Les colonnes du Bernin, tout un symbole
Alors que la basilique Saint-Pierre est consacrée depuis 1626 et qu’un certain nombre de papes et artistes se sont succédés, c’est en 1658 que le Bernin s’attelle à ce gigantesque projet qui sera un de ses plus grands chefs-d’œuvre.
«Grand ordonnateur des arts», Gian Lorenzo Bernini est chargé par le pape Alexandre VII (1655-1667) d’aménager le parvis de la basilique Saint-Pierre en 1656, afin de le rendre plus accueillant et de le mettre en valeur. Le pape Alexandre VII, grand amateur d’art, apprécie particulièrement les qualités de l’urbaniste et s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs en continuant les travaux d’amélioration du siège de l’Eglise catholique. Avant les travaux, la place peu aménagée était moins habillée et organisée qu’aujourd’hui. Elle reflétait mal l’aura que souhaitait avoir le Saint-Siège vis-à-vis des hommes et du monde.
Ami du pontife et homme de talent, comme il avait pu le prouver jusqu’alors par ses interventions dans la rénovation de la basilique Saint-Pierre, le Bernin se met à l’œuvre. Le projet de l’urbaniste est tracé : il souhaite faire de la place Saint-Pierre un élément symbolique du pouvoir de la papauté, pur, structuré, mais aussi accueillant.
Cependant, les contraintes imposées au Bernin sont nombreuses : l’artiste doit non seulement respecter les désirs du pape issu de la famille italienne des Chigi, mais également faire en sorte que la basilique soit bien mise en valeur, au centre du projet architectural. Aussi, l’urbaniste doit garder en tête que le lieu doit accueillir beaucoup de monde. Ces éléments sont d’autant plus importants qu’ils vont être significatifs du rayonnement et de l’importance de la papauté.
Le prodige du Bernin est tel qu’il parvient à allier ces nécessités avec celle de faire de ses chefs-d’œuvre architecturaux de véritables décors théâtraux. Il mêle structures imposantes et petits détails afin d’accentuer tant la perspective que la dimension de surprise dont elle découle.
À bras ouverts
Les plans de la future place Saint-Pierre sont révélateurs de l’immensité du projet porté par le Bernin: l’espace sera suffisamment large pour accueillir une grande foule de fidèles, de même que la taille de l’édifice sera imposante. Mais l’idée qui séduit l’urbaniste est celle de former un corps dont la tête serait la coupole de la basilique, et les bras deux arcades de part et d’autre de celle-ci. Le Bernin construit ainsi la place sous forme d’ellipse et l’entoure de deux immenses ensembles de colonnes, permettant à la basilique Saint-Pierre d’augmenter la hauteur de sa façade.
Cette place, expliquait-t-il alors, a pour rôle d’accueillir et de mener les fidèles jusqu’à la basilique. Elle est également symbolique de la gloire de Dieu et de sa domination sur le monde, donnant l’impression que l’édifice religieux consacré au premier pape est volontairement surélevé par rapport au niveau du sol de l’esplanade.
Les colonnades du Bernin, en forme d’hémisphères et placées de part et d’autre de l’ellipse, sont réalisées en travertin. Loin d’être encombrant grâce à son raffinement et à la pureté de sa pierre, l’édifice mis en valeur par ses 284 colonnes entoure une place de 340 mètres de long, sur 240 mètres de large.
Spectaculairement spacieuse, l’esplanade permet également de faire perdurer le génie du Bernin. En effet, deux dalles de chaque côté de l’obélisque marquent l’endroit où l’illusion d’optique est la plus parfaite: les quatre rangées de colonnes doriques se superposent et se confondent pour n’en faire apparaître qu’une seule. Les nombreux points de fuites et perspectives forment un ensemble particulièrement majestueux.
Un lieu doublement saint
En plus d’être un chef-d’œuvre architectural, la place Saint-Pierre est également un lieu chargé d’histoire et de symboles. Ici encore, le génie du Bernin transparaît à travers les statues de saints juchées en haut du double portique, de même que par la forme de la place et sa signification.
L’architecte et sculpteur italien, dont le goût pour les scénographies animées et les compositions monumentales est prononcé, accompagne les deux hémisphères de la place Saint-Pierre de 140 statues de saints. Cette foule d’apôtres, protecteurs et martyrs semblent être réunis et invoqués pour protéger et accueillir les fidèles entrant sur la place. On peut également y voir une retranscription fidèle du Symbole des Apôtres et de la communion des saints, qui intercèdent auprès de Dieu en faveur des hommes.
Au-delà du point de vue chrétien, le Bernin parvient à donner une impression de mouvement à chacune des statues, grâce au drapé ou à la position particulière de chacun des personnages d’une hauteur de trois mètres. Le mouvement baroque, très prisé par l’artiste, réussit à être observé, malgré les 20 mètres qui séparent les statues du sol.
La sainteté du lieu se mesure également par son emplacement et la création d’une place en forme d’ellipse. Il faut remonter au Ier siècle après Jésus-Christ pour en effet comprendre les origines de la place Saint-Pierre. Au temps de la persécution des chrétiens, l’empereur romain Néron (54-68) faisait subir toutes sortes de tortures dans certains cirques de Rome à ceux qui reniaient le culte romain. Le cirque où eut lieu le martyre de saint Pierre se trouve à l’endroit même où le Bernin a aménagé la place et ses colonnades.
La place Saint-Pierre reprend ainsi la forme elliptique de l’ancien cirque construit au pied de la colline du Vatican, et constitue par ailleurs le parvis de la basilique des papes, abritant le tombeau de l’apôtre Pierre. A noter que de nombreux travaux ont vu le jour à partir de l’empereur Constantin (310-337) converti au christianisme, qui déplaça la colline afin d’ériger un début de basilique au dessus de la tombe de saint Pierre.
Les chantiers de la place Saint-Pierre dirigés par le Bernin s’achèvent à la mort du pape Alexandre VII, empêchant l’architecte de continuer les projets d’extension qu’il avait prévu ensuite.
Aujourd’hui connue dans le monde entier, la place Saint-Pierre accueille des millions de visiteurs par an, tout en étant symbolique du lien entre le pape et les fidèles. Grâce à elle, le pontife opère la jonction entre Dieu et les hommes lors des rendez-vous tel que les bénédictions Urbi et Orbi, les audiences, et les messes. Récemment, une bénédiction Urbi et Orbi a eu lieu pour demander au Seigneur de mettre fin à l’épidémie de Covid-19 mettant en scène le pape François seul sur une place Saint-Pierre totalement vide. Un événement historique qui ancre un peu plus la papauté et la place Saint-Pierre dans l’histoire et consacre un peu plus la majesté des colonnes du Bernin. (cath.ch/imedia/sw/rz)
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