans les paroisses et unités pastorales de Suisse romande pour éditer leur propre «Paroisses Vivantes».
Apic: Que représente «Paroisses Vivantes» au niveau de ses éditions et de ses tirages?
Dominique-Anne Puenzieux: Cela représente 54 éditions différentes, sous trois formats: B5, A4 avec dossier romand complet et A4 mais avec seulement 2 pages romandes. Les tirages vont de 140 à 21’000 exemplaires (Grand-Fribourg), de 4 à 11 fois par an. Nous assurons la coordination et la mise en page, puis l’impression est confiée à différentes imprimeries.
Les bulletins en allemand «Pfarrblatt» sont également édités par nous, sous la responsabilité de Sr Catherine Jerusalem. Ils comptent 70 éditions différentes, toutes de format B5, tirées 10 ou 11 fois par an. On les trouve dans le Haut-Valais, dans la partie alémanique du canton de Fribourg et dans certaines régions à Schwyz et dans les Grisons. Les autres cantons ou régions de Suisse allemande ont leur propre bulletin, sous diverses formes.
Apic: Quelle est la part de travail bénévole dans les bulletins paroissiaux?
DAP: Les équipes de rédaction paroissiales et régionales sont composées entre 90 et 95% de bénévoles, complétées parfois par des prêtres, assistants pastoraux et secrétaires de cures. Nous ne connaissons qu’une ou deux situations où la fonction de responsable de rédaction fait l’objet d’une rémunération ou d’un défraiement.
Apic: Au total, combien de bénévoles oeuvrent pour Paroisses Vivantes en Suisse romande?
DAP: C’est difficile à évaluer. En tous cas plus de 700, car la rédaction romande de Paroisses Vivantes fait parvenir ses documents de travail (agenda, …) à 760 adresses, qui correspondent à des personnes qui collaborent avec Paroisses Vivantes dans leurs paroisses.
En Suisse alémanique on compte environ 200 bénévoles, car c’est davantage le curé et la secrétaire de cure qui travaillent pour les bulletins paroissiaux.
Apic: Qui sont ces bénévoles engagés dans Paroisses Vivantes?
DAP: La plupart exercent cette fonction en plus d’une autre activité dans l’Eglise. Ce sont des personnes sensibles à l’image, à l’écriture, et engagées dans leurs communautés locales. Ces bénévoles sont de vrais acteurs de la vie paroissiale.
Apic: Assistez-vous à une tendance à la professionnalisation dans les paroisses?
DAP: Pas du tout. Depuis 1998 avec la formation des Unités pastorales dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, la mise en place des équipes de rédaction dans les régions suscite encore davantage l’engagement de bénévoles.
Il s’agit d’une activité importante, surtout pour les responsables des équipes. J’ai même entendu dire que certains coordinateurs de bulletins prenaient leurs vacances en fonction des délais rédactionnels de Paroisses Vivantes!
Apic: Les articles régionaux de Paroisses Vivantes sont donc rédigés par des bénévoles, et qu’en est-il de leur qualité?
DAP: Les contenus sont bons, et vont en s’améliorant avec les années. L’équipe romande aide cependant dans les titres, l’écriture des chapeaux, le choix de photos. Je suis pour ma part impressionnée par cette richesse d’engagement et la qualité des contributions, la variété des thèmes et des types de textes.
Apic: Parfois des articles ne respectent pas les principes journalistiques de base, comme dans les interviews.
DAP: C’est vrai, mais l’équipe de rédaction romande n’intervient pas face à ces petites entorses au style journalistique. Paroisses Vivantes reste un bulletin fait par des bénévoles.
Des équipes de rédaction en fonction des Unités pastorales
Apic: Le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg a connu un vaste mouvement de regroupement de paroisses en Unités pastorales (UP). Paroisses Vivantes a-t-il suivi ce mouvement?
DAP: Oui, et il a même précédé le mouvement! Déjà avant la formation systématique des Unités pastorales, l’équipe romande de Paroisses Vivantes avait rencontré les paroisses afin de prendre en compte leurs efforts de synergie et de mettre en place des nouvelles équipes de rédaction.
Ces équipes ont donc ont été formées, afin que toutes les paroisses soient représentées dans les nouveaux bulletins régionaux. Durant cette période, j’ai rencontré les équipes rédactionnelles, souvent le soir ou le samedi matin, pour des séances de discussion et de formation. Il fallait compter 3 ou 4 séances de 2 heures pour lancer une nouvelle équipe de rédaction et un nouveau journal. Ces séances et ces contacts ont été précieux pour moi. J’ai pu ainsi tenir compte des réalités locales pour m’en inspirer dans les pages romandes.
J’ai même rencontré plusieurs fois le vicaire général Rémy Berchier, qui a été la cheville ouvrière de la restructuration du diocèse, afin que les bulletins paroissiaux puissent contribuer à la formation des UP.
Apic: Et comment s’est passée la mise en place de ces équipes de rédaction, formées à grande majorité de bénévoles?
DAP: Très bien. Nous avons trouvé dans les paroisses beaucoup de bonne volonté afin que les bulletins correspondent à la formation des UP. Mais le côté fragile des équipes de rédaction réside dans les nombreux changements, du fait que l’on a affaire à des non professionnels. Un autre défi a été de mettre d’accord des gens vivant dans des paroisses différentes avec diverses réalités.
Il faut savoir que sous la dénomination «Paroisses Vivantes», on trouve en réalité des bulletins très différents d’une région à l’autre.
On a aussi senti à travers les bulletins paroissiaux les diverses réactions face à la mise en place des UP: de la résistance, de la résignation, mais aussi un certain enthousiasme face aux nouveaux défis. J’ai enfin perçu un autre phénomène paradoxal: la mise en place des UP a augmenté l’aspiration des paroisses à disposer également de leurs propres pages, afin qu’elles ne perdent pas leur identité.
Apic: Comment fonctionne la collaboration entre la rédaction romande et les équipes dans les paroisses et UP?
DAP: Le travail avec les équipes de rédactions fonctionne super bien. La rédaction romande cherche à les accompagner dans leurs réflexions, leur formation, à les former aux bases du journalisme. Elle leur propose des maquettes, des modèles, … Pour dire simplement: les équipes de rédaction rédigent les articles, et St-Augustin s’occupe de la mise en page. Mais il arrive aussi que des équipes de rédaction ou des coordinateurs fassent déjà un important travail de mise en page ou d’illustration.
Il arrive parfois qu’il y ait un problème particulier dans la vie d’une paroisse et que cela se remarque à travers un article. Un auteur, par exemple un prêtre ou un laïc en partance, exprime sa rancœur à travers un texte. Les correctrices de St-Augustin le signalent à l’équipe de rédaction romande, laquelle prend contact avec les responsables de la paroisse concernée pour savoir si l’article peut passer tel quel. Mais cela est arrivé très rarement.
Apic: Quelle ligne rédactionnelle se donne Paroisses Vivantes?
DAP: Le principal défi de l’équipe romande est de montrer la richesse de la réalité très diverse de l’Eglise catholique en Suisse romande. Certains estiment que les articles sont trop consensuels. Le but de l’équipe romande n’est effectivement pas de provoquer. Et les textes doivent convenir à toutes les régions de la Romandie.
Mais si l’Eglise catholique vit des problèmes qui ne peuvent décemment pas être ignorés, comme les affaires de pédophilie, alors Paroisses Vivantes en parle. Mais sans polémiquer, ni prendre position. Il n’y a pas de sujets tabous, mais il y a des sujets plus faciles ou plus difficiles à aborder. Paroisses Vivantes cherche à être le reflet de la vie de l’Eglise, dans toute sa diversité. On parle de tout, mais avec un regard chrétien.
Ce n’est d’ailleurs pas à Paroisses Vivantes de prendre position sur la politique pastorale de l’Eglise en Suisse romande.
Encadré:
Afin d’assurer une activité journalistique de qualité, St-Augustin propose plusieurs fois dans l’année aux rédacteurs paroissiaux deux types de cours d’une matinée:
– Cours photo et traitement d’images
– Accompagnement journalistique (à St-Maurice ou dans une région)
De plus, une journée de la presse paroissiale rassemble chaque année environ 60 participants, qui viennent un samedi entier pour se former, s’informer et partager leurs expériences.
Des photos illustrant ce dossier peuvent être commandées à apic@kipa-apic.ch (apic/bb)