Les 50 ans de la RKZ sous le signe de la synodalité
La Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) a fêté ses 50 ans d’existence le 24 juin 2022, à Soleure. La faîtière des corporations ecclésiastiques a marqué son engagement à travailler pour et avec le peuple de Dieu. L’autrice française Christine Pedotti a rappelé la nécessité pour l’Eglise d’instaurer l’égalité hommes-femmes.
«Nous devons être le changement que nous voulons voir dans l’Eglise», a lancé Renata Asal-Steger dans le bâtiment de l’Ancien Hôpital de Soleure. La présidente de la RKZ a d’emblée placé l’anniversaire de l’institution sous le signe de l’engagement inclusif. Le slogan des festivités, «En avant. Ensemble», illustre cette volonté. Les célébrations, qui ont réuni une centaine de personnalités des Eglises, des autorités civiles ou encore des médias, ont eu lieu avec un an de retard, pandémie oblige.
Appel à l’action
La RKZ a en effet été fondée en 1971, dans le sillage du Concile Vatican II. Les intervenants qui se sont succédé à la tribune ont rappelé la «spécificité suisse» de cet organe lié au système dual particulier de l’Eglise dans le pays. Ce dernier distingue l’institution dite «de droit ecclésiastique» de l’Eglise canonique.
Renata Asal-Steger a souligné que le «partenariat» était le fondement de la collaboration entre la RKZ et la Conférence des évêques suisses (CES). Une coopération encore plus essentielle aujourd’hui qu’il y a 50 ans, alors que l’Eglise fait face à des défis inédits dans la société. «Il faut se mettre en route avec confiance, décider avec courage et agir». Un engagement renforcé qui ne peut pas être laissé aux seuls évêques, a relevé la laïque lucernoise. «Tous les baptisés ont le droit et le devoir de prendre ensemble les décisions», a-t-elle insisté, inscrivant ce mouvement de fond dans le processus synodal en cours dans l’Eglise universelle.
L’Eglise allemande «envieuse» de la Suisse
Après son allocution, Renata Asal-Steger a introduit les deux invitées spéciales de l’événement, Christine Pedotti et Sœur Philippa Rath. Elle a expliqué qu’elles étaient toutes deux «expertes» des questions d’inclusivité dans leurs pays respectifs, la Fance et l’Allemagne.
«En Allemagne, nous sommes un peu envieux de l’Eglise en Suisse, a assuré Sœur Philippa. Outre le fait que des femmes occupent des postes importants dans certains diocèses, la religieuse a jeté un regard positif sur un système dual qui donne du poids aux laïcs. «En Allemagne, les évêques concentrent les pouvoirs. Mais ils en souffrent en même temps, à cause du poids de leurs tâches, et ils peinent à déléguer». La bénédictine a, en général, prononcé un véritable plaidoyer pour les non-ordonnés dans l’Eglise, sans lesquels l’institution «n’aurait eu aucune chance d’avancer».
La parole «dissonante» de l’Eglise
Christine Pedotti n’a pas été tendre avec le clergé de son propre pays, qualifiant la France de «fille peut-être indigne» de l’Eglise. L’écrivaine, journaliste et éditrice a estimé que l’Eglise française était «très retardataire» par rapport à la Suisse et à l’Allemagne. «Nous sommes loin de la collaboration clergé-laïc que l’on peut trouver en Suisse», notamment à travers le système dual, a-t-elle assuré.
La co-fondatrice, avec Anne Soupa, du «Comité de la jupe» et de la «Conférence catholique des baptisé-e-s francophones» a considéré que l’absence d’égalité entre hommes et femmes dans l’Eglise provoquait une «dissonance» dans sa parole et contribuait à la rendre «inaudible» dans le monde actuel. Relevant que les chrétiens doivent être porteurs d’espérance dans une société «désespérée», elle a appelé l’Eglise à «se faire la table autour de laquelle on doit se parler».
Clarifier les relations
Les intervenants ont été chaleureusement applaudis lors de cette fête d’anniversaire, entrecoupée d’épisodes musicaux. L’évocation d’éléments un peu plus délicats concernant le parcours de la RKZ n’a pas entamé l’ambiance cordiale. Mgr Felix Gmür, président de la CES, a ainsi salué la «réussite» de la Conférence centrale dans le contexte si complexe de la Suisse, avec tous ces fonctionnements cantonaux différents. L’évêque de Bâle a néanmoins relevé la nécessité de «clarifier» les relations entre les têtes du système dual.
Pour un «nouvel élan synodal»
Une collaboration qui a connu quelques «froids», particulièrement en 2013, lorsque les évêques suisses ont publié leur Vademecum. Le document réaffirmait à l’adresse de corporations ecclésiastiques accusées de dépasser leurs prérogatives que «ce sont les évêques qui gouvernent l’Église, avec l’aide de leurs collaborateurs que sont les prêtres».
Des relations qui se sont finalement bien réchauffées durant les dernières années, Mgr Gmür espérant un «nouvel élan» synodal. Il a appelé la RKZ et la CES à s’engager ensemble sous le principe de «la théologie du Peuple de Dieu».
L’événement de Soleure a aussi été l’occasion de présenter un extrait des six vidéos réalisées par le Valaisan Pierre Pistoletti à l’occasion du jubilé. Les vidéos repassent en revue l’histoire de la RKZ et les grandes thématiques liées à l’institution. (cath.ch/rz)
La Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) rassemble en son sein les organisations ecclésiastiques cantonales. Elle a été fondée en 1971 sous la forme d’une association. Elle contribue de manière décisive à doter l’Eglise catholique des moyens qui lui sont nécessaires pour remplir ses tâches à l’échelon national, rapporte l’institution sur son site internet. «Dans les efforts qu’elle consent à cette fin, la Conférence centrale respecte les besoins de la vie ecclésiale locale et applique les principes de démocratie, de solidarité et de gestion d’entreprise», peut-on lire.
La Conférence centrale touche quelque 12,8 millions de francs (2019) pour le financement d’activités de l’Eglise à l’échelon suprarégional. Destinés principalement à des institutions opérant au niveau d’une région linguistique ou de la Suisse dans son ensemble, ces fonds servent à financer des tâches et projets qui, à leur tour, profitent à la vie de l’Eglise au sein des paroisses. RZ
Christine Pedotti est écrivaine, éditrice et journaliste. Elle a fondé avec Anne Soupa le Comité de la Jupe et la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones. Elle milite pour la dignité des baptisés et en particulier des femmes dans l’Eglise. Diplômée en histoire et sciences politiques, elle est aujourd’hui directrice de la rédaction de Témoignage chrétien.
Sœur Philippa Rath est bénédictine de l’Abbaye Sainte-Hildegarde, en Hesse. Elle est déléguée des ordres religieux allemands au sein du processus synodal dans le pays et membre du Forum des femmes «Frauen in Diensten und Aemtern des Kirche». RZ