Les chrétiens de Malaisie autorisés à utiliser le mot «Allah»
La Haute Cour de Kuala Lumpur, en Malaisie a jugé, le 10 mars 2021, que les chrétiens pourront utiliser le mot «Allah» dans leurs prières, leurs textes et leur pratique religieuse. Elle a déclaré inconstitutionnelle une disposition contraire du ministère de l’Intérieur.
La décision de la Haute Cour de Malaisie pourrait être l’épilogue d’une très bataille judiciaire Il y a treize ans, une Malaisienne chrétienne, Jill Ireland Lawrence Bill, se voyait confisquer à l’aéroport, de retour d’Indonésie, huit disques compact dans lesquels le mot «Allah» était utilisé pour désigner Dieu.
La langue malaise utilise en effet le terme «Allah», emprunté à l’arabe, pour dire Dieu depuis des siècles. Un dictionnaire latin-malais vieux de 400 ans en témoigne. Mais les musulmans fondamentalistes estiment qu’Allah ne peut désigner aucun autre dieu que le leur.La Cour a également autorisé l’utilisation des mots »Kaabah» (le lieu saint de l’islam à La Mecque), «Baitullah» (maison de Dieu) et «solat» (prière) à des fins religieuses et éducatives.
Jill Ireland Lawrence Bill avait contesté en justice l’interdiction, datant de 1986, pour les chrétiens d’employer ce mot. Elle s’était également opposée à une directive du ministère malaisien de l’Intérieur datant de 2007 qui révoquait le droit accordé à un journal catholique local de l’utiliser dans ses pages pour des questions d’ordre public.
Un autre bras de fer s’était alors engagé. Le journal paroissial avait saisi un tribunal et obtenu gain de cause en 2009, jugement qui avait provoqué une série d’attaques d’islamistes faisant craindre un conflit confessionnel et relancé la bataille juridique. Elle s’était achevée en 2014. La Haute Cour de Malaisie avait alors rejeté la requête de l’Église catholique pour pouvoir utiliser le mot dans l’édition en malais du journal.
La Constitution garantit la liberté de religion
En 2014, la justice malaisienne avait pourtant donné partiellement raison à Jill Ireland Lawrence Bill en ordonnant la restitution des CD religieux
Dans sa récente décision attendue depuis 2018 et sans cesse reportée, la justice estime que la requérante ne devait pas subir de discrimination due à sa foi, conformément à la Constitution malaisienne qui garantit la liberté de religion. Le juge Nor Bee Ariffin a également estimé que l’interdiction faite aux chrétiens d’utiliser le terme «Allah» est illégale et inconstitutionnelle. La circulaire du Ministère de l’intérieur devrait être annulée. «La liberté religieuse doit être protégée même dans le contexte de situation impliquant l’ordre public», a souligné le juge.
Dans une déclaration commune, l’Organisation nationale malaise unie (UMNO) et le Parti conservateur islamique malaisien (PAS) ont exprimé leur inquiétude face à cette décision de justice. «Nous prenons très au sérieux la décision de la Haute Cour d’autoriser l’utilisation de termes islamiques par les non-musulmans», indique la déclaration. «Nous demandons instamment que la règle sur les termes islamiques soit portée devant la Cour d’appel». De son côté, le gouvernement n’a pas indiqué s’il comptait faire appel.
Les musulmans représentent environ 60% des 32 millions d’habitants de la Malaisie et les chrétiens environ 13%, ce qui en fait le troisième groupe religieux du pays. (cath.ch/newsva/mp)