Les Eglises demandent l'abrogation de la loi discriminatoire «Israël Etat-nation du peuple juif»

Les chefs des différentes Eglises catholiques de Terre Sainte demandent instamment l’abrogation de la loi «Israël Etat-nation du peuple juif», adoptée par la Knesset, le parlement israélien, avec le soutien du Premier ministre Benjamin Netanyahou, le 19 juillet 2018. Ils relèvent que cette loi discrimine les citoyens israéliens non juifs.

«Dans un esprit de dialogue», l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS) souhaite aborder le problème de cette loi sur l’Etat-nation, estimant qu’en l’adoptant la Knesset montre que le «bien-être et la sécurité» qu’elle veut promouvoir et protéger «se limite aux citoyens juifs de l’Etat d’Israël».

Les responsables religieux catholiques désirent attirer l’attention des autorités sur un fait indéniable: «Nos fidèles, les chrétiens, nos concitoyens musulmans, druzes et bahaïs, nous tous qui sommes arabes, ne sommes pas moins citoyens de ce pays que nos frères et sœurs juifs».

Un Etat qui se voudrait à la fois «juif» et «démocratique»

Depuis la promulgation de la Déclaration d’indépendance en mai 1948, les citoyens arabes de l’Etat d’Israël ont noté la tension qui existe dans le libellé de la déclaration selon lequel l’Etat est à la fois «juif» et «démocratique».

Alors que l’équilibre en constante évolution entre ces deux termes a été élaboré principalement par la majorité juive, écrit Mgr Georges Bacouni, archevêque grec-melkite catholique d’Acre et président de l’AOCTS, «la minorité arabe a lutté contre toutes les manifestations de discrimination chaque fois que l’élément ‘juif’ a déséquilibré l’élément ‘démocratique’. Cela s’est traduit par une lutte permanente et une vigilance soutenue pour protéger les droits de tous les citoyens, afin de garantir autant que possible les valeurs d’égalité, de justice et de démocratie».

Un recul des valeurs fondamentales

La promulgation par la Knesset, en 1992, de la «Loi fondamentale sur la dignité humaine et la libertéa été une étape importante dans la lutte pour la protection et la promotion de ces valeurs, lit-on dans la déclaration des leaders religieux catholiques.

«Toutefois, la promulgation par la Knesset, en 2018, de la «Loi fondamentale: Israël, Etat-nation du peuple juif«, porte atteinte à ces valeurs. Bien que la loi change très peu dans la pratique, elle fournit une base constitutionnelle et légale à la discrimination entre citoyens israéliens, énonçant clairement les principes selon lesquels les citoyens juifs doivent être privilégiés par rapport aux autres citoyens».

Les citoyens juifs privilégiés par rapport aux autres citoyens

Les patriarches émérites, les archevêques, les vicaires patriarcaux, la Commission épiscopale Justice & Paix, le Comité des Religieux en Terre Sainte et l’Union des Supérieures religieuses de Terre Sainte, dénoncent à l’unisson l’encouragement de la colonisation juive des territoires palestiniens occupés.

Aussi bien les Palestiniens que les Israéliens considèrent Jérusalem comme leur capitale (Photo:Dan/Flickr/CC BY-SA 2.0)

«En promulguant que ‘le développement de la colonisation juive en tant que valeur nationale’ et [en voulant] encourager et promouvoir son établissement et sa consolidation’, la loi promeut une vision discriminatoire inhérente».

La position de la langue arabe est dégradée

Les responsables religieux remarquent que, outre le fait de dégrader sérieusement la position de la langue arabe par rapport à la langue hébraïque, ne lui accordant qu’un «statut spécial» alors que l’hébreu devient la seule langue officielle d’Israël, «la loi ignore totalement le fait qu’il existe un autre peuple, les Arabes palestiniens et d’autres grandes communautés religieuses, les chrétiens et les musulmans, ainsi que les druzes et les bahaïs, profondément enracinés dans ce pays».

«Les chrétiens, les musulmans, les druzes, les bahaïs et les juifs exigent d’être traités comme des citoyens égaux. Cette égalité doit inclure la reconnaissance respectueuse de nos identités civique (israélienne), ethnique (arabe palestinienne) et religieuse (chrétienne), en tant qu’individus et en tant que communautés. En tant qu’Israéliens et en tant qu’Arabes palestiniens, nous cherchons à faire partie d’un Etat qui promeut la justice et la paix, la sécurité et la prospérité pour tous ses citoyens. En tant que chrétiens, nous sommes fiers que l’Eglise universelle ait été fondée à Jérusalem et que ses premiers fidèles soient des enfants de ce pays et de son peuple».

Une loi qui contredit les codes humanistes

Pour les signataires, «Jérusalem et l’ensemble de cette Terre sainte constituent un patrimoine que nous partageons avec les juifs et les musulmans, les druzes et les bahaïs, un patrimoine que nous sommes appelés à protéger de la division et des conflits internes».

«Cette loi fondamentale contredit les codes humanistes et démocratiques identifiables de la législation israélienne, ainsi que les lois et conventions internationales dont Israël est signataire, dans le but de promouvoir les droits de l’homme, le respect de la diversité et le renforcement de la justice, de l’égalité et de la paix. En tant que chefs religieux des Eglises catholiques, nous appelons les autorités à abroger cette loi fondamentale et à assurer à tous que l’Etat d’Israël cherche à promouvoir et à protéger le bien-être et la sécurité de tous ses citoyens». (cath.ch/plj/be)

Mgr Georges Bacouni, archevêque grec-catholique melkite d’Acre et président de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte | © Jacques Berset
5 novembre 2018 | 12:12
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 3  min.
AOCTS (2), Georges Bacouni (2), Israël (237), Jérusalem (172), Terre Sainte (187)
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