Les 26 Eglises protestantes de Suisse en marche vers plus de communion
La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) devrait muer pour devenir en 2019 l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS). Derrière ce changement de nom et de statuts, il y a la volonté de davantage de communion, de présence et de visibilité sociale, explique Laurent Zumstein, conseiller synodal de l’Eglise réformée du canton de Vaud (EERV).
Après un long travail préparatoire, l’assemblée des délégués des Eglises protestantes doit approuver sa nouvelle constitution, le 18 décembre 2018. Ce faisant, elle deviendra l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS). «Depuis un bon nombre d’années, les 24 Eglises cantonales se sont interrogées pour savoir si une fédération était toujours un modèle pertinent», a expliqué à cath.ch Laurent Zumstein, conseiller synodal de l’Eglise vaudoise et membre de l’assemblée des délégués de la FEPS. Les Eglises ont exprimé le désir d’aller plus loin dans la fraternité et le témoignage commun, pour renforcer leur communion et leur présence dans la société.
«Il y a cinq ans, quand j’ai parlé d’avoir une seule Eglise, les délégués ont rigolé»
«Il y a cinq ans, quand j’ai parlé d’avoir une seule Eglise, les délégués ont rigolé», expliquait en juin 2018, le pasteur Gottfried Locher, président du Conseil de la FEPS. «Jusqu’à maintenant, les Eglises étaient centrées sur le niveau cantonal, mais cela pourrait changer.»
Entre une volonté unificatrice et centralisatrice et le fédéralisme traditionnel des Eglises cantonales, les délégués protestants se sont finalement entendus pour définir la nouvelle EERS comme «la communion des Eglises évangéliques réformées (art.1)». «Les Eglises romandes tenaient beaucoup au principe et au mot de communion, relève Laurent Zumstein. La première proposition du conseil de la FEPS n’en tenait pas compte. Après une discussion assez virulente, l’idée a été acquise. Nous restons des Eglises qui cheminons ensemble vers davantage de communion.» Aux plans local et cantonal, chacune des Eglises membres reste totalement indépendante et libre de s’organiser comme elle l’entend.
Une gouvernance synodale et collégiale
La deuxième pierre d’achoppement était celle de la direction et de la gouvernance. «Pour certains, le futur président devait avoir le rôle d’un ‘évêque’. Les délégués ont finalement fait valoir les deux principes bien protestants de la synodalité et de la collégialité.» L’organe suprême de l’EERS sera le synode formé par des délégués de chacune des Eglises membres. Le synode désignera un conseil de sept membres comme organe directeur et exécutif de l’EERS. Le président ou la présidente enfin représentera l’EERS dans la sphère publique. «Mais, comme le président de la Confédération, il n’aura pas plus de pouvoir que les autres membres du conseil», précise Laurent Zumstein.
«Le président incarnera l’EERS envers les autorités civiles et religieuses des autres confessions»
Pour éviter tout risque de ‘cléricalisme’, la nouvelle constitution laisse la place à toute personne homme ou femme, consacré ou laïc. Aucun poste n’est réservé. Le président ne sera pas obligatoirement un pasteur.
Le président ou la présidente aura un rôle important pour les relations extérieures. Il incarnera l’EERS envers les autorités civiles et religieuses des autres confessions. Pour Laurent Zumstein, cette possibilité est importante pour le rayonnement de l’EERS en Suisse, mais aussi au plan international dans le dialogue œcuménique et interreligieux.
Pas de confession de foi commune
Mis à part un très bref préambule sur la foi en Dieu Père, Fils et Esprit Saint et en la révélation biblique, la constitution de l’EERS, n’aborde pas les questions doctrinales, ni ne définit une profession de foi. «Là encore, nous restons bien dans le monde réformé», admet Laurent Zumstein. L’EERS se dotera néanmoins de commissions et de ‘conférences’ thématiques qui auront voix au chapitre lors des assemblées du Synode. ” L’article 6 prévoit que l’EERS «effectue un travail de fond théologique et éthique sur les questions ecclésiales, sociétales, politiques, culturelles, scientifiques et économiques. Elle élabore des prises de position.»
«Jusqu’à présent les assemblées des délégués de la FEPS étaient essentiellement protocolaires et réglementaires, j’espère que le synode laissera plus de place aux questions spirituelles, théologiques et ecclésiales.» Mais comme aujourd’hui, il n’y aura pas de contrainte en matière de foi ou de morale.
Sur le plan de l’oecuménisme intra-protestant, la nouvelle constitution offre aux Eglises et communautés évangéliques libres la possibilité d’adhérer à l’EERS en tant que membres associées avec une voix consultative au synode.
Large consensus en vue du vote final
Pour Laurent Zumstein, les discussions préliminaires ont permis de dégager un large consensus et le vote final du 18 décembre 2018 devrait se passer dans un climat serein. Le processus ne sera cependant pas achevé. L’EERS disposera ensuite d’un an pour l’élaboration des ses règlements, la mise en place de ses organes et de son budget. Le nouveau synode pourrait se réunir pour la première fois en 2020. (cath.ch/mp)