L’engagement du cardinal Monsengwo pour les pauvres était marquant
Certains auraient voulu voir confier à Mgr Laurent Monsengwo Pasinya le destin de la République démocratique du Congo en tant que chef d’Etat. C’est dire l’importance que le cardinal, décédé le 11 juillet 2021, a eu pour son pays et au-delà. Markus Brun, responsable de la coopération internationale à Action de Carême (AdC), est revenu pour kath.ch sur cette personnalité marquante.
Raphael Rauch, kath.ch, traduction adaptation Maurice Page
«J’ai appris à connaître personnellement Mgr Laurent Monsengwo en 2010, lorsqu’il est devenu archevêque de Kinshasa, explique Markus Brun. Nous avions des réunions régulières avec lui sur le terrain et nous pouvions toujours compter sur son soutien. Le point culminant de notre coopération a été une réunion à l’approche du sommet des Nations Unies visant à évaluer la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, dix ans après leur proclamation.»
Pour des multinationales responsables
Avec un représentant du Conseil œcuménique des Eglises (COE) et le secrétaire de la Conférence épiscopale de l’époque, Felix Gmür, nous avons eu un entretien avec Micheline Calmy-Rey, alors cheffe du Département fédéral des des Affaires étrangères. Prévue pour 30 minutes, la discussion a durée a duré plus d’une heure. «La conseillère fédérale a été profondément impressionné par l’éloquence du cardinal, sa profonde analyse politique et son attitude très humaine», se souvient Markus Brun. Micheline Calmy Rey a convenu alors qu’il était urgent de réglementer les sociétés multinationales – en termes de respect des droits de l’homme, de protection de l’environnement et de lutte contre l’évasion fiscale. Le cardinal Monsengwo a été ensuite l’un des principaux témoins d’Action de Carême sur la nécessité de donner une assise juridique à la responsabilité des entreprises en Suisse.
Une personnalité intégrative
Markus Brun me voit cependant pas Mgr Monsengwo comme le «visage de l’opposition». «Avec la chute du pouvoir du despote Mobutu au Zaïre au début des années 1990, le mouvement démocratique a gagné en importance. Compte tenu des intérêts fortement divergents dans cet immense pays, une personnalité intégrative était nécessaire. L’Église catholique était et est toujours divisée, mais elle est l’une des forces les plus puissantes dans les secteurs éducatif et social – et a donc un grand poids politique.»
Mgr Monsengwo, à l’époque archevêque de Kisangani, n’a jamais mâché ses mots. C’était un homme au langage clair. Il a donc été élu à la tête de la «Commission Nationale Souveraine», qui aurait dû limiter le pouvoir de Mobutu et aider la démocratie à percer. Cela n’a pas vraiment réussi, mais Mgr Laurent a joué le rôle d’opposant à Mobutu en tant que président du potentiel gouvernement de transition de 1994 à 1997.
Un homme d’Eglise avant tout
Homme politique, Mgr Monsengwo a été d’abord un homme d’Eglise, relève Markus Brun. «Il été le premier Africain à avoir rédigé une thèse d’exégèse et à avoir travaillé longtemps comme professeur d’Ancien Testament à Louvain et à Kinshasa. Il a mis en pratique sa foi en une justice divine dans la vie quotidienne et a justifié théologiquement son engagement en faveur de la dignité humaine et des droits de l’homme. On ne peut pas le qualifier de théologien de la libération au sens strict, estime Markus Brun, mais son engagement envers les pauvres et les opprimés était impressionnant.
Collaborateur du pape François
Dans la vie politique de la République démocratique du Congo, on se souviendra de lui comme d’un modérateur sur la voie de la démocratie, qui a lui-même renoncé volontairement au pouvoir en tant que président de la République. Et les catholiques du Congo sont fiers que le pape François l’ait nommé au collège des cardinaux pour la réforme de la Curie, poursuit Markus Brun. (cath.ch/kath.ch/rr/mp)
Le pape salue un «grand homme spirituel»
Dans un télégramme publié le 13 juillet 2021, le pape François a fait part de ses condoléances aux fidèles de Kinshasa deux jours après la mort du cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, leur archevêque émérite. Le pontife a loué la figure d’un « homme épris de justice, de paix et d’unité » engagé pour le développement de son pays.
Dans ce message adressé au cardinal Fridolin Ambongo Besungu, actuel archevêque de Kinshasa, le pape demande au Père de toute miséricorde d’accueillir dans sa paix et dans sa lumière cet exégète et homme de science. Ce grand homme spirituel était un pasteur intensément dévoué qui a incarné la mission prophétique de l’Église, estime-t-il.
Attentif aux besoins des fidèles, rempli de courage et de détermination, le cardinal Monsengwo a consacré sa vie de prêtre et d’évêque à l’inculturation de la foi et à l’option préférentielle pour les pauvres, poursuit le pape. C’était une grande figure écoutée et respectée de la vie ecclésiale, sociale et politique de la nation qui s’est toujours engagée pour le dialogue et la réconciliation de son peuple, ajoute-t-il. Et de souligner sa contribution significative pour l’avancée de la République Démocratique du Congo. (cath.ch/imedia/cg/mp)