Les chrétiens d’Irak doivent être protégés, soutient le cardinal Sandri
Erbil, 6 mai 2015 (Apic) Envoyé par le pape François à la rencontre des chrétiens d’Irak, le préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales a fait étape à Bagdad puis au Kurdistan irakien du 1er au 5 mai 2015. Le cardinal Leonardo Sandri y a rencontré à plusieurs reprises des familles de chrétiens déplacés. Dans une interview à paraître dans Famille Chrétienne daté du 9 mai, il souhaite que les chrétiens d’Irak puissent retrouver les villes et les villages dont ils ont été chassés par Daech, assurant qu’alors «ils devront être protégés». Le cardinal Leonardo Sandri confie aussi que le pape François «a réellement envie de venir dans ce pays qui souffre «.
Q.: A Bagdad, vous avez rencontré le président de la République et le premier ministre. Qu’envisagent-ils pour permettre aux chrétiens déplacés de retrouver leurs maisons ?
Cardinal Sandri: Bien sûr, ils ne m’ont pas donné de solution. Mais le premier ministre me l’a affirmé : «L’Irak sans chrétiens n’est pas l’Irak». Ils m’ont promis de faire le maximum afin que ces chrétiens ne disparaissent pas.
Q.: Que retenez-vous d’abord de cette première étape de votre voyage en Irak ?
Cardinal Sandri: La visite de lieux de solidarité et d’amour : les services sociaux de la mosquée sunnite auxquels participe aussi la Caritas, un centre médical de la Caritas avec des services pour les mamans, une maison d’accueil pour les personnes âgées gérée par les syro-catholiques et qui mérite qu’on la soutienne. La lumière la plus brillante de la vie des chrétiens ici est leur service de la charité, quelle que soit la religion de ceux qui sont assistés.
Q.: Vous avez aussi visité le Musée national de Bagdad, rouvert depuis peu…
Cardinal Sandri: Nous avons assisté à une destruction sauvage des biens culturels de l’Irak par Daech. Je n’ai pas les preuves de ces destructions, mais cela a été fait avec une forme médiatique tellement offensive, avec un tel acharnement ! Les nombreuses pièces du musée témoignent de la civilisation de cette région, elles ont une immense signification pour notre histoire, celle de l’islam mais surtout celle de notre culture judéo-chrétienne.
Q.: Une attaque des forces armées irakiennes serait en préparation pour détruire les positions de Daech et libérer la plaine de Ninive. La solution est-elle militaire ou diplomatique à vos yeux ?
Cardinal Sandri: Il ne faut jamais écarter les moyens diplomatiques, et au contraire les encourager. Mais il ne semble n’y avoir aucun contact autre que militaire avec ces hommes qui ont une vision déformée de Dieu. J’ai compris que le gouvernement irakien préparait une grande opération militaire pour reprendre la province d’Anbar, puis souhaitait ensuite reprendre Qaraqosh et Mossoul. De notre côté, nous rejetons toujours la guerre, nous rejetons l’usage de la violence, et nous souhaitons que toutes ces attaques soient proportionnées, qu’elles aient lieu dans le respect des lois internationales, de la défense des prisonniers de guerre et des combattants.
Q.: Les milices chrétiennes sont-elles une solution à vos yeux ?
Cardinal Sandri: On en entend parler de temps en temps. Je crois que de nombreux jeunes veulent surtout être enrôlés dans l’armée, aussi pour avoir un salaire. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que si les chrétiens restent en Irak, ils devront être protégés, avec une force d’interposition. Après tant de souffrances, on ne peut les abandonner.
Q.: Des pays – la France, l’Allemagne… – accueillent des réfugiés. Est-ce la solution ?
Cardinal Sandri: L’avenir de ces pays, sans chrétiens, est celui de pays avec une tout autre identité. Bien sûr il serait mieux que les chrétiens reviennent, mais comment faites-vous pour les faire revenir ?
Q.: Parmi les solutions, d’aucuns évoquent la création d’un ›Christianistan’, un territoire autonome pour les chrétiens…
Cardinal Sandri: On parle en effet de la possibilité de diviser l’Irak en fonction de l’identité religieuse : sunnites, chiites et chrétiens. Pour nous, la coexistence entre religions appartient à l’Histoire et nous ne pouvons l’oublier. Une telle division mènerait à séparer plus qu’à unir ceux qui croient, musulmans et chrétiens, à des valeurs communes comme le respect de l’homme et de la vie, à de nombreux principes qu’il faut vivre ensemble.
Q.: Que fait concrètement la diplomatie du Saint-Siège ?
Cardinal Sandri: Je suis témoin de nombreuses initiatives et d’efforts importants du pape et de la Secrétairerie d’Etat: des rencontres, des conversations personnelles avec les responsables politiques, etc. Et puis, il y a le travail des nonces apostoliques sur place, qui portent la voix du Saint-Siège et participent au dialogue avec les Etats.
Q.: Le pape François viendra-t-il en Irak ?
Cardinal Sandri: Les chrétiens l’attendent et il a réellement envie de venir dans ce pays qui souffre. Le président de la République et le premier ministre m’en ont parlé. Cette visite pourrait apporter de l’espoir au pays, et tous les pays du monde tourneraient leur regard avec plus d’attention sur l’Irak. Dès que les conditions le permettent, les autorités irakiennes attendent la visite du pape. L’Eglise aussi l’a invité. (apic/imedia/ami/mp)