Annecy: 18e Journées d’Etudes François de Sales – Election du pape François et débat sur le «mariage pour tous» au menu des «communicants» catholiques
Les deux «tsunamis» qui ont balayé le paysage médiatique français en 2013
Annecy, 25 janvier 2014 (Apic) L’élection surprise du pape François et le vif débat sur le «mariage pour tous», toujours en cours en France, ont tous deux été qualifiés de «tsunamis» qui ont balayé le paysage médiatique français en 2013. Ces deux thèmes ont été abondamment commentés aux 18e Journées d’Etudes François de Sales 2014 tenues à Annecy les 23 et 24 janvier.
Ces journées de réflexion ont rassemblé près de 200 journalistes, responsables éditoriaux et «communicants» catholiques, essentiellement français, rejoints par une vingtaine de leurs collègues venant de Suisse, du Québec, de l’Italie et du Vatican. Les participants ont planché durant deux jours sur le thème: «Nos médias bousculés par l’actualité». En introduction, Jean-Marie Montel, directeur du secteur «Société, famille, spiritualité» du Groupe Bayard, et président de la toute nouvelle Fédération des Médias Catholiques (FMC), a relevé que ces Journées d’Etudes étaient un des derniers endroits où la presse française discutait encore des problèmes de fond et des valeurs.
Grand reporter à «La Croix», Frédéric Mounier, cheville ouvrière de l’édition 2014, a été de 2009 à 2013 envoyé spécial permanent de ce journal à Rome. D’emblée, le journaliste a souligné que, revenu en France, il a connu un vrai «retour sur terre», dans un pays profondément laïc et sécularisé, dépressif, méfiant et inquiet. Avec l’arrivée du pape François, cependant, il semble bien que l’Eglise bouge, et dans le bon sens ! Il en témoigne dans son prochain livre, «Un printemps romain», qui sort aux «Editions Bayard» le 27 février.
Le pape François, «un grand communicant» ?
Consultant en communication pour la Secrétairerie d’Etat au Vatican depuis juin 2012, Gregory «Greg» Burke était l’une des personnalités phares des Journées François de Sales. Agé de 53 ans, ce laïc consacré («numéraire») de l’Opus Dei, natif de Saint-Louis, dans le Missouri, a été correspondant au Vatican pendant onze ans de la très conservatrice chaîne de télévision américaine Fox News, après avoir travaillé durant sept ans comme correspondant en Italie de Time Magazine. Surnommé par la presse britannique «le génie» ou encore le «gourou » des relations publiques, l’Américain, avec humour et dans un français hésitant que ce francophile avoué aimerait bien avoir le temps d’améliorer, a brillamment démontré que le pape François était un «grand communicant».
Dire de quelqu’un qu’il est un «grand communicant», a-t–il souligné, c’est un peu comme l’appeler un «grand acteur», ce qu’a été effectivement un président américain comme Ronald Reagan. Mais au fond, a-t-il ajouté, le problème de ce label est qu’il suggère une sorte de vêtement vide. «Comme un beau costume, fait sur mesure à Milan ou à Londres, mais avec beaucoup de questions sur ce qu’il contient vraiment, si tant est qu’il contienne vraiment quelqu’un ou quelque chose…»
Comparé aux présidents américains, qui disposent d’une véritable armée de spécialistes les mettant en scène, au Vatican, il n’y a rien de tel pour dire comment réussir la bonne image, placer les gens sur scène ou travailler la lumière. «Nous avons quelque chose de mieux. Avec la pape François, nous avons un homme d’une grande intériorité (…) Un homme qui non seulement a lu l’Evangile, mais qui en fait le cœur de son existence». Certes, le pape François n’a pas étudié les techniques de communication les plus sophistiquées, «mais c’est quelqu’un qui a étudié la vie du Christ».
Le secret du pape François, la prière
Et Greg Burke de souligner ce qui tient une place centrale dans la vie du pape François: les heures passées en prière, en méditation sur les Ecritures. «C’est cela qui lui permet ensuite, le moment venu, de s’adresser aux fidèles et au reste du monde». Le journaliste américain estime que, dans un certain sens, le pape n’est pas un grand communicant, mais «juste un homme de Dieu avec une très forte vie intérieure. Son secret, c’est le silence. Le véritable moteur de l’effet François, c’est ce que nous ne voyons pas !».
Dans une autre sens, le pape François sait effectivement très bien communiquer: «Il tweete presque chaque jour, et il a été désigné comme le leader mondial le plus influent dans cet univers, non pas tant en raison du nombre de ses followers (bien en dessous de ceux d’Obama ou de certaines vedettes) mais en raison de ses nombreux ›retweets’». Autrefois, les gens étaient catéchisés à travers l’art et les vitraux, tandis qu’aujourd’hui, beaucoup reçoivent l’Evangile à travers des petites vidéos et des images sur internet.
Le secret, c’est aussi le message !
Certes, admet le spécialiste américain, Twitter et les autres médias sociaux ne sont pas les seules causes de l’efficacité de la communication du pape, mais ils contribuent certainement à diffuser le message plus rapidement. «Il y a 15 ou 20 ans, vous n’auriez pu voir ces images étonnantes du pape à Copacabana que si vous étiez assis à la maison devant un écran de télévision. Maintenant vous les voyez en temps réel sur l’écran de votre téléphone. Plus la peine d’attendre la parution du quotidien papier le lendemain pour voir les photos. Elles sont sur votre téléphone quelques secondes après avoir été prises».
Il reconnaît cependant qu’il ne s’agit là que de moyens. «Et les moyens ne sont pas le secret d’une bonne communication. Le secret, c’est le message (…) Le pape François est un passionné de l’Evangile. Sa mission est de partager ce message de l’amour et de la miséricorde de Dieu». Et de souligner qu’aujourd’hui plus que jamais, le monde a faim et soif de nourriture spirituelle.
Les images les plus frappantes du pape n’ont pas été préparées
Pas plus que Benoît XVI, le pape François est un pape des réseaux sociaux, mais il comprend leur potentiel, et en use avec spontanéité et naturel. «Lorsqu’il lit la plupart de ses discours et homélies, ce qu’en retiennent les médias, ce sont ses gestes et ses remarques spontanés. Ils sont vrais, naturels, partent du cœur… et atteignent ainsi leur but». D’autant plus que les images les plus frappantes du pape n’ont pas été préparées. «Le pape payant sa note au lendemain de l’élection a fait le tour du monde, manifestant à tous que la prêtrise est un service, pas un privilège !» Et le «gourou» des relations publiques du Vatican de conclure que «l’effet François fonctionne parce que le pape est crédible. Ces actions sont celles d’une personne profondément nourrie par l’Evangile !»
Les «Twitthomélies» de Mgr Giraud, invitation à goûter la Parole de Dieu sur Twitter
Premier évêque français à avoir pleinement investi les médias sociaux pour toucher de nouveaux publics, Mgr Hervé Giraud poste chaque jour sur son compte Twitter sa méditation quotidienne en 140 caractères. Et cela depuis le 27 janvier 2011.
L’évêque de Soissons a désormais plus de 5’000 abonnés à son compte (@mgrgiraud) sur Twitter, dans 40 pays, et déjà quelque 1’200 «twitthomélies» (#twittomelie) à son actif. Il vient de les publier aux éditions «Parole et Silence».
A Annecy, l’évêque de Soissons, Laon et Saint Quentin, par ailleurs président du Conseil pour la Communication de la Conférence des évêques de France, a expliqué sa démarche. Il avait pris l’habitude d’écrire de brèves homélies sur sa page du site internet diocésain. Lors d’une conférence en 2011, un «geek» lui a fait comprendre que ces petites homélies étaient comme des «tweets», l’encourageant vivement à les «tweeter». Le soir même, il s’est inscrit sur Twitter (@mgrgiraud). Et depuis, il n’a jamais cessé de poster sa «#twittomelie», «sans savoir où cela me conduirait vraiment»
Annoncer l’Evangile dans l’espace numérique
Tweeter a obligé l’évêque de Soissons à adopter une posture et à une déontologie précises, en restant dans son ministère de simple évêque tout en utilisant au mieux ce genre de média, dont il admet qu’il peut être chronophage. Il évite de rester dans la «cathobulle», et ses visites pastorales lui permettent de ne pas oublier la réalité du département de l’Aisne.
«Je n’ai pas voulu tweeter directement et immédiatement sur des sujets d’actualité, ceci pour élever le débat par la Parole de Dieu (…) Si je m’en suis tenu à l’Evangile commenté, c’est effectivement parce que ma première mission d’évêque est d’annoncer la Parole de Dieu et de l’expliquer. Il m’a donc semblé conforme à cette mission prophétique d’envoyer par ce média des messages évangéliques. A nous, chrétiens, Benoît XVI demandait d’avoir ›l’audace d’habiter ces nouveaux aréopages’. Comme évêque, je me devais de donner un exemple de ce qui peut se faire et ce sentier me semblait bien tracé afin d’annoncer l’Evangile dans l’espace numérique».
L’évêque de Soissons n’a pas voulu envahir le réseau de versets bibliques plus ou moins adaptés à l’actualité. «J’ai souhaité m’en tenir à une goutte, ou à une miette d’Evangile: mieux vaut rafraîchir qu’inonder, même bibliquement !» Et surtout, en prenant uniquement les Ecritures comme base, il adoptait d’emblée une posture œcuménique, ce qui lui a permis de partager sur Twitter avec de nombreux protestants.
Evêque-frère-twitto
«Tweeter a élargi la dimension universelle de mon ministère épiscopal prophétique», affirme Mgr Giraud. Cela correspond pour lui à un choix missionnaire, car «l’évêque doit être ›le premier annonciateur de l’Evangile par la parole et par le témoignage de sa vie’».
D’autres prêtres utilisent les twitthomélies de «MgrTwitter» ou du «twittévêque», comme d’aucuns le surnomment. Le hashtag «#twittomelie» a été récupéré par des twittos italiens, des religieux français ou des fidèles qui se sont mis à commenter la Parole de Dieu sur Twitter.
«Je suis devenu un évêque-frère-twitto dans ce réseau, tout en restant évêque-père dans mon diocèse, sans confusion ni concurrence (…) Certes, j’ai continué à exercer mon ministère d’enseignement par la catéchèse, les contacts directs, mais la pratique du monde numérique a élargi ma vision. (…) Twitter m’oblige à ne pas raisonner uniquement en termes de diocèse, mais de ›mission universelle, élargissant l’espace de ma tente diocésaine et universalisant mon ministère épiscopal».
L’évêque de Soissons y voit également un moyen d’entrer en contact avec des non-croyants qui, eux-aussi, lui ont envoyé des messages encourageants: «Je ne partage pas vos convictions mais c’est joliment dit; le message est universel et a une portée en dehors du religieux».
En habitant ce «sixième continent», où la communication est d’abord affaire d’horizontalité – en toile ou réseau, où tout ne passe pas par l’évêque – il veut signifier que «Dieu habite aussi cet espace nouveau, qu’Il aime ceux qui l’habitent».
Face aux défis éthiques et anthropologiques
Le thème de ces Journées, portant sur «Nos médias bousculés par l’actualité», a également permis d’intéressantes confrontations sur le thème du «mariage pour tous» – la loi Taubira du 17 mai 2013 ayant ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe, suscitant le grand mouvement de la «Manif Pour Tous». Les réponses à donner aux défis éthiques et anthropologiques concernant les grandes questions du sens de l’existence, dans une société française pluraliste et sécularisée, où les catholiques sont devenus depuis longtemps minoritaires, ne sont pas univoques et les clivages subsistent également parmi les catholiques. Les apports et les discussions lors des Journées d’Annecy l’ont bien montré.