Les «Cent-Suisses», des cousins de la Garde suisse, au Vatican
Du 6 au 8 mai 2024, la célèbre Garde suisse pontificale a reçu un autre «corps d’élite» suisse au Vatican: les «Cent-Suisses», un ‘corps’ de figurants œuvrant habituellement lors de la célèbre Fête des Vignerons de Vevey. Cette joyeuse et pacifique confrérie, forte de son ‘cousinage’ avec la garde personnelle des pontifes, a été reçue en grande pompe dans le plus petit État au monde.
Sur la place Saint-Pierre, où ils ont défilé ce 8 juin au son de leurs fifres et tambours, la cinquantaine de gaillards du corps des Cent-Suisses n’est pas passée inaperçue. Non sans confusion: ils sont Suisses, portent eux aussi des uniformes à rayures dessinées sur le modèle de ceux de la Renaissance italienne, avec un panache rouge, et sont armés d’une hallebarde scintillante. «Ce sont les gardes suisses!» s’écrie une Italienne, venue comme beaucoup admirer de plus près la fière démarche de cette compagnie.
«D’une certaine manière, elle n’a pas tort», s’en amuse Stéphane Krebs, le commandant de cette compagnie unique en son genre. «Nous sommes des gardes suisses, mais pas la Garde suisse», souligne-t-il, tout en expliquant que le style de l’uniforme rouge et blanc de son corps a été inspiré par celui de l’armée personnelle des pontifes.
Du nom d’un corps d’élite des rois de France entre 1471 et 1792
La troupe des Cent-Suisses existe depuis 1865 et reprend le nom d’un des nombreux corps de mercenaires d’élites qu’a fourni la Confédération helvétique au cours de son histoire. Les Cent-Suisses formaient en effet le corps d’élite des rois de France entre 1471 et 1792, date à laquelle ils furent massacrés par les révolutionnaires en défendant Louis XVI dans les Tuileries. Il fut même rétabli temporairement entre 1814 et 1830 et exporté dans d’autres royaumes.
L’actuelle compagnie des Cent-Suisses, costume rouge et blanc aux couleurs nationales, est aujourd’hui un «corps d’élite» non-militaire participant à la célèbre Fête des Vignerons de Vevey, une festivité traditionnelle organisée quatre à cinq fois par siècle dans cette cité au bord du Lac Léman, depuis la première édition en 1819. Elle est reconnue depuis 2016 comme patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
«Intégrer les Cent-Suisses est plus facile que de faire partie de la Garde suisse», assure Stéphane Krebs. Pour servir sous ses ordres, il suffit d’être originaire de la région de Vevey et de faire plus de 1,80m – connaître quelqu’un dans l’organisation de la Fête des Vignerons peut aussi aider. Et c’est moins éprouvant aussi, puisque le service a lieu environ tous les 15 à 30 ans – on estime la prochaine édition à l’année 2035.
Garde suisse et «soldat» des Cent-Suisses
Garde suisse entre 2016 et 2021, Alexandre Furrer a vécu avec émotion cette séquence, lui qui dispose d’une double casquette puisqu’il avait obtenu une dérogation pour intégrer les Cent-Suisses en 2019, dernière édition qui célébrait le bicentenaire de la Fête des Vignerons. À cette occasion, la Garde Suisse avait été l’invitée d’honneur lors de la journée principale de l’événement, celle du 1er août.
Les soldats rouge et blanc leur avaient réservé un «chaleureux accueil», assure celui qui a participé au déplacement, «et la Garde suisse avait originellement prévu de nous rendre la pareille en 2020, mais la pandémie a mis fin au projet, et nous avons ensuite longtemps attendu une nouvelle invitation». «Cela a enfin pu se faire, et je dois dire que nous avons été très bien reçus , se réjouit-il, confiant avoir ressenti le statut privilégié que leur offre la présence de la Garde suisse au sein du Vatican.
Le programme de ce déplacement, en préparation depuis un an, était bien rempli. Arrivés dans la nuit de dimanche 5 mai, les Cent-Suisses ont assisté en bonne place à la cérémonie d’assermentation de leurs compatriotes de la Garde pontificale. Le lendemain, ils ont eu droit à une visite guidée du Vatican qui leur a permis de découvrir les quartiers de la Garde suisse, monter en haut de la coupole, puis passer par les jardins du petit État.
Une rencontre émouvante avec le pape
Enfin, mercredi, il ont pu assister à l’audience générale en bonne place, installés juste devant le pape au pied du parvis de la basilique Saint-Pierre. À la fin de cet événement, les Cent-Suisses ont salué le pontife et pris une photographie avec lui.
«C’était un moment très fort, un des plus forts que j’ai jamais vécu», confie Stéphane Krebs peu après la rencontre, visiblement ému. «Le pape nous a simplement remerciés», assure-t-il. Lui-même lui a offert une colombe forgée spécialement pour l’occasion par une artiste locale, Bertille Laguet, qui réalise habituellement leurs armes. «Une colombe, parce que c’est un pape de paix», explique le commandant.
Après l’audience générale, les Cent-Suisses ont défilé sur la place Saint-Pierre puis ont rejoint les quartiers de la Garde suisse en rang et musique, sous le regard admiratif et étonné de milliers de pèlerins et touristes. «On se sent un peu chez nous», confie avec joie Charles, 72 ans et ancien membre des Cent-Suisses, venu accompagner ses camarades.
Une cloche d’alpage en signe d’amitié
Dans la cour de la Garde suisse, avant de repartir pour leur pays dans la soirée, les soldats rouge et blanc ont une dernière fois célébré leur amitié avec les gardes jaune et or. Et le commandant Krebs a solennellement remis au commandant de la Garde suisse Christoph Graf une traditionnelle cloche d’alpage gravée en souvenir de leur amitié. (cath.ch/imedia/cd/lb)