Les chrétiens bangladais fêtent Pâques en silence
Les quelque 600’000 chrétiens vivant au Bangladesh, qui représentent moins de 0,5 % des 160 millions d’habitants du pays, s’apprêtent à fêter Pâques malgré l’absence de jour férié. S’ils veulent vivre Pâques, les étudiants doivent sécher les cours. Les catholiques demandent depuis longtemps que Pâques soit déclaré jour férié par les autorités.
«Pâques est un temps de renouveau spirituel et de retrouvailles familiales et communautaires, c’est pourquoi j’aimerais ne jamais avoir à manquer cela. C’est arrivé deux fois, parce que j’avais des examens qui approchaient, mais c’était triste», confie au site Eglise d’Asie des Missions étrangères de Paris, Maria Marandy, étudiante en philosophie à l’université de Dacca.
Comme beaucoup d’étudiants catholiques vivant au Bangladesh, Maria Marandy, de l’ethnie Mahali, originaire du diocèse de Dinajpur, dans le nord du pays, doit chaque année faire un choix difficile à l’approche de Pâques: respecter le programme de son université ou sécher les cours pour retrouver sa famille.
Pâques passe inaperçu
Elle a quitté sa famille pour emménager dans la capitale en 2014. Maria explique qu’elle doit souvent passer seule la semaine sainte, parce que Noël est la seule fête chrétienne reconnue dans le calendrier bangladais. En comparaison avec Noël, quand beaucoup de chrétiens se rassemblent avec leurs amis et voisins et que les lumières de Noël illuminent les églises, les boutiques et les hôtels, Pâques passe inaperçu dans la plus grande partie du pays.
Pourtant, c’est un moment important pour la communauté de Maria Marandy, majoritairement chrétienne. Pour elle, Pâques est un temps de miséricorde, un temps familial et un jour de fête pour les chrétiens mahalis. «Après la messe de Pâques, tous les villageois se rassemblent et ils se pardonnent pour les fautes commises durant l’année, pour se réconcilier. Puis ils mangent ensemble et profitent des spectacles culturels qui sont organisés», raconte-t-elle. «Le jour de Pâques, comme Jésus, les Mahalis se relèvent et revivent, donc cette fête a pour nous plus d’importance encore que Noël».
Foi et traditions
Sagar Sonjib Corraya, un catholique bengali de 42 ans, vit dans la capitale depuis 1993, dans le quartier de Bhawal, dans l’archidiocèse de Dacca, l’un des plus anciens bastions catholiques dans le pays. Sagar Corraya travaille pour l’hebdomadaire catholique Pratibeshi, basé à Dacca. Il s’agit du seul journal catholique distribué à l’échelle nationale au Bangladesh.
Pour lui, Pâques est l’occasion de renouveler sa foi et de renouer avec les traditions culturelles de sa communauté d’origine, dans le district de Gazipur au centre du pays. «Depuis mon enfance, j’aime notre façon traditionnelle de fêter Pâques, et les retrouvailles avec mes proches. Nous nous souvenons de la mort Jésus et de sa résurrection le troisième jour, pour nous libérer de nos péchés. C’est la fondation même de notre foi».
Le jour de Pâques, les catholiques des huit paroisses de Bhawal mangent un plat spécial composé de riz sec, de mélasse, de confiseries, de crème et de bananes – une tradition multiséculaire qui viendrait de l’hindouisme. Aux XVIe et XVIIe siècles, les missionnaires européens ont évangélisé plusieurs régions du Bangladesh actuel et de l’Etat indien du Bengale occidental. La plupart des premiers convertis dans la région venaient des castes hindoues inférieures. «Ce plat de Pâques est unique, et nous sommes fiers de conserver cette ancienne tradition».
0,5% de chrétiens
Au Bangladesh, majoritairement musulman, les chrétiens représentent moins de 0,5 % de la population de 160 millions d’habitants. La plupart des 600’000 chrétiens du pays sont catholiques. Malgré leur petit nombre, ils sont respectés par les autres religions pour leur contribution au pays en matière d’éducation, de santé et de développement social.
Durant des années, les chrétiens ont demandé au gouvernement d’ajouter Pâques à la liste des jours fériés dans le pays, en vain. «J’espère qu’un jour, le gouvernement comprendra que Pâques est l’une des fêtes religieuses les plus importantes pour les chrétiens, et qu’il prendra cela en compte», confie Mgr Gervas Rozario, évêque de Rajshahi. (cath.ch/eda/bh)