Les archives livrent de nouveaux éclairages sur le pape Pie XII
Un an après l’ouverture des archives du pontificat de Pie XII, quelques résultats provisoires des recherches ont été présentés par des historiens le 16 juin 2021, à Rome. La question du silence du pape pendant la Deuxième Guerre mondiale doit être considérée dans le contexte de l’époque.
Lors d’une conférence organisée par organisée par les ambassades allemande et française auprès du Saint-Siège, l’historienne Nina Valbousquet de l’Ecole française de Rome, Simon Unger-Alvi, de l’Institut historique allemand de Rome et l’historienne italienne Lucia Ceci ont présenté les résultats d’un précédent congrès de spécialistes.
Ni le «pape des Allemands», ni ,le «pape des juifs»
Une bonne année après l’ouverture des archives du Vatican sur le pontificat de Pie XII, on peut dire que ni le cliché du «pape des Allemands» ni celui du «pape des Juifs» ne sont vrais, a relevé Nina Valbousquet. Pour juger un pontificat, la recherche doit aller au-delà de la personne particulière du pape et considérer l’ensemble de l’appareil du Vatican. Grâce au dépouillement des archives, c’est désormais chose possible et l’image reflétée présente des nuances beaucoup plus marquées
Par exemple le nonce en France occupée à l’époque, Mgr Valerio Valeri, avait largement salué les lois juives promulguées par les Allemands. Ainsi, selon lui, l’influence néfaste de ce peuple serait repoussée, avait-il écrit à la Secrétairerie d’Etat. Mais en face, Mgr Pierre-Marie Theas, évêque de Montauban, et un certain nombre de religieux, avaient sévèrement critiqué le silence généralisé des représentants de l’Eglise sur les déportations.
Le philosophe catholique Jacques Maritain (qui sera ambassadeur de France auprès du Saint Siège de 1945 à 1948 NDLR) a écrit en 1945 à la Secrétairerie d’État qu’après la fin de la guerre, le pape pourrait parler librement des horreurs du conflit. Dans la réponse en date du 19 juillet 1945, il est dit que Pie XII avait assez souvent souligné l’injustice des personnes persécutées en raison de leur race ou de leur foi. La question du silence de Pie XII doit être considérée dans le contexte de cette époque, a souligné Nina Valbousquet.
Pour Simon Unger-Alvi, une réponse différenciée à cette question si importante nécessite encore du temps. Le fait que le pape avait été informé des déportations et des massacres par des lettres ainsi que par des juifs de Rome, qui ont trouvé refuge dans des églises et des monastères, est établi, a-t-il rappelé
Le rôle du Vatican dans l’unification européenne
L’historien allemand a relevé de son côté le rôle du pontificat de Pie XII dans l’unification européenne. Alors que la France était favorable à une Allemagne neutre et désarmée, le Saint-Siège, dans l’esprit de Konrad Adenauer, catholique convaincu, avait clairement prôné le rattachement à l’Ouest de la République fédérale. L’alliance de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et du Vatican a été l’un des fondements de l’ordre démocratique et de l’économie sociale de marché en RFA.
La décolonisation doit encore être étudiée
Lucia Ceci attend de nouvelles impulsions de recherche de la part d’historiens plus jeunes ou d’autres continents. Cela s’applique en particulier au rôle de l’Église sous Pie XII dans la décolonisation. L’historienne italienne a mis en garde contre tout nouveau sensationnalisme concernant la figure de Pie XII. La concentration des regards sur l’attitude de Pie XII pendant la Deuxième guerre mondiale a rendu difficile une vision différenciée et a occulté d’autres aspects importants du pontificat d’Eugenio Pacelli, a-t-elle conclu. (cath.ch/cic/mp)