Le pape François a dû annuler beaucoup d'événements à cause de ses douleurs au genou | photo: le pape recevant une délégation de la présidence espagnole, le 13 juin 2022 | © EPA/VATICAN PRESS OFFICE/VATICAN MEDIA HANDOUT/Keystone
Vatican

Les annulations de voyages, une décision douloureuse pour les papes

Le report du voyage du pape François en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud constitue une décision lourde de conséquences, compte tenu des attentes que suscitait la venue du pontife dans ces pays marqués par la guerre. Cette décision annoncée le 10 juin 2022 en raison de l’état de santé du pape, n’est toutefois pas une première dans l’histoire de la papauté contemporaine.

Jean Paul II avait notamment renoncé à un important voyage à Sarajevo en 1994 en raison des menaces sur la sécurité, et Paul VI n’avait pas pu se rendre en Pologne en 1966 compte tenu de l’opposition du régime communiste.

La précédente annulation d’un voyage international déjà programmé remontait au déplacement à Malte prévu le 31 mai 2020. Cette visite du pape François prévue sur une seule journée avait été annulée en raison de la pandémie de Covid-19, et 2020 fut la première année sans voyage pontifical à l’étranger depuis 1978. Finalement, le voyage à Malte a été reprogrammé sur deux jours, les 2 et 3 avril 2022, et a pu se dérouler normalement. Les difficultés de locomotion du pape l’ont toutefois empêché de prendre l’escalier.

Le couac libanais

Le 27 février 2022, l’annulation de la visite du pape à Florence, où il devait célébrer la messe de clôture de la Rencontre des évêques et maires de la Méditerranée, a fait couler beaucoup d’encre. Si la raison officielle était déjà alors sa douleur au genou, certains ont interprété cette annulation comme étant liée à un conflit entre le pape et la conférence épiscopale italienne.

Le déplacement prévu au Liban les 11 et 12 juin 2022 n’avait pas été formellement annoncé par le Saint-Siège, et son report n’a donc pas fait l’objet d’une déclaration formelle. L’annonce prématurée de ce voyage par les autorités libanaises s’est avérée être une faute diplomatique, mais le projet d’une visite papale n’est pas exclu pour les mois à venir.

Les renoncements de Paul VI et Jean Paul II

L’histoire de la papauté contemporaine n’est pas exempte d’imprévus et de renoncements. Paul VI a renoncé aux voyages internationaux durant une longue période, de 1970 à 1978, après une dernière tournée épuisante en Asie et en Océanie. Le premier pape à avoir pris l’avion s’est rendu dans des terres très lointaines comme la Colombie, l’Ouganda ou même les Samoa, mais l’invitation à se rendre en Pologne en 1966, pour le millénaire du baptême du roi Mieszko Ier, ne put être honorée en raison du refus des autorités communistes de donner un relief international à ces célébrations.

Le pape Jean Paul II en prière | © Vatican Media

«Ce pèlerinage ne nous a pas été permis», avait déclaré Paul VI avec amertume, en célébrant une messe à Rome pour la communauté polonaise, le 15 mai 1966. «Naturellement, nous en avons été profondément attristés, également en raison de notre affection personnelle pour la Pologne. Nous sommes convaincus que les raisons qui s’opposent à la réalisation de Notre pèlerinage, et qui sont imputées aux actes et aux attitudes du très vénérable Cardinal Wyszynski, ne sont pas justifiées», avait déclaré le pape italien.

Le pape Jean Paul II est resté dans l’histoire comme un pape globe-trotter. Mais il a dû lui aussi renoncer à de nombreux projets. Si Paul VI avait pu se rendre brièvement à Hong Kong lors de sa tournée asiatique de 1970, le projet du pape polonais d’y faire une étape dans les années 1980 ne put aboutir en raison de la pression de la Chine communiste, qui allait reprendre le contrôle de l’ex-colonie britannique le 1er juillet 1997.

Prévue initialement en 1981 et repoussée à cause de l’attentat du 13 mai, la première visite pastorale de Jean Paul II en Suisse a eu lieu du 12 au 17 juin 1984. Ce fut une visite marathon, comme à son habitude, avec après son arrivée à Zurich Kloten des étapes à Lugano, Genève, Fribourg, Berne, au Flueli-Ranft, à Einsiedeln, Lucerne, et Sion, où Jean Paul II a ordonné neuf prêtres.

Menaces à Sarajevo

Une autre annulation a marqué le pontificat de Jean Paul II, concernant cette fois un voyage officiellement programmé: sa visite à Sarajevo, prévue le 8 septembre 1994 fut annulée in extremis pour des raisons de sécurité. La ville bosniaque était alors assiégée par les Serbes. Leur leader, Radovan Karadzic, avait déclaré que ses miliciens «ne pourraient pas assurer la sécurité du pape durant son séjour à Sarajevo». L’émissaire de l’ONU pour l’ex-Yougoslavie avait averti le pape des «sérieux dangers» que comportait un tel voyage à portée de tir des snipers.

«Benoît XVI a effectué tous les voyages annoncés.»

Jean Paul II renonça avec une vive amertume, d’autant plus que cette année 1994 marquait aussi le 80e anniversaire de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, le 28 juin 1914, qui avait été l’étincelle déclenchant la Première Guerre mondiale. Il viendra finalement les 12 et 13 avril 1997 dans une Bosnie encore divisée mais indépendante et libérée de la guerre.

L’Irak, le rêve inaccompli de Jean Paul II

Autre voyage annulé sous Jean Paul II: son étape prévue à Ur, la ville d’Abraham dans l’Irak actuel, lors de son pèlerinage sur les pas des prophètes de l’Ancien Testament pour le Jubilé de l’an 2000. Le risque de récupération de cette visite par le régime de Saddam Hussein l’en avait dissuadé. Mais le rêve de Jean Paul II sera finalement accompli par le pape François le 6 mars 2021, lors d’une mémorable célébration interreligieuse.

Un voyage de Jean Paul II programmé en Mongolie pour la fin de l’été 2003 avait été annulé en raison de l’état de santé du pontife polonais. Selon l’agence Églises d’Asie, ce report avait aussi pour objectif d’organiser une étape à Kazan, en Russie, afin de remettre à l’Église orthodoxe russe l’icône de la Sainte Vierge de Kazan dont l’Église catholique avait fait l’acquisition quelques années auparavant. C’est finalement le cardinal Kasper, alors président du Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens, qui se rendit en Russie un an plus tard afin de procéder à ce geste symbolique.

Benoît XVI avait renoncé avant

Enfin, Benoît XVI a effectué tous les voyages annoncés. Mais après sa renonciation du 11 février 2013, l’une des raisons officielles données pour expliquer cette décision fut le conseil médical d’éviter les voyages lointains. La perspective des JMJ de 2013 au Brésil a donc pesé dans sa décision de se retirer. Ce souvenir est de nature à relancer les interrogations sur la capacité du pape François à poursuivre un pontificat dans lequel les voyages occupent une place stratégique. (cath.ch/imedia/cv/bh)

Le pape François a dû annuler beaucoup d'événements à cause de ses douleurs au genou | photo: le pape recevant une délégation de la présidence espagnole, le 13 juin 2022 | © EPA/VATICAN PRESS OFFICE/VATICAN MEDIA HANDOUT/Keystone
13 juin 2022 | 17:00
par I.MEDIA
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