Le célibat est-il un facteur de risque pour les abus sexuels?  | © Fatima Flores/Flickr/CC BY 2.0
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Les affaires d'abus ont «un impact profond» sur les prêtres

Selon une étude pionnière publiée fin juin 2021 par l’Université ouverte de Catalogne, de nombreux prêtres ressentent colère, honte, mais aussi stigmatisation face aux affaires d’abus sexuels. Beaucoup demandent que l’Église prenne des mesures plus courageuses.

Que pensent les prêtres des abus sexuels commis par des confrères? Sont-ils conscients des facteurs de risque? Que pensent-ils de la réponse de l’Église? Telles sont quelques unes des questions que Josep Maria Tamarit, professeur de droit pénal à l’Université ouverte de Catalogne, et son équipe, ont posées à un groupe de prêtres non impliqués dans des cas d’abus.

Difficulté à trouver les mots justes

Le professeur Tamarit relève au média espagnol Alfa y Omega du 12 juillet 2021 qu’une première difficulté de l’étude a été de trouver un échantillon de prêtres d’accord de s’exprimer sur un tel sujet. La plupart des personnes contactées n’ont pas voulu participer. Et celles qui l’ont fait ont relevé à quel point il leur était difficile d’aborder ces questions et de trouver les mots justes pour y répondre. L’étude a finalement pu recueillir, par le biais d’entretiens approfondis, l’opinion de 20 prêtres travaillant en Catalogne.

D’après le spécialiste de droit pénal, une conclusion générale est «l’impact profond» exercé sur les prêtres par les cas d’abus sexuels et leur diffusion dans la presse. Au-delà, les sentiments et réactions présentent une certaine variété.

Empathie pour les victimes

Les hommes d’Eglise ne cherchent pas à nier les cas. Dans la mesure où les abus se sont produits dans l’Église, ils se considèrent comme concernés. Les prêtres interrogés ressentent principalement de la colère, de la honte et de la frustration face aux agissements de leurs confrères. Ils se perçoivent aussi victimes d’une certaine stigmatisation et persécution qui déborde sur l’Église entière. Les ecclésiastiques catalans expriment également de l’empathie envers les victimes et une certaine incertitude quant à l’attitude à adopter face à ce problème. Ils sont catégoriques sur le fait que ces actes sont des crimes et qu’ils doivent être dénoncés.

Conscients de leur pouvoir

Concernant les facteurs de risque, le chercheur souligne qu’il n’y a pas de vision unifiée, ce qui montre qu’il existe «un certain dialogue» au sein de l’institution. Une partie des prêtres interrogés considère qu’il n’existe pas de facteurs structurels, mais que les faits s’expliquent par des comportements individuels. D’autres estiment que certains aspects structurels, tels que le célibat, pourraient expliquer les abus.

La question de la solitude a été très commentée par les prêtres et vue comme un facteur de risque. Ils sont également conscients de posséder un pouvoir sur les personnes et du danger d’en abuser.

Un volet de l’enquête a concerné la réponse de l’Église aux abus. Les avis sur cette question se sont avérés très disparates. Certains saluant le leadership pris par le pape, d’autres estimant que l’Eglise devrait prendre des mesures plus courageuses, accepter qu’elle a un problème et offrir une réponse claire.

Des peines plus lourdes pour les prêtres

Pour le professeur Tamarit, les opinions recueillies montrent «un mouvement de fond» qui révèle certes des doutes et des craintes, mais aussi «une volonté de répondre au problème».

L’équipe de chercheurs catalans a parallèlement étudié toutes les condamnations pénales prononcées contre des prêtres ou des religieux pour abus sexuels en Catalogne. Ils les ont comparées avec les verdicts prononcés dans d’autres domaines de la société tels que l’école ou le sport. Ils ont constaté que les tribunaux imposaient des peines de prison plus longues et des indemnités aux victimes plus élevées dans les cas où la personne condamnée était un représentant religieux.

«Les juges ont tendance à percevoir ces cas comme plus graves, car […] cet abus provoque un dommage spécifique supplémentaire, d’ordre spirituel». Pour le professeur de droit pénal, «le reproche est plus grand du fait que le comportement du prêtre est en rupture avec ce que l’on attend de sa personne, censée se situer à un niveau de moralité supérieur à la moyenne».

Les résultats de l’enquête ont été présentés ­ avec d’autres rapports des universités du Pays basque et de Barcelone ­ lors d’une conférence organisée à Saint-Sébastien, au nord-ouest de l’Espagne. Les conclusions seront également publiées dans un livre à paraître prochainement. (cath.ch/alfayomega/rz)

Le célibat est-il un facteur de risque pour les abus sexuels? | © Fatima Flores/Flickr/CC BY 2.0
13 juillet 2021 | 17:06
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
Abus sexuels (1289), Catalogne (4), Espagne (91), Prêtres (122)
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